recherche

Accueil > Argentine > Économie > Privatisées > Services Publics : eau, électricité, ordures, etc > Veolia, ex-Vivendi : Une multinationale française qui pompe même les usagers

6 février 2004

Veolia, ex-Vivendi : Une multinationale française qui pompe même les usagers

par Gilles Labarthe

 

Veolia, ex-Vivendi, l’une des trois grandes entreprises françaises de l’eau dans le monde.

En France, le groupe Vivendi environnement fait l’objet de nouvelles accusations pour surfacturation et détournement de fonds. Une demande de la Commission d’enquête parlementaire vient d’être déposée pour retrouver la trace de 4,5 milliards d’euros. Cette somme, qui correspond à plusieurs décennies de provisions publiques destinées au renouvellement des installations nationales de distribution d’eau, aurait été « placée à l’étranger » dans un paradis fiscal. Entre-temps, le pactole a fondu. Les dirigeants de la multinationale française s’en expliqueront devant le Tribunal. Première audience aujourd’hui.

« Nous sommes ici pour tenter de comprendre où sont passés les milliards d’euros placés par Vivendi sur un compte offshore irlandais. » C’est un bien singulier colloque qui se déroule à Paris, dans une salle de l’Assemblée nationale. Intitulé « L’eau, bien commun ou rente captive pour les multinationales », il a été organisé la semaine dernière à la suite d’une demande de la Commission d’enquête parlementaire « sur la disparition de 4,5 milliards d’euros des provisions de renouvellement des huit mille contrats d’eau et d’assainissement gérés par Vivendi pour le compte des collectivités territoriales ». Assis à la même table, Danièle Mitterrand, fondatrice de l’Association pour un contrat mondial de l’eau (ACME), et le député des Verts Noël Mamère rappellent le programme de la journée. Dénoncer la marchandisation croissante de « l’or bleu ».

Passer en revue les pratiques abusives des trois multinationales françaises dans le monde : Veolia environnement (ex-Vivendi), Suez-Lyonnaise des eaux, et Saur-Bouygues. Et, surtout, tirer au clair les histoires de détournement de fonds, l’opacité des comptes ou les méthodes anticoncurrentielles qui ruinent aujourd’hui la crédibilité des sociétés françaises sur leur propre territoire.

Sur ce point, l’accusation que Vivendi traîne aujourd’hui comme une casserole mérite qu’on s’y attarde. La direction de l’ancien PDG Jean-Marie Messier est accusée d’avoir détourné plusieurs milliards versés jusqu’en 1996 par les usagers pour l’entretien des réseaux de distribution d’eau de l’Hexagone, pour les faire tranquillement fructifier dans un paradis fiscal.

UN VÉRITABLE TRÉSOR

« En 1996, ces provisions constituées durant des décennies en prélevant quelques francs sur chacune de nos factures représentaient la coquette somme de 27 milliards de francs (environ 6 milliards de francs suisses, ndlr). Un véritable trésor qui aurait dû servir à entretenir et remettre à neuf tout le réseau des Français », s’insurgent Roger Lenglet, journaliste d’investigation, et Jean-Luc Touly, agent de maîtrise administratif à la Générale des eaux, coauteurs d’un réquisitoire baptisé L’eau de Vivendi, les vérités inavouables (lire encadré).

On y apprend, par exemple, que les fonds « ont tout simplement été regroupés au sein d’une société, la General Re Financial Products, dont le siège est curieusement fixé en Irlande, petit paradis fiscal dont on ne parle jamais. Il s’agit officiellement d’une société de réassurance ».

Le seul fait d’avoir ainsi transféré l’argent public à une société financière à l’étranger est déjà « choquant », conviennent les parlementaires français. Mais le pire, c’est qu’entre-temps, une partie de la cagnotte irlandaise a fondu. Le PDG et créateur du groupe Vivendi, Jean-Marie Messier, aurait « copieusement pioché dans ce trésor pour non seulement éponger les dettes du groupe, mais aussi soutenir ses investissements dans la communication », expliquent Jean-Luc Touly et Roger Lenglet.

