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27 décembre 2002

Revendications indiennes en Amérique latine.
Le cas d’Evo Morales.

 

Depuis quelques lustres l’Amérique latine montre, chaque jour un peu plus, sa face cachée, sa face amérindienne. Plus exactement, les peuples amérindiens que l’irruption des Européens, voici cinq siècles, avait poussés aux oubliettes, veulent faire reconnaître leurs droits et leur place dans les États que les péripéties de l’Histoire leur ont assignés. C’est alors le soulèvement néo-zapatiste des Indiens du Chiapas, le 1er janvier 1994 ; ce sont les organisations indiennes d’Équateur qui chassent deux présidents de la République - Abdalá Bucarám, en 1997 et Jamil Nahuad en 2000 - après plusieurs soulèvements et, tout récemment, c’est l’Indien aymara Evo Morales, appuyé sur le Mouvement vers le socialisme qui, d’un coup d’épaule, bouleverse l’échiquier politique bolivien et apparaît un instant comme un possible président de la République.

Par Christian Rudel,
Espaces Latinos, novembre 2002.

Ce fut un retentissant coup de tonnerre dans le ciel andin lorsque, au soir du 30 juin dernier, les premiers décomptes des élections générales boliviennes annoncèrent le succès du Mouvement vers le socialisme (Movimiento al Socialismo, MAS) du leader indien Evo Morales Ayma. Nouveaux coups de tonnerre les jours suivants lorsque le résultat final propulsa le MAS, avec 20,94 % des suffrages exprimés, au second rang des partis, lui accordant 26 députés et 8 sénateurs, tandis que son chef, désormais en position de briguer la présidence de la République - une première dans l’histoire bolivienne - était réélu député avec 83,3 % des suffrages dans sa circonscription. Des chiffres qui signent, semble-t-il, le déclin des partis traditionnels et peut-être aussi la disparition de la vieille gauche bolivienne. Devant le résultat final des élections et le succès de son parti, Evo Morales commenta : "Après cinq cents ans de colonialisme, nous, les pauvres, avons récupéré le droit de nous diriger nous-mêmes. L’avènement du peuple bolivien n’est plus à venir, il s’inscrit dans l’actualité…"

L’émergence politique du peuple, des pauvres, des Indiens, oui, mais pas encore le pouvoir. Car Evo Morales n’a pas été élu président de la République. Élection impensable, impossible. Les députés et sénateurs du MAS, joints à une poignée d’élus d’autres formations indiennes - une large quarantaine au total -, n’ont pu empêcher, le 4 août 2002, l’élection par le Congrès, de Gonzalo Sánchez de Losada. Ce dernier, qui avait déjà été président de 1993 à 1997 et qui appartient au Mouvement national révolutionnaire (MNR) - le parti qui réalisa la révolution de 1952 mais dont les couleurs sont depuis longtemps défraîchies - avait dû faire appel, pour être élu, au Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), autre parti historique au drapeau élimé, dont le "patron", Jaime Paz Zamora, lui aussi ancien président, est loin de compter parmi ses amis. Paz Zamora exprimait sans doute quelque gêne devant cette alliance presque contre nature à laquelle il participait lorsqu’il dit : "Qu’il est difficile, parfois, d’être bolivien ! Qu’il est difficile, dans certaines circonstances, d’aimer la Bolivie !" Mais entre anciens présidents, il faut bien parfois s’entraider, et, surtout, il fallait barrer la route à l’Indien.

Si Evo Morales n’a pas été élu président par le parlement le 4 août - en fait, il ne pouvait l’être - le pouvoir, toujours aux mains des blancs et des métis occidentalisés devra désormais tenir compte de l’irruption des Indiens sur la scène politique. De nombreux journaux boliviens le demandent, tout en battant leur coulpe et celle des gouvernants pour "n’avoir pas voulu regarder ces hommes [les Indiens] aux pommettes saillantes en quête de dignité et de terres à cultiver", tandis que d’autres avertissent qu’ "il est grand temps que les bienfaits de la démocratie parviennent jusque dans les parties les plus reculées et les plus pauvres du pays".

