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4 avril 2024

Diana Mondino, doctrinaire, banquière et femme de biens

 

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Diana Mondino, la ministre des affaires étrangères argentine, est banquière par héritage, d’extrême droite de son propre chef et manque d’empathie en tant que membre d’une élite qui comprend bien les finances mais pas tellement la vie - elle parle des retraités comme s’ils avaient 20 ans et les envoie mourir en silence - et ainsi elle est tellement doctrinaire qu’elle a rompu les relations avec la Chine sans penser aux conséquences que regrette aujourd’hui le ministère de l’Économie. Avec ce style, elle se charge du ministère des Affaires étrangères, du Commerce international et du Culte en Argentine.

Style discret et constant, tant dans sa mise que dans son mépris pour ceux qui ne sont pas de sa caste.

À droite de Mirtha Legrand (97 ans) [1] , Diana arbore deux barrettes qui débarrassent son front des cheveux rebelles et pas un seul cheveu gris. La lumière du studio de télévision met en valeur sa coiffure, très à la mode chez les Pitucas[élégantes] des années 80. Les rides sont maquillées, peut-être comblées, les mains bougent pudiquement et le blush met en valeur les pommettes encadrées par d’élégants cerceaux de perles.

Avec un soupçon d’accent de Cordoba, elle participe au débat de l’émission. C’est une femme de biens, ce « bien » tant évoqué par son président, qui à 65 ans veut expliquer, avec un sourire aux dents parfaites, pourquoi il est absurde que les retraités aient accès au crédit : « Par définition, tous un jour nous allons mourrir, et si vous êtes un retraité d’un certain âge, vous allez presque certainement mourir ». Son argument corrobore l’ABC du gouvernement libertaire de monétiser la vie au maximum et que c’est par définition le critère de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas, selon la manière dont elle est vendue ou de comment elle peut être payée.

Sa déclaration a toute la logique de ses racines familiales et professionnelles et donne une grande cohérence à son intérêt pour les finances qui marque le chemin de la politique. Mondino conserve une participation majoritaire dans Banco Roela, acquise par son père, Victor Mondino, en 1961. Elle a siégé aux conseils d’administration de sociétés telles que Pampa Energía, Edenor, Banco Supervielle, Bodegas Valentín Bianchi ou LomaNegra et détient actuellement 49,61 % des actions de Roela. L’autre moitié est détenue par son frère, Guillermo Mondino, qui vit à New York et qui a été secrétaire aux Finances et chef de Cabinet des Conseillers Economiques sous l’administration de Domingo Cavallo.

Le fils et le mari s’ajoutent à l’écosystème d’hommes qui entoure l’actuelle ministre des affaires étrangères du gouvernement Milei. Le premier, Francisco Pendás [2]. Selon elle, ad honorem. Le pacte matrimonial et commercial a été établi avec Eugenio Isaac Pendás. Ils se sont rencontrés au CEMA, un espace de pensée ultralibérale qui, dans les années 1990, a été très important pour les mandats ménémistes. Pendas a été nommé en 1993 surintendant des entités financières et de change de la Banque centrale de la République argentine et a été impliqué dans l’une des manœuvres les plus frauduleuses de l’histoire bancaire argentine.

Le meilleur élève de l’hégémonie libérale

L’une des responsables gouvernementales les plus riches propose, selon le mandat de Milei, de « réinsérer l’Argentine dans le monde ». Ses projets sont ancrés dans des relations turbulentes avec le géant asiatique, le fétichisme avec Taiwan, l’obéissance aux États-Unis et le mépris des BRIC. Cependant, entre deux voyages, la ministre des affaires étrangères ne manque pas l’occasion de cristalliser un profil élitiste et classiste dans lequel ceux qui comptent le moins sont les pauvres, les salopes et les personnes âgées. C’est pourquoi elle dénigre les perspectives de vie des retraités, traite la communauté LGBT comme des gens ayant des poux ou critique la députée Natalia Zaracho pour ne pas avoir terminé ses études secondaires.

