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26 avril 2011

Media, communication et Culture

La « quatrième plate-forme » :
transformer l’information en connaissance.

par Luciano Sanguinetti *

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Les médias, de la télévision jusqu’à Internet, constituent aujourd’hui ce on appelle « la quatrième plate-forme » éducative et on se demande quelles seront les conséquences dans un futur proche.

La « première plate-forme » d’apprentissage et de diffusion de la culture, fut constituée par les écoles philosophiques fondées par les grands maîtres pendant la Grèce classique, comme en témoignent, les académies philosophiques d’Eléa ou de Milet, au IVe siècle av. JC. Là sont nées la maïeutique, le dialogue socratique, la méthode par laquelle le maître essaye que l’élève prenne conscience de ce qu’ il sait déjà. Platon l’a magistralement développé dans le Théétète, où un Socrate ingénieux et un peu cynique cherche de savoir qu’est-ce que la connaissance [en dialogue avec Théétète d’Athènes].

Au Vè siècle, la « deuxième plate-forme » fut constituée par l’Église, à travers des abbayes, des monastères et des bibliothèques, sur la base d’une écriture aux fonctions de protection et de classement, comme Umberto Eco l’a si bien reflété dans « Au nom de la Rose », texte qui raconte comment, au XIVe siècle, divers ordres religieux avaient pour obsession une connaissance subordonnée à la foi, comme le conseillait la scolastique.

La « troisième grande plate-forme » fut constituée par l’État moderne, selon la conception napoléonienne qui a inspiré Sarmiento [1] pour imaginer le principe d’écoles normales, qui à partir du XIXe siècle a développé, sur la base du livre imprimé, un système organique d’enseignement depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Une école qui dès son invention se charge de transmettre les savoirs légitimés, constructrice d’une culture commune et d’une formation citoyenne.

Aujourd’hui nous vivons le développement d’une « quatrième plate-forme » : les médias et l’information, de la télévision jusqu’à Internet. Si dans la première des plateformes le dialogue socratique fut inauguré comme modèle d’investigation, dans la deuxième le classement de l’orthodoxe et de l’hétérodoxe sur la base du principe d’autorité et, dans la troisième, a prévalu la systématisation de savoirs universels et la citoyenneté nationale... : quel est le défi de la quatrième plate-forme ?

Ce que vous venez de lire est un brouillon d’un cour que je prépare pour un séminaire virtuel que développe l’ Institut National de Formation Enseignante à travers de son Campus Virtuel. Le séminaire s’appelle « Communication et citoyenneté, comment transformer l’information en connaissance ». Maintenant, tandis qu’ils lisent cette note, il y a dix mille enseignants branchés recevant des cours sur l’usage des TIC ( technologies d’information et de communication) dans l’école pour le programme « Connecter l’égalité », l’enseignement de la biologie, des maths, de la chimie. Tous les cours sont gratuits et les enseignants les prennent de El Bolson à La Quiaca [du nord au sud] sans bouger de leur maison, dans un cybercafé ou à l’école si celle-ci dispose d’une connexion à large bande. Aucun de ces cours n’octroie de points, mais ils sont déjà complets, contredisant la pratique installée dans les années quatre-vingt-dix qui permettait de dire que nous les enseignants nous nous déplacions seulement pour des points. Cela, ajouté au fait que l’inscription à une formation enseignante a augmenté en moyenne de 15 % dans tout le pays, marque une nouvelle tendance qui va contre toutes les théories alarmistes sur la qualité éducative qui ont été jetés sur la place publique ces derniers jours.

Bien sûr, il est difficile d’entreprendre une évaluation objective et réelle de la qualité éducative si nous ne partons pas de la supposition basique que les réussites dans cette matière sont nécessairement à long terme. Ce que nous connaissons comme la prestigieuse université des années 60 fut le produit de la réforme universitaire qui en 1918 avait libéré les salles de cours du contrôle religieux et du paternalisme des chaires héréditaires ; que la démocratie politique qui a inauguré la loi Sáenz Peña en Argentine fut la conséquence de la loi 1420 qui a rendu l’enseignement primaire obligatoire et commun en 1884 ; que la politisation des jeunes des années 70 n’a été que l’une des conséquences de la gratuité de l’enseignement universitaire poussé par le péronisme des années 50.

Je me demande quels seront les effets de l’ « Attribution Universelle par enfant », qui a augmenté l’inscription à l’école et oblige à la vaccination des enfants ; de l’école secondaire obligatoire, qui récupère à l’école des jeunes des secteurs populaires ; de l’octroi de notebooks à tous les enfants ; de l’enseignement interculturel bilingue qui intègre les peuples autochtones avec les pleins droits culturels ; des politiques antidiscriminatoires par race, religion ou genre ; du portail Educ.ar, qui produit des contenus en ligne ; de la télévision éducative « Encuentro » et « Paka Paka », qui mettent à notre disposition un monde de culture et de connaissances où avant il n’y avait que frivolité et concours de danse ; de la recomposition lente et constante du salaire enseignant, qui permet de rêver à des milliers de jeunes avec une profession rendue digne.

* Luciano Sanguinetti.Enseignant-chercheur de la faculté de Journalisme et Communication Sociale de l’UNLP.

Página 12. Le Buenos Aires, le 26 avril 2011.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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El Correo. Paris, le 26 avril 2011.

Notes

[1- Domingo Faustino Sarmiento (1811-1888), président argentin et père de l’école républicaine.

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