Quant à l’opinion internationale, elle n’avait accordé, dans le meilleur des cas, qu’une attention distraite à la marche quotidienne du peuple bolivien, et aux actions et manifestations, de plus en plus nombreuses de ces dernières années - marches de protestation, grèves, barrages de routes, etc. Il est vrai que la Bolivie est "loin", peu peuplée et qu’elle passe pour nourrir abondamment le folklore latino-américain des révolutions à répétition. Peut-être aussi estimait-on que tout allait pour le mieux dans la meilleure des Bolivie depuis le retour à la démocratie, "retour" que l’on peut dater du 5 octobre 1982, jour de l’arrivée au pouvoir de Hernán Siles Zuazo qui ne fit que mettre fin à dix-huit ans de dures dictatures militaires.

Mais aucun des grands problèmes n’allait trouver de solution. Par exemple ceux de la distribution de la terre et de la restitution des terres traditionnelles indiennes. Certes, le gouvernement issu de la révolution de 1952 avait bien lancé une réforme agraire (loi du 2 août 1953) mais elle montra vite ses insuffisances et ses limites et elle n’atteignit pas le sud et l’est du pays. D’autre part, au cours des années de dictature, d’autres problèmes socio-économiques étaient apparus, tous plus ou moins liés à la rapide expansion démographique - phénomène largement indien - qui avait fait passer la population de 3 millions en 1950 à 4,6 millions en 1980 pour la pousser ensuite aux 8,5 millions d’aujourd’hui.

Le déclic d’une campagne continentale

Avec le retour de la démocratie, les manifestations populaires de protestation et de demandes sont devenues plus nombreuses, déclenchées et favorisées par la campagne continentale "Cinq cents ans de résistance indigène, noire et populaire" qui avait vu le jour au cours des années précédant les festivités annoncées pour le cinquième centenaire de la "découverte" de l’Amérique.

En Bolivie, une des premières manifestations écloses autour de cette campagne fut la grande marche des Indiens de la forêt amazonienne qui, à partir de Trinidad, chef-lieu du Beni, prirent la route de La Paz, le 15 août 1990, pour demander l’arrêt du massacre de la forêt par les grandes compagnies forestières. Il serait fastidieux d’énumérer la longue liste des diverses manifestations qui suivirent. La plus récente, la "Marche pour la souveraineté populaire, le territoire et les ressources naturelles", partie de Santa Cruz de la Sierra, arriva à La Paz le 13 mai dernier, quelques semaines avant les élections, après avoir dû déjouer plusieurs interventions policières ; elle avait rassemblé quelque 2 500 marcheurs (hommes, femmes et enfants) représentant une cinquantaine d’organisations indiennes aussi bien locales que régionales et nationales. Cette marche reprenait les demandes de la "Marche pour la vie et la souveraineté" (Cochabamba, 9 avril 2001 - La Paz, 23 avril), par exemple, réforme de la loi agraire et maintien ou retour sous contrôle national des secteurs stratégiques de l’économie, demandes déjà présentes dans le programme du Mouvement vers le socialisme.
Une loi agraire presque oubliée…

Depuis longtemps, le grand sujet de mécontentement est celui de la mauvaise répartition de la terre et de la lenteur de la mise en application de la loi agraire du 18 octobre 1996, loi qui reconnaît, entre autres, le droit à la légalisation des terres communautaires traditionnelles indiennes. Elle prévoit aussi la légalisation des titres de propriété portant sur 103 millions d’hectares de terres rurales, ce processus de légalisation devant être terminé en octobre 2006. Mais la légalisation des titres de propriété des petits paysans et des communautés indiennes n’avance qu’au ralenti si elle n’est pas délibérément entravée et retardée. Ainsi, au début de 2002 - cinq ans après la loi - seulement les titres portant sur 10 millions d’hectares appartenant aux petits paysans avaient été légalisés. Quant aux Indiens des "basses terres" de l’Orient, qui demandent 52 "territoires" totalisant 24,4 millions d’hectares, ils n’avaient reçu, en avril 2002, que 2,05 millions d’hectares. À la même date, les Indiens de l’Altiplano (39 "territoires", soit 9 millions d’hectares) n’avaient reçu que les 12 000 correspondants à l’ayllu Socoya, dans le département de Potosí.