Biole Weber, jeune analyste international, suit les traces du ministère argentin des Affaires étrangères depuis l’investiture de Milei et affirme que le positionnement de La Libertad Avanza devant la communauté internationale est doctrinaire : « Elle rejette les institutions de coopération internationale qui vont au-delà de son idéologie ». -comme les BRICS, le Mercosur ou l’ONU-. Elle est anti-mondialiste car c’est une ligne directrice basée sur le rejet de la diversité culturelle et socio-économique qui accompagne la mondialisation. Pourquoi tant d’élan dans ce rejet ? : « Parce qu’ils ont peur de cette altérité et des impacts qu’elle peut avoir sur leur construction identitaire - les bons Argentins - qui est en phase avec l’identité étasunienne », explique Weber. Mondino nourrit également ce lien avec l’altérité ou avec ceux qui ne sont pas de bons Argentins à travers sa position sur les vies qui n’en valent pas la peine. Biole Weber souligne un point important dans ce sens : « L’une des implications de sa politique internationale est la promotion, en coulisses, d’un agenda nostalgique d’un passé fictif de pureté sociale, qui se traduit en coulisses par une réduction systématique des droits des minorités ».
minorías ».

Cependant, la politique internationale n’est pas seulement liée aux questions économiques , dans la gestion de Mondino il y a une intention de placer la pensée idéologique comme un acteur clé dans la prise de décision : « Si le problème avec la Chine, c’est qu’elle n’est pas une démocratie libérale , comment Mondino peut-elle entretenir d’aussi bonnes relations avec Nayib Bukele, le président du Salvador, un pays qui s’éloigne chaque jour davantage d’une démocratie libérale. Force est de constater une fois de plus qu’il ne s’agit pas de modèles économiques, mais plutôt de positions idéologiques. C’est pourquoi elle multiplie également des actes de provocation tels que le rapprochement avec Taiwan qui remet en question l’engagement diplomatique de l’Argentine à reconnaître le « principe d’une seule Chine ». Un principe fondamental pour la relation avec la Chine qui implique le rejet catégorique de l’indépendance de Taiwan. Tout semble être un grand clin d’œil à Washington, dans une tentative désespérée d’être le meilleur élève de l’hégémonie libérale ».

Mondino a croisé Toto

Au cours de cette courte carrière de ministre et dans sa volonté de suivre les directives établies aux États-Unis, Mondino s’est retrouvée empêtrée dans un conflit d’intérêts important en raison des avantages que la DNU du 20 décembre accorde aux entités bancaires, bien que le décret ait été rejeté par la Chambre haute. Outre le fait que Mondino n’était pas dans le pays pour le signer, le décret inclut parmi ses mesures, le plafonnement des tarifs facturés aux entreprises, supprime le plafond des intérêts punitifs pour les retards de paiement par carte de crédit et abroge les sanctions contre les entreprises qui ne déclarent pas le taux d’intérêt. Un scénario qui, pour le ou la propriétaire d’une banque, s’apparente à être à Disney.

Mais elle a aussi connu son premier affrontement à cause de sa prétendue croisade d’extrême droite. Elle s’est retrouvée face à face avec le ministre de l’Economie. Weber dit :

« Le rôle de la Chine est central dans l’économie argentine et Caputo le sait. Les provocations de Mondino nous ont coûté la suspension du Swap avec la Chine, qui nous permet de payer une partie de la dette auprès du FMI en yuans - un mécanisme qui a fonctionné même sous la présidence de Macri. Quelque chose qui a obligé le ministre de l’Économie à chercher une alternative en s’endettant auprès de la CAF (Banque de Développement de l’Amérique Latine et des Caraïbes).

La ministre des affaires étrangères a de grands défis devant elle : arrêter les débordements de son patron libertarien contre les dirigeants qu’il n’aime pas et avec lesquels il n’a aucun problème à déclencher des conflits diplomatiques ; maintenir un lien fluide avec le ministère de l’Économie et surtout être prudente avec ses performances de classe dans un pays où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Euge Murillo* pour Página 12

Página 12. Buenos Aires, 29 mars 2024

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo de la Diaspora. Paris, le 4 mars 2024.

Notes

[1Mirtha Legrand animatrice TV des « Almorzando con Mirtha Legrand » (1968-2021) et « La noche de Mirtha » (2013-aujourd’hui)

[2Francisco Pendás a 32 ans, est diplômé en gestion d’entreprise et est l’un des principaux bâtisseurs de la structure et du militantisme qui soutiennent Milei depuis la jeunesse du Parti démocratique dans la province de Córdoba, un espace qui a rejoint La Libertad Avanza (LLA). Aujourd’hui, il est porte parole du ministère dirigé par sa propre mère, bien que le discours de celui qui a accédé au gouvernement parlait de « mettre fin aux privilèges ».

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