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5 septembre 2005

Réanimation du mouvement social au Mexique

 

Par Pierre Beaudet
Alternatives. Canada, le 1er septembre 2005

Après quelques années de stagnation, les mouvements populaires reprennent vie au Mexique. À l’automne 2004, de gigantesques manifestations ont été organisées contre les politiques néolibérales du gouvernement, à l’initiative du Front syndical, paysan, social, indigène et populaire (FSCISP). La température se réchauffe, alors que se profi le la prochaine élection présidentielle de juillet 2006. Le candidat de la gauche, l’ex-maire de Mexico, Andrés Manuel López Obrador, a de bonnes chances de l’emporter.

En 1994, le président de l’époque, Carlos Salinas, signait avec grand fracas l’Accord de libre-échange nordaméricain (ALÉNA), avec le président américain, Bush père, et le premier ministre canadien, Brian Mulroney. Les médias ont alors célébré cet accord, qu’ils considéraient être la solution magique aux problèmes de pauvreté au Mexique. Dix ans plus tard, rares sont ceux qui entonnent toujours ce refrain.

La pauvreté a en fait augmenté. Le Mexique compte aujourd’hui 50 % de pauvres dont 20 % de très pauvres. Les salaires ont baissé et les nouveaux emplois créés dans le sillon de l’ALÉ- NA sont mal payés et souvent sous la coupe des mafi as qui contrôlent les maquillas, ces zones franches établies le long de la frontière avec les États- Unis. Sur 45 millions de travailleurs, 30 millions travaillent dans le secteur dit informel, pratiquement sans droit ni protection.

Depuis son élection en 2000, le président et ex-PDG de Coca Cola, Vicente Fox, n’a fait qu’aggraver cette situation. Une nouvelle législation pour soi-disant moderniser le monde du travail a été déposée au Parlement, ce qui conduirait à affaiblir encore plus les syndicats et à démanteler les législations sociales héritées de la période du président Cardenas dans les années 1930. Époque où le Mexique vivait une sorte de « révolution tranquille ».

Un mouvement syndical sous la coupe de l’État

La tâche de Fox est facilitée par le fait que le syndicalisme au Mexique est dominé par la toute-puissante Confédération mexicaine du travail (CMT) qui, depuis longtemps, est contrôlée par l’État. Pire encore, dans certains cas, les syndicats « of- fi ciels » sont devenus une véritable mafi a manipulant et intimidant les travailleurs. Souvent avec la complicité et l’appui des employeurs et de l’État. Par exemple, la CMT a appuyé le gouvernement dans sa politique de privatisation du secteur public, notamment de l’entreprise nationale des télécommunications, Telmex. Des milliers d’emplois ont été supprimés, comme cela a été le cas dans la sidérurgie et d’autres secteurs de l’économie, auparavant sous contrôle public.

Le grand rêve de Fox et de ses alliés américains est de privatiser l’industrie pétrolière, qui est le joyau et le noyau dur de l’économie mexicaine. Mais, pour le moment en tout cas, l’opinion publique ne laisse pas faire. Face à l’inféodation de la CMT, plusieurs milliers de syndiqués se sont organisés sur leurs propres bases. De gros syndicats du secteur public se sont unis pour mettre en place une centrale syndicale alternative : l’Union nationale des travailleurs (UNT). C’est le cas notamment du syndicat des employés du téléphone. L’UNT a par la suite fusionné avec d’autres centrales syndicales signifi - catives. Notamment le Front authentique du travail (FAT), bien connu ici au Québec, en raison de sa participation au Sommet des peuples des Amériques en 2001 et de ses liens avec certains syndicats québécois, dont la CSN.

Un des principes sur lesquels est fondé l’UNT est la démocratie syndicale, le droit de s’organiser et d’appartenir à un syndicat de son choix. Pendant longtemps, la CMT a joui du monopole et, encore aujourd’hui, les employeurs et les cadres de la centrale mettent de gros bâtons dans les roues des travailleurs qui veulent organiser un syndicat indépendant. Ces résistances à l’extérieur de la CMT ont aussi des échos à l’intérieur de la centrale, où plusieurs syndicats (notamment les travailleurs de l’électricité) réclament des changements et la démocratie syndicale, ainsi qu’une rupture entre la CMT et le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) qui a dominé la vie politique mexicaine pendant 60 ans.

L’enjeu de 2006

Les élections de 2006 pourraient être un point tournant. Le président Fox et son parti, le PAN, se présentent sous un programme ouvertement néolibéral. L’ancien parti dominant, le PRI, joue la carte du changement, mais ses politiques sont essentiellement les mêmes. Reste la gauche, le PRD, qui est soutenu, quoique d’une manière critique, par la majorité du mouvement populaire.

Sous l’égide du populaire maire de Mexico, le PRD pourrait causer une grande surprise, du moins c’est ce que les sondages indiquent actuellement. Le PAN et le PRI en ont bien peur et ont tenté par une manoeuvre juridique d’empêcher la candidature d’Obrador. Mais des millions de personnes sont descendues dans les rues et ont forcé le président Fox à cesser ses manoeuvres.

Par contre, plusieurs s’interrogent sur la capacité réelle du PRD à apporter les changements espérés par les mouvements populaires. Ce manque de con- fi ance est lié au bilan de la mairie de Mexico qui a su bien sûr apporter certaines améliorations à la vie des gens, mais de manière très timide et mitigée. À l’intérieur du système en quelque sorte. Le sous-commandant Marcos, dans une récente déclaration, était plutôt virulent à l’endroit d’Obrador, l’accusant de maintenir son pouvoir par la corruption et la manipulation.

Pour le moment, la FSCISP, poussée par l’UNT, tente de proposer la constitution d’un grand front national qui ferait pression sur le PRD pour qu’il se commette davantage et de manière plus explicite par un programme de transformations. Au début de l’année, plus de 164 organisations populaires se sont réunies pour élaborer ce programme et entreprendre le dialogue avec la direction du PRD.


Chaud Mexique !

Résistances populaires et alternatives démocratiques

 Vendredi, 9 septembre, de 9 h à 17 h Bibliothèque nationale (Français, anglais et espagnol avec interprétation simultanée)

Avec :

 Paco Ignacio Taibo II, professeur, syndicaliste, journaliste historien et le plus populaire des romanciers mexicains.

 Benedicto Martinez, du frente Autentico del Trabajo (FAT - Front authentique du travail), nouveau front syndical, paysan, autochtone et populaire du Mexique.

 Hector de la Cueva, de la Red Mexicana de Accion Ante el Libre Commercio (RMALC - Réseau d’action mexicain contre le libreéchange).

 Jose Avila Mendez (Mairie de Mexico)

 Scott Nova (États-Unis)

 Claudette Carbonneau (présidente de la CSN)

 Jacques Létourneau, Jean Lacharité, Émilia Castro et René Charest (CSN)

 Pierre-Yves Sérignet (RQIC) et bien d’autres encore...

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