On comprendra donc l’impatience, l’indignation et la révolte des paysans sans terre - ceux-ci ont créé en juin 2001 un Mouvement des sans-terre, réplique bolivienne du fameux MST brésilien - des petits paysans et des Indiens si l’on ajoute que le gouvernement accorde, par centaines de milliers d’hectares, des concessions aux compagnies pétrolières et aux compagnies forestières, les premières polluant l’environnement et les secondes détruisant sans vergogne l’habitat naturel des Indiens sylvicoles. Une certaine interprétation de la loi agraire permet en effet d’accorder la préférence aux grandes compagnies, industrielles et agro-industrielles. Enfin, les crédits d’État accordés au secteur rural vont en priorité aux gros propriétaires : des 800 millions de dollars accordés l’an dernier plus de 600 ont été accaparés, souvent à des fins de spéculations, par 171 latifundistes.

Quand Washington veut en finir avec la feuille de coca

Autre sujet de mécontentement des paysans et des Indiens, la lutte contre la drogue qui se traduit ici par la lutte contre les cultures de coca. Une lutte fort mal comprise car la feuille de coca elle-même n’est pas une drogue, la coca fait partie depuis la nuit des temps de la culture andine et sa consommation, à diverses fins - alimentaires, conviviale, rituelle et religieuse - est quotidienne. La feuille de coca n’a été transformée en drogue - cocaïne - que sous la demande de l’Occident. Sa culture a alors pris de vastes proportions, débordant largement les Yungas, vallées proches de La Paz, région traditionnelle de production de coca, pour conquérir le Chapare, vaste plaine subtropicale du département de Cochabamba. Cette conquête-colonisation fut en particulier le fait des mineurs qui, licenciés des mines d’étain en 1986-1987, trouvèrent dans la culture de la coca un moyen de survie.

En fait, la culture de la coca pour la cocaïne avait commencé plus d’une décennie plus tôt et s’était développée sous la dictature du général Banzer (1971-1978) et de ses successeurs, l’un d’eux, le général Luís García Meza (1980) étant un notoire trafiquant international de drogue. En ces temps-là, au tout début des années 1980, la Bolivie était le premier producteur de feuille de coca : environ 80 000 tonnes (qui permettaient d’obtenir quelque 300 tonnes de pâte) provenant de 50 000 hectares, dont 12 000 dans les Yungas et 35 000 dans le Chapare. Elle recevait alors au moins 3 milliards de dollars, soit cinq fois plus que le revenu des exportations légales ; mais les producteurs de coca ne se partageaient qu’une faible partie de cette somme.

Sous la pression des États-Unis, des plans d’éradication de la coca ont été élaborés. Le premier, le "plan Dignité", sous le gouvernement du général Banzer - qui, on le sait, avait réussi le tour de force de revenir "démocratiquement" au pouvoir en 1997 - visait à ne conserver que les cultures nécessaires à la consommation nationale traditionnelle. Les cultures du Chapare devaient donc disparaître. Plus tard, un second plan dit "Zéro Coca" prétendit en finir avec toutes les cultures de coca. Washington lia l’aide économique à La Paz à cette condition.

Des unités spéciales de l’armée bolivienne - par exemple l’UMOPAR, ou Unité mobile de patrouilles rurales et ceux que l’on appelle les "Dálmatas", les Dalmatiens - ainsi que des "conseillers" et des mercenaires nord-américains furent chargés de l’exécution de ces plans et la brutalité devint le quotidien de ces opérations. Les cocaleros - producteurs de coca - et tous ceux qui travaillent et vivent autour de la coca, des dizaines de milliers de personnes, ne pouvaient que s’opposer à ces plans. Depuis des années, dans le Chapare militarisé, les affrontements entre cocaleros et "forces d’occupation" se succèdent. Ainsi, en janvier dernier, un de ces affrontements se solda par 6 morts, 80 blessés et 60 arrestations de dirigeants. Au départ, le décret 26 415, du 27 novembre 2001 qui interdit la commercialisation, la manutention et le séchage de la coca dans les zones de culture non traditionnelles. Les cocaleros du Chapare (grande zone non traditionnelle) demandaient l’abrogation de ce décret qu’ils considèrent anticonstitutionnel. Les affrontements de ces dernières années ont fait au moins 64 morts, 80 blessés graves sans compter 4 000 cas de détentions abusives et de tortures, selon un bilan présenté par l’Assemblée permanente des droits de l’homme.
"Nous jurons de défendre la coca…"

