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4 mars 2015

Curiosités Américaines

United States of America ! Aïe, ah ah, berk !...

par David Brooks*

 

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Dans les rues de New York, les sans-abri souffrent des conditions climatiques extrêmes. La semaine dernière, la température a chuté à – 16,5°
Photo Reuters

Certaines semaines, les dieux s’amusent à se jouer des imbéciles, insignifiants ou puissants, peut-être juste pour égayer ou accorder un répit à ceux qui doivent rendre compte, supporter ou payer les conséquences de leurs idioties, et semblent même parfois se divertir des cruautés qui ne déclenchent pas de réaction assez humaine.

Par exemple, l’intervention du président de la Chambre des Représentants (du Congrès fédéral), le républicain John Boehner, reposait sur un projet de loi portant approbation d’un oléoduc pour acheminer, du Canada au Texas, le pétrole brut issu des sables bitumineux, soit l’un des pires hydrocarbures cause du réchauffement mondial. Dans son plaidoyer passionné en faveur de cette proposition, il a traité les opposants à cette question d’« extrémistes marginaux de gauche et d’anarchistes ». Parmi ceux qui s’étaient exprimés ce jour là, et semble-t-il parmi ses propres détracteurs, 90 étaient des scientifiques et économistes de renom, dont plusieurs lauréats du Prix Nobel.

Assurément, le changement climatique a ses partisans. Une catégorie de poids, composée de politiciens, chefs d’entreprise multimillionnaires et de l’industrie des hydrocarbures consacrent des millions à leur cause, ce qui sous-entend une armada d’« experts » qui gagnent leur vie en défendant ces intérêts, multipliant les apparitions dans les médias et les tables rondes, pour jeter le discrédit sur le réchauffement planétaire. C’est le cas de Wei-Hock Soon, scientifique associé à Harvard, qui a été l’une des figures les plus en vue à semer le doute quant à l’impact des gaz à effets de serre. Certains documents, recueillis par Greenpeace, prouvent que le scientifique aurait touché plus de 1,2 million de dollars des industries de l’énergie, dont ses travaux et allocutions devant le Congrès et autres tables rondes ne font aucune mention. Malgré le consensus écrasant de la communauté scientifique nationale et internationale, s’accordant à reconnaître 2014 comme l’année la plus « chaude » jamais enregistrée sur la base de faits vérifiés, et de phénomènes climatiques chaque fois plus terribles – sécheresses, inondations, ouragans, froid extrême, réchauffement des océans et fonte des calottes glaciaires –, les chefs de file républicains, pour ne citer qu’eux, persistent à nier l’évidence tandis que leurs concitoyens endurent les conséquences toujours plus dramatiques de ce phénomène.

A propos de climat, dans les rues de New York, un nombre record de sans-abri –58 284, selon l’estimation officielle la plus récente – affrontent des conditions météo polaires alors que les rupins continuent à construire des immeubles de luxe. La semaine dernière, les autorités ont émis une alerte de Code Bleu, c’est-à-dire, que tous les foyers d’hébergement étaient tenus d’accueillir tout sans-abri venu chercher refuge aux impitoyables conditions climatiques ; durant une journée, la température était descendue à – 16,5° celsius. Des dizaines, voire des centaines d’appartements de luxe sont vides, leurs propriétaires en ayant fait l’achat dans un but de placement et non de résidence. Tous sont, évidemment, chauffés, mais personne n’en bénéficie.

Cependant, tandis qu’on alimente l’ignorance et qu’on tolère la misère, dans l’État d’Oklahoma – qui occupe le 48ème rang des 50 États en matière d’instruction– on exalte les valeurs patriotiques. Sous l’égide d’un représentant républicain, un comité législatif étatique a approuvé le projet de loi qui annule un cours avancé d’Histoire dans les classes préparatoires, puisque, aux dires de ce député, le cours souligne « ce qui ne va pas en Amérique (sic) » et, plus encore, passe sous silence l’évocation de l’ « exceptionnalisme étasunien » dans toute sa splendeur. Ces cours d’histoire de niveau avancé, créés par le ministère de l’Éducation pour les tests d’admission dans les universités, avaient déjà été condamnés par le Comité National Républicain (instance nationale du parti) pour leur « vision systématiquement négative de l’Histoire des Etats-Unis d’Amérique  ».

Pour parler d’études civiques, le coût total du dernier cycle électoral a été présenté cette semaine soit 3 770 millions de dollars, ce qui confirme que ce furent les élections de mi-mandat les plus chères de l’Histoire, selon le « Centre pour une Politique Réactive »(Center for Responsive Politics). Pire encore, non seulement ce furent les plus chères, mais leur financement (des candidats et propositions politiques) se doit à un groupe de donateurs plus restreint que jamais. Ce qui signifie que le processus politique « démocratique » a tout simplement été acheté par un groupe toujours plus exclusif de ploutocrates.

Le nombre d’armes à feu possédé dans ce pays est tel que chaque particulier adulte en a une ; certains meneurs du pays le plus puissant et le plus pollueur au monde continuent d’inciter à la destruction de la planète ; il y a ceux qui élèvent l’ignorance au rang de valeur patriotique et les autres qui en profitent pour maintenir la pire inégalité économique en presque un siècle, par le contrôle qu’ils exercent chaque jour d’avantage, à leurs propres fins, sur le dénommé processus démocratique. Devant ce tableau, certains d’entre nous sommes réduits au silence, il n’y a rien à ajouter hormis quelques interjections ou onomatopées comme « aïe, ah ah, berk ! ».

Bon, ceci étant dit, il y a quand même de bonnes nouvelles pour ceux qui veulent rester éveillés pour voir ce qui arrivera. La flopée nationale de spécialistes de la nutrition, dans ses dernières recommandations de régime, a souligné, ce qui n’a pas manqué de surprendre, que les buveurs de café (entre trois et cinq tasses par jour) non seulement n’encourent que des risques de santé minimes, mais encore qu’une consommation quotidienne jusqu’à cinq tasses serait bénéfique, dans, par exemple, certaines maladies cardiovasculaires et diabète de type deux, entre autres. Devant tant de folie, idiotie et inhumanité, la toute première petite prière à adresser aux dieux c’est…faites qu’il pleuve du café.

David Brooks pour La Jornada

La Jornada. Mexico, 23 février 2015.

* David Brooks est journaliste et correspondant aux USA pour le quotidien mexicain La Jornada

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Florence Olier-Robine

Pour tout contact professionnel avec la traductrice
florobine@cegetel.net

El Correo. Paris, 2 mars 2015.

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