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15 mars 2004

Pour une autre réplique au Terrorisme

 

Par Manuel Grandjean
Le Courrier, vendredi 12 mars 2004

Onze, jour de l’horreur terroriste. Après les Etats-Unis en septembre 2001, l’Europe a connu hier l’attentat le plus meurtrier de son histoire récente. Des centaines de victimes innocentes, fauchées aveuglement à Madrid par les bombes de quelques malades criminels. Près de deux cents morts et un millier de blessés. De simples citadins qui, comme chaque matin, se rendaient dans des trains bondés vers leur travail ou leur lieu d’étude. Il n’y a aucune cause, aucune lutte contre une oppression réelle ou supposée qui puisse justifier ou même expliquer un tel acte de barbarie.

Les auteurs de cette barbarie restent pour le moment inconnus. Certes, le Gouvernement espagnol a immédiatement désigné les séparatistes basques de l’ETA comme responsables du carnage. Cette quasi-instantanéité dans l’identification du coupable paraît aussi suspecte que celle, en septembre 2001, de George W. Bush incriminant Ben Laden. Soit l’accusation est basée sur des renseignements précis et l’on peut s’étonner que les terroristes n’aient pas été arrêtés avant d’agir, soit elle ne l’est pas et les attentats sont utilisés de façon indécente par le pouvoir. Pouvoir qui, soit dit en passant, tirera certainement dans trois jours un net profit électoral de la situation.

A cette heure, tant la piste basque qu’islamiste sont plausibles. Si l’ETA était à l’origine des attentats, cela marquerait cependant une rupture totale par rapport au mode d’action ordinaire de l’organisation. Cette dernière a généralement ciblé ses attaques et averti de leur imminence.

Quant à la piste islamiste, elle n’est étayée que par des faits pour l’instant invérifiables : une revendication envoyée au journal Al Qods al-Arabi, édité à Londres, et la découverte d’une camionnette contenant des détonateurs et un enregistrement en arabe. Le mobile est en revanche évident : le soutien sans faille donné par l’Espagne aux Etats-Unis dans la guerre contre l’Irak. Ainsi, la mise sur le compte d’al-Qaïda des victimes madrilènes dénote l’intuition d’une vérité : la violence génère la violence. Quand un Etat se croit autorisé à régler ses problèmes par la guerre ou la répression, il n’est pas étonnant qu’il récolte le terrorisme. C’est pourquoi la condamnation du terrorisme devrait être indissociable de la condamnation de l’oppression pratiquée par les Etats.
Mais on assiste déjà en Espagne à l’agrégation de toute la nation derrière la politique répressive du gouvernement Aznar. Comme les Etasuniens s’étaient ralliés à Bush après le 11 septembre, ou les Israéliens derrière Sharon, bien que ces dirigeants soient largement responsables des déséquilibres qui fournissent un terrain propice au terrorisme.

Au lendemain des odieux attentats de Madrid, on risquera donc cette conclusion : la menace la plus grande n’est pas l’escalade du terrorisme, mais celle d’une répression inadéquate. Cette crainte n’est pas fantasmée. On a vu le résultat aux Etats-Unis : une restriction sans précédent des droits démocratiques, une législation d’exception qui a permis d’emprisonner depuis plus de deux ans des personnes dans le bagne de Guantanamo sur la base de simples présomptions, une expédition guerrière illégitime qui a déstabilisé toute une région et soufflé sur les braises du terrorisme et du fanatisme.

Face à la menace de quelques fous qui sont prêts à faire sauter des trains ou des immeubles, les réponses purement sécuritaires sont illusoires. Elles servent les intérêts de ceux qui créent les conditions du terrorisme, à savoir les inégalités, la misère, l’exclusion, l’inculture. Aux citoyens européens d’empêcher leurs gouvernements de donner à la suite du 11 mars 2004 la même réponse stupide qu’après le 11 septembre 2001.

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