Quoi qu’il en soit, la coca est toujours présente et si des dizaines d’hectares sont détruits ici ils reparaissent plus loin et, malgré la violence au quotidien, les cocaleros se sont organisés autour de dirigeants comme Evo Morales, Luís Gutipa et Delfin Oliveira. Ils résistent avec l’énergie du désespoir car ils sentent que la disparition de la coca signifierait leur propre disparition. Rien n’a été fait pour leur assurer, après éradication, un minimum d’avenir économique. Les propositions d’industrialisation de la coca pour en tirer divers produits - alimentaires, pharmaceutiques, de beauté, etc. - n’ont pas été prises en considération. Les cultures alternatives - légumes, fruits citriques - sensées prendre la relève de la coca, n’ont pas vraiment démarré et manquent dès le départ de marchés d’exportation. Sánchez de Losada lui-même reconnaissait, au cours de son premier mandat, que la réussite des cultures alternatives dépendait de la bonne volonté des pays riches mais "ils ne veulent pas ouvrir leurs marchés et veulent que la coca disparaisse sans qu’il leur en coûte rien".
"L’éradication de la coca serait la mort des pays andins", disait un manifeste signé le 17 avril 1993 par les délégués des planteurs de coca de Bolivie, de Colombie et du Pérou. Manifeste qui précise : "Pour nous, la coca est tout : notre survie physique, nos mythes, notre cosmovision, la joie de vivre, la parole de nos ancêtres, le dialogue perpétuel avec la Pachamama, notre raison d’être et de nous situer dans le monde… C’est pourquoi… nous jurons de défendre la coca de toutes nos forces en investissant dans cette bataille notre énergie, notre intelligence et notre ténacité, bref, toute notre vie !"

Le combat pour le maintien et le respect de la feuille de coca n’est sans doute pas près de cesser, malgré la pauvreté des cocaleros, qui ne retirent, bien évidemment qu’une infime partie de l’argent généré par la drogue. Pauvreté des cocaleros, pauvreté de la population bolivienne dans son ensemble, laquelle s’élève à l’heure actuelle à environ 8,5 millions de personnes. Face à environ 5 % de cette population que l’on peut classer "riche" selon les normes occidentales, plus de 70 % vit dans la pauvreté et la quasi-totalité des ruraux - quelque 3,4 millions de personnes - n’échappe pas à la misère. Pour eux, la réalité quotidienne se décline en mauvais logements, sous-alimentation, maladies nombreuses et facilement guérissables ailleurs, peu ou pas d’accès aux services médicaux, mortalité infantile élevée (jusqu’à 190 ‰), espérance de vie réduite (47 ans dans le département de La Paz, 39 ans dans celui de Potosí, etc.)

Vers une Assemblée constituante populaire ?

Sur ce terreau de pauvreté et de misère, d’injustices sociales, d’humiliations et de discriminations raciales - tout cela lourd héritage de la colonie et de la fausse indépendance nationale qui lui a fait suite - le Mouvement vers le socialisme d’Evo Morales n’a eu aucune peine, à partir des cocaleros en sursis de disparition, de pousser de plus en plus profondément ses racines.

