Accueil > Empire et Résistance > L’Occident s’alarme à Munich des positions du Sud mondial
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La récente conférence sur la politique de sécurité internationale s’est longuement penchée sur l’importance du Sud mondial pour la sécurité de l’Occident. La concurrence avec la Chine et la Russie s’intensifiant, l’Occident est contraint de réévaluer son approche des relations avec ces pays.
La 59ème Conférence sur la Sécurité de Munich (CSM), qui s’est tenue du 17 au 19 février, a réuni plus de 150 hauts fonctionnaires, dont plus de 40 chefs d’État et des organisations internationales. La conférence s’est concentrée sur trois sujets principaux :
Comme l’année précédente, la Russie n’était pas présente à la conférence de Munich. Toutefois, cette année a marqué pour la première fois en vingt ans que Moscou n’a même pas été invitée à y participer. En l’absence de la Russie et de l’Iran, la conférence est devenue une plate-forme pour attaquer les opposants aux politiques occidentales.
La conférence s’est déroulée dans un contexte d’agitation internationale et de compétition entre les grandes puissances pour l’influence dans l’ordre multipolaire émergent. Plusieurs pays occidentaux ont exprimé leur mécontentement quant aux positions des pays du Sud mondial par rapport aux conflits impliquant la Chine et la Russie.
Lors de son discours, la vice-présidente des États-Unis d’Amérique, Kamala Harris, a déclaré ce qui suit :
En conséquence, Christoph Heusgen, président du CSM, a annoncé lors de la cérémonie d’ouverture que la conférence de cette année allait « mettre un coup de projecteur sur le Sud mondial » et « écouter leurs préoccupations ».
Le président français Macron a souligné que les efforts visant à remodeler l’ordre mondial devraient être plus inclusifs :
Si les discussions et les résultats de la conférence suggèrent que les puissances occidentales ont fini par reconnaître l’importance des nations du Sud mondial, il semble que ce soit principalement en raison de la nécessité de rallier leur soutien dans les conflits majeurs contre la Russie et la Chine.
Le conflit en Ukraine a pleinement démontré que le refus de nombreux pays d’Amérique Latine, d’Afrique et d’Asie de soutenir les sanctions occidentales a été un facteur important dans l’échec des tentatives de l’Occident d’isoler la Russie.
Le rapport final du CSM indique :
Le rapport ajoute que « les pays du Sud mondial peuvent devenir des États pivot essentiels. Ils peuvent faire pencher la balance entre les concurrents systémiques et donc déterminer le sort de l’ordre international fondé sur des règles ».
Il reconnaît également que :
Le rapport a également constaté que :
Il ressort clairement des déclarations faites à la Conférence de Munich sur la sécurité que l’Occident reconnaît la nécessité de modifier son approche de la coopération au développement avec les pays du Sud mondial, afin de contrer l’influence croissante de Pékin et de Moscou.
Toutefois, cela nécessitera un changement fondamental des attitudes et des politiques à l’égard de ces pays, qui ont historiquement été considérés comme des objets d’aide et de développement plutôt que comme des partenaires égaux dans une relation mutuellement bénéfique. C’est également ce que souligne le rapport du MSC :
L’héritage colonialiste de l’Occident continue de jeter une longue ombre sur ses relations avec le Sud mondial, et il faudra un effort soutenu et un véritable engagement pour surmonter cet héritage et construire une relation plus équitable et productive.
Il faudra pour cela abandonner le modèle donateur-bénéficiaire au profit d’un modèle fondé sur le partenariat et le bénéfice mutuel, et reconnaître que les intérêts et les aspirations des pays du Sud mondial doivent être pris au sérieux et respectés.
Le pillage des richesses, l’ingérence dans les politiques des États et les guerres sont les marques de fabrique des politiques occidentales dans le monde en développement. Les États qui n’adhèrent pas aux diktats occidentaux font régulièrement l’objet de sanctions menaçantes ou de pressions économiques extrêmes.
Les guerres en Afghanistan et en Irak, le soutien aux régimes autoritaires et aux coups d’État, l’étau économique sur des pays comme le Liban et le Venezuela, et la distribution inégale des vaccins pendant la pandémie de COVID-19 ne sont que quelques exemples de la manière dont les puissances occidentales ont agi contre les intérêts et le bien-être des pays du Sud mondial.
En 2019, lorsque l’ancien président US Donald Trump a revendiqué triomphalement la propriété du pétrole syrien, il a marqué un exemple clair des attitudes problématiques et d’exploitation qui continuent d’entacher les politiques occidentales envers le Sud mondial. Le fait que les dirigeants occidentaux n’aient pas anticipé la montée en puissance des pays en développement pour qu’ils deviennent des « swing states » [Etats-pivot] décisifs – comme le note le rapport final de la conférence de Munich – est le reflet de l’ignorance et de la négligence continues de l’Occident à l’égard des intérêts et des aspirations de ces États vitaux.
L’Asie occidentale au CSM
Le CSM a également souligné l’importance croissante de l’Asie Occidentale dans la politique énergétique mondiale et l’inquiétude de l’Occident face à l’influence grandissante de la Chine dans cette région. Les prévisions de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) selon lesquelles les pays d’Asie Occidentale répondront à une grande partie des besoins pétroliers croissants de la Chine et de l’Inde ont renforcé la valeur stratégique de la région pour ces puissances émergentes influentes.
La frustration de Washington à l’égard de la position de l’Arabie Saoudite dans le conflit ukrainien était également évidente lors de la conférence, l’Occident cherchant à empêcher la répétition d’un tel comportement dans le conflit plus important avec la Chine. Selon le rapport de la conférence :
En substance, la réunion de Munich a servi de plate-forme aux puissances occidentales en déclin pour exprimer leurs préoccupations quant à l’influence croissante de la Chine en Asie occidentale, ainsi que leur frustration face au manque de loyauté perçu de l’Arabie Saoudite. Elle a mis en évidence la nécessité pour l’Occident d’adapter ses stratégies face au monde en développement et d’encourager de nouvelles formes de solidarité et de coopération internationales.
Cependant, il est important de reconnaître que le terme « Sud mondial » lui-même reflète un état d’esprit colonial qui continue de façonner la perception des nations en développement par l’Occident, et que ces politiques impériales se poursuivront tant que ces attitudes persisteront.
Mohamad Hasan Sweidan* pour The Cradle
The Cradle, le 23 février 2023