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1er juin 2004

Vers où emmènent-ils l’Argentine ?

par José Fredda

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

’Il n’y a pas de pays souverain qui abandonne
le contrôle de ses ressources naturelles
en sachant que cela revient à hypothéquer sa croissance
et ne plus protéger ses futures générations ’

Arturo U. Illia

L’hebdomadaire britannique The Economist répète "... le marché peut échouer, mais finit par sortir gagnant, et c’est toujours mieux de se confronter avec ses échecs que de dépendre des bureaucrates...". Discours qui ne s’est pas avéré vrai lors de la célèbre dépression des années 30, mais qui est à nouveau d’actualité à cause du manque de mémoire de l’histoire.

En parodiant cet hebdomadaire, nous pouvons affirmer qu’il vaut mieux que l’État régule, qu’attendre la catastrophe. Il ne s’agit pas d’une phrase en l’air. Le pays va vers un effondrement énergétique à court terme. Le marché ne va pas planifier la disponibilité énergétique du pays dans le futur, puisque la raison d’être de l’entreprise privée est de maximiser ses bénéfices dans le moindre temps possible, et de diminuer les investissements à risque.

Nous ne pouvons pas critiquer l’entreprise privée de vouloir gagner de l’argent, en réduisant les coûts (du personnel), et en augmentant les prix. Moins encore si elle peut le faire grâce à sa position monopolistique (accordée par l’État). Au contraire, c’est l’attitude attendue d’une entreprise privée, selon la théorie du marché.

Ce qui est critiquable, c’est que l’État ne se sente par concerné par cette problématique. C’est à lui que revient la responsabilité de mettre sur le bon chemin au moyen de son intervention et des règlements appropriés, les demandes sociales et le plan d’aménagement National, sans perdre de vue l’objectif de l’activité privée de produire des profits.

Les investissements à risque sont nécessaires pour évaluer les possibilités énergétiques d’un pays, qui sont la base sur laquelle l’État doit planifier son développement et de façon durable. Si l’activité privée ne faisait pas face à de tels investissements, il a la possibilité de les éviter.

Ont été livrés des gisements en exploitation et avec des réserves vérifiées

Les privatisations dans le secteur pétrolier ont eu cette caractéristique. Ont été livrés des gisements en exploitation, avec des réserves prouvées et dont l’investissement à risque a été effectué par l’État (YPF).

Une campagne journalistique efficace a fait croire à un grand nombre d’argentins que les sources d’énergie (pétrole et gaz) sont des biens commerçables, des "commodities", et par conséquent " dédiée à l’extraction et l’exportation". Cette pensée est valable seulement pour les entreprises, qui ont exploité les gisements sans contrôle et sans règlement d’un État qui garantit une exploitation rationnelle de la ressource (comme par exemple, c’est exigé et respecté aux Etats Unis) et sans un objectif concret de développement durable pour le pays.

Ces entreprises privées "nous ont enseignées" qu’effectuer des investissements pour maintenir le niveau de réserves est antiéconomique et non compatible avec les lois du marché. Ce qui n’est pas dit, c’est que les gouvernements des principaux pays du monde (les Etats-Unis, Union Européenne, le Canada) obligent leurs entreprises à maintenir les "réserves stratégiques" à l’intérieur ou à l’extérieur de leurs territoires.
Les recommandations de ceux qui ont examiné le sujet pendant des années, en expliquant que l’État ne doit pas négliger sa fonction spécifique, qui consiste à protéger les intérêts de la société, ont été submergés sous le succès apparent de la première étape des privatisations. Pourquoi critiquent-ils ? S’interrogeaient les ennemis de l’État, il y a maintenant davantage de téléphones, davantage d’électricité, davantage de trains. Ce discours a dissimulé qu’il y a aussi davantage des coûts sociaux et davantage des futurs dangers. Aujourd’hui, la société commence à voir que ces coûts sont plus élevés que les apparents bénéfices.

Nos réserves atteignent seulement l’équivalant de 5 mois de consommation des Etats-Unis

La réalité montre que l’État a une tâche incontournable, qui est de régler l’activité privée, et de l’inclure dans un cadre de Plan d’Aménagement National auquel ils doivent se soumettre.