Faute de mieux, ou avec d’évidentes intentions, on a étiqueté le MAS comme un parti d’extrême gauche et même comme "un ramassis de communistes, de trotskistes, de protestants évangéliques, d’indigénistes, de nationalistes, de "sans-terre", et de castristes" et l’on a réduit son programme à la seule défense de la feuille de coca. Quant à son leader, il ne serait qu’un "anti-américain primaire" et un "simple paysan". Si ces qualificatifs et ces définitions laissent paraître l’inquiétude, voire la peur des classes dirigeantes de la politique et de l’économie, il faut d’abord préciser que le "Mouvement" est un parti en formation qui, pour cela, regroupe outre de nombreux syndicats et organisations de paysans et de cocaleros, le parti Izquierda Unida (IU ou Gauche unie, en fait un parti pluriel pour une nouvelle gauche), des organisations étudiantes et d’autres en provenance des classes moyennes durement touchées par la grave détérioration de la situation économique. Il faut aussi reconnaître que le "Mouvement" a attiré quelques éléments qui n’ont pas grand chose à voir avec la défense des cocaleros et des classes oubliées, qui ont d’autres objectifs que ceux du MAS - mais c’est le lot de tous les partis - mais qui peuvent exercer de lourdes pressions sur un leader d’autant plus malléable que sa culture politique est sommaire et qu’il risque de se laisser enivrer par ses premiers grands succès.

Quoi qu’il en soit, le programme du MAS se caractérise par des mesures radicales que l’on peut qualifier d’anticapitalistes, d’anti-mondialistes ou, plus simplement de nationalistes - telles que nationalisation des secteurs clés de l’économie (pétrole, énergie, transports, télécommunications), arrêt du paiement de la dette extérieure (énorme, plus de cinq milliards de dollars), fin de l’intervention étasunienne, ouverte ou déguisée, dans les opérations anti-coca, respect et maintien de cette plante, etc. Enfin, et surtout, le MAS propose la réunion d’une Assemblée constituante populaire afin de mettre fin au vieux système politique, redéfinir la nature de l’État bolivien pour l’adapter à la réalité pluriethnique et pluriculturelle de la nation et donner une place officielle à la philosophie - la cosmovision - et à la pratique sociale communautaire qui ont permis la vie et la survie des peuples andins.

Ce projet d’Assemblée constituante populaire semble déjà à certains un premier pas en direction d’une société communiste dictatoriale mais il est évident que le MAS ne peut que s’opposer à la politique néo-libérale de globalisation de l’économie, dont le coût social des dernières années est particulièrement élevé mais qu’entend poursuivre et renforcer le président Sánchez de Losada. Ce qui promet des débats houleux au Parlement. Et peut-être plus car, a averti Morales, "au parlement, nous allons essayer, pacifiquement, de changer les lois, mais si on ne nous entend pas, le peuple se soulèvera pour un grand combat social". Paroles d’après victoire électorale, certes, mais Morales sait qu’il sera entendu et soutenu par une base sociale bien plus large que les 581 884 voix qu’il a recueillies le 30 juin dernier. Tout comme il sait que le président Sánchez de Losada ne renoncera ni au plan d’éradication de la coca ni à la pratique de l’économie néo-libérale, dont il a été le champion au cours de son premier mandat.

Ainsi, le grand programme de travaux publics - un milliard de dollars - que le président a présenté lors de son discours d’investiture ne pourra être financé que par l’exportation, aux États-Unis, du gaz naturel dont la Bolivie possède d’importantes réserves. Déjà, bien que le tracé du gazoduc vers un port d’embarquement de la côte pacifique ne soit pas encore choisi, l’opposition s’élève contre cette exportation qui ne ferait que prolonger le rôle multiséculaire de la Bolivie, celui d’exportatrice de matières premières au détriment de la mise en place d’une véritable industrie nationale, gage d’indépendance. Le projet du Mouvement vers le socialisme rejoint les luttes engagées ailleurs par les Amérindiens, au Chiapas et en Équateur, par exemple. Mais ces dernières luttes, bien organisées et déjà avancées, ne peuvent être comparées avec celles qui ne font que commencer en Bolivie. Le projet bolivien, encore imparfait, doit être explicité, développé, affiné, expliqué et s’appuyer sur des structures solides. Sa mise en application entraînera luttes de clan et dérives, comme partout ailleurs et il finira peut-être par s’enliser - comme tant de réformes et de révolutions. Mais, sur les hautes terres des Andes, l’histoire semble bien avoir pris un nouvel élan.

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