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17 octobre 2003

Globalisation asymétrique

 

Par Manuel Castells
La Vanguardia
Rébelion, 14 octobre 2003

Texto en español

La pierre angulaire de la globalisation économique est un vieux principe libéral : le libre commerce augmente la compétitivité et la productivité de tous les pays qui ouvrent leurs économies et les conduit vers le chemin de la prospérité « partagée ». En réalité, les chiffres montrent que les choses ne sont pas si claires. Ainsi, en proportion par rapport à son produit brut, l’Afrique sub-saharienne est une économie plus ouverte que celle des pays de l’OCDE (le secteur extérieur représente presque 30% pour l’Afrique, tandis qu’il n’arrive pas à 25% pour l’OCDE). Mais l’Afrique recule, parce que ses importations ont beaucoup plus de valeur que ses exportations, et sa faible capacité productive de produits de haute valeur ajoutée. Tout dépend de ce que l’on importe, de ce que l’on exporte et comment, qui et dans quoi on investit le capital qui est reçu et les profits que cela génère.

Mais, l’ouverture de marchés internationaux pour les pays en développement représente une occasion de mobilisation de leurs potentialités. Et c’est ici que se révèle le caractère profondément asymétrique d’un processus de globalisation marqué par des relations de pouvoir plus que par une division internationale du travail au bénéfice de tous.

L’échec des négociations de la réunion de l’Organisation Mondiale de Commerce à Cancún était prévisible. Les pays en voie de développement ont été obligés d’ouvrir leurs économies aux exportations et aux capitaux de pays beaucoup plus avancés et de réduire les réseaux de protection de leur production locale, sans recevoir un traitement équivalent par les Etats-Unis, l’Union Européenne et le Japon.

Les subventions de l’Union Européenne à ses agriculteurs représentent plus de cinq fois le total de son aide au développement. Une vache européenne reçoit deux dollars par jour de subvention, c’est-à-dire, le même argent dont dispose presque 40% de la population mondiale. Aux Etats-Unis, le Gouvernement subventionne substantiellement presque toute la production agricole : par exemple, on dépense 3.000 millions de dollars par an en subventionnant le coton, une exportation essentielle pour beaucoup de pays pauvres. C’est pourquoi le groupe des 21 à Cancún s’est formé , représentant les grandes économies du Tiers Monde, en exigeant une véritable libéralisation.

En réalité, les tendances protectionnistes du Nord s’accentuent. En Europe, les réactions nationalistes contre l’Union Européenne, amplifiées par le referendum suédois, ne donnent pas beaucoup de marge de manoeuvre à des gouvernements conservateurs qui s’appuient pour une fraction décisive de leur électorat sur l’électorat rural. Aux Etats-Unis s’est produit une évolution décisive dans le parti démocrate, qui est passée inaperçue à cause du débat sur l’Irak qui occupe les titres.

À l’exception de Lieberman, tous les candidats démocrates, en claire rupture avec la politique de Clinton, se situent dans les positions protectionnistes soutenues par les syndicats américains. Est-ce que, encore même avec le protectionnisme et le reste, le déficit de la balance commerciale américaine s’approche des 500.000 millions de dollars et des centaines de milliers de postes de travail industriels sont délocalisés dans des pays au moindre coût de main d’oeuvre et sociaux. Et bien que Bush maintienne le projet de libre commerce dans les Amériques, en réalité il protège la sidérurgie et d’autres secteurs avec des tarifs élevés, et paraît disposé à livrer une guerre commerciale avec tous ceux qui n’acceptent pas l’imposition de la protection des droits de propriété intellectuelle, au sens où l’entendent les grandes entreprises multinationales. C’est sur ce terrain du contrôle de la propriété de la connaissance, la technologie et les services aux entreprises que se situe la ligne de partage fondamentale entre le monde développé et celui qui combat pour sortir de la pauvreté. Comment penser une stratégie généreuse du développement partagé dans un aspect fondamental, l’économie de la connaissance, quand on ne renoncera pas au protectionnisme agricole le plus primitif ?

On peut débattre sur des pours et des contres de la globalisation, dans l’ensemble. Mais ce qui n’est pas clarifié c’est à qui profite cette pseudo globalisation, c’est-à-dire, la globalisation restreinte qui convient et intéresse les entreprises et les gouvernements des pays économiquement et militairement dominants. Si l’alerte de Seattle par la base, et de Cancún depuis les gouvernements, ne sont pas pris au sérieux, il faudra commencer à douter du caractère soutenable de la globalisation.

Traduction pour El Correo de Carlos Debiasi

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