L’État pour cela doit être fort, pour imposer les critères de "développement durable" aux intérêts particuliers. Cette tâche est indispensable, et la remplir n’a rien à voir avec la polémique entre "capitalisme et socialisme", si ce n’est que c’est impératif pour remplir son rôle social.

L’Argentine dispose aujourd’hui du 0.3% des réserves totales de pétrole du monde ; et de 0.4% des réserves de gaz, et de 0.3% de celles de charbon : le total des réserves de pétrole de l’Argentine pourrait seulement couvrir cinq mois de la consommation des Etats-Unis. L’État est obligé de quantifier ces ressources, et de disposer de leur utilisation pour que la nation soit le moins vulnérable et dépendante possible, jusqu’à que d’autres ressources économiques offrent la possibilité de maintenir le développement sans diminuer la qualité de vie de la société.

À cet effet, l’État devrait se demander :


 Sommes-nous un pays pétrolier, avec des réserves à exporter sans limites ?
 Notre pays satisfait -il le concept de « développement durable » ? [1]
 A-t -il l’énergie nécessaire et fondamentale pour le développement ? [2]

 Notre pays a-t-il une politique énergétique nationale ? [3]

Les pays développés, avec 25% de la population mondiale, consomment 75% de l’énergie produite dans la planète. Ces mêmes pays importent actuellement 60% des hydrocarbures qu’ils consomment et étant donné leur croissance économique, en 2020, ils devront importer 80%.

Les Études récentes sur les réserves mondiales indiquent que le pétrole commencera à manquer aux alentours du 2040. Devant cette réalité, les pays riches ont déjà tracé leur stratégie : L’Irak en fait partie, et la privatisation des ressources de l’Amérique latine est une autre. Les principaux pays latino-américains producteurs de pétrole (le Venezuela avec 6.7% les réserves mondiales, le Mexique avec 4.5%, et le Brésil avec le 0.7%) ont réaffirmé la domination imprescriptible de l’État sur les hydrocarbures.

Bien que le pétrole et le gaz fournissent au pays 87% du total de l’énergie qu’il consomme, l’Argentine a livré le contrôle de ce qu’elle extrait. Au rythme actuel des exportations, nos réserves n’arriveront pas au-delà du 2017. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour se rendre compte du problème qui en découle.

Il n’est pas possible de s’attendre à des investissements dans n’importe quel secteur de la productivité ou de l’industrie si on n’assure pas à l’investisseur d’avoir accès à des sources d’énergie, dans des conditions raisonnables dans la durée et à des prix qui lui permettent d’être concurrentiel sur les marchés internationaux.

Penser que les investissements viendront à cause de « l’image du gouvernement » ou de « signes du marché financier », cela revient à mépriser l’effet et les objectifs du plan d’aménagement des pays développés, ou des entreprises privées ou publiques à leur service, et ne pas voir la réalité plus loin que le bout de son nez.

Sans énergie disponible, il n’existera pas d’investissements pour la production.

Comment fera notre pays pour disposer d’énergie après 2017 ? Il ne le pourra pas si nous ne disposons pas d’une politique énergétique qui donne la priorité au pays et au bien être de ses habitants "au-delà des intérêts économiques des entreprises", et un plan d’aménagement qui oblige à l’exploitation rationnelle de nos faibles ressources pétrolières.

Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi

Infomoreno. Buenos Aires, 16 mai le 2004

Notes :

Notes

[1Développement durable c’est-à-dire satisfaire les besoins de la génération actuelle sans menacer les besoins 0correspondants aux générations futures, en laissant à ces dernières l’option de choisir leur propre style de vie (Commission on Environmental and Development, Genève, 1987).

[2Qualifiée dans la Conférence de Nations Unies de 1992 comme "... facteur décisif du développement soutenable". « Sans énergie les pays sous-développés ne sortiront pas du sous-développement ».

[3La politique énergétique doit être durable ; si ce n’est pas le cas, on conditionne gouvernabilité du pays.

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