QUI PASSERA À LA CAISSE ?

La Commission générale des finances et de l’économie générale de l’Assemblée nationale a bien convoqué, le 26 septembre 2002, le successeur de Jean-Marie Messier, Jean-René Fourtou, afin de demander des explications. M. Espinasse, le rassurant directeur financier de Vivendi, affirmait que le transfert en question ne portait « que » sur un montant de 1milliard d’euros. « Les engagements seront tenus et les provisions reconstituées », ont ajouté en substance les responsables. Sans préciser sur quels fonds.

Car, qui passera à la caisse ? Les usagers ? La question à 4,5 milliards à été une nouvelle fois posée le 20 janvier dernier devant l’Assemblée nationale. Et éludée par le ministère de Roselyne Bachelot. Elle sera encore d’actualité ces prochaines semaines : Veolia environnement (ex-Vivendi) a porté plainte contre les auteurs et l’éditeur de L’eau de Vivendi, les vérités inavouables pour « diffamation ».

« Veolia exige la suppression d’un certain nombre de passages de notre livre, notamment ceux qui évoquent trop directement les grosses sommes, la corruption ou les pots-de-vin versés pour décrocher des marchés régionaux », explique Roger Lenglet. Le procès aura donc lieu devant la 17e Chambre correctionnelle de Paris. La première audience de conciliation est prévue aujourd’hui.

« Il s’agira de mettre en place les premiers éléments de réponses et de témoignages. Le procès ne s’ouvrira réellement qu’en septembre 2004. Ce sera une belle occasion de déballer les affaires de Vivendi sur la place publique et de crever l’abcès », complète Roger Lenglet, qui poursuit ses investigations sur les mouvements de fonds opérés par Vivendi vers l’étranger pour étayer son dossier.

Pour l’heure, le mystère du compte irlandais reste entier. « Dans un premier temps, certaines sommes auraient été rapatriées ou versées sur d’autres comptes offshore. On ne sait pas exactement à quoi l’argent a servi. » Pour le journaliste d’investigation, la possibilité qu’il y ait des comptes en Suisse n’est pas à exclure. L’affaire des 4,5 milliards de Vivendi recèle de toute manière une dimension internationale : « Elle concerne toutes les nations qui se soucient de ce que l’on fait de l’argent des usagers », conclut Roger Lenglet. A un autre niveau, plusieurs magistrats importants s’intéressent déjà à ce nouveau cas, qui déborde allègrement les frontières.

« L’eau de Vivendi, les vérités inavouables »

Par GLe

Le journaliste d’investigation Roger Lenglet connaît bien l’univers du lobbying. Jean-Luc Touly est agent de maîtrise administratif à la Compagnie générale des eaux (CGE)-Vivendi depuis vingt-sept ans. Indignés par « des rapports confidentiels montrant comment on siphonne, via les factures d’eau, l’argent des Parisiens et des habitants d’Ile-de-France à leur insu », ils ont choisi de mettre sur le tapis une poignée d’audits restés confidentiels et des études publiques menées depuis dix ans sur le très discret marché de l’eau en France. Un marché opaque, dominé par le cartel Vivendi environnement (aujourd’hui Veolia environnement), la Lyonnaise des eaux (groupe Suez) et Saur (groupe Bouygues).

Les auteurs rappellent les révélations concernant certains financements politiques par les multinationales françaises de l’eau : le RPR de Jacques Chirac et Jean-Claude Méry pour un marché accordé par la Ville de Paris, Michel Noir pour l’obtention de concessions à Lyon, Alain Carignon pour Grenoble... Ils évoquent aussi d’autres procédés douteux. « Inégalités de facturation », « augmentations et marges de bénéfices abusives », « partenaires privés échappant à tout contrôle », « frais administratifs surévalués » figurent pourtant parmi les griefs officiellement retenus contre les fournisseurs d’eau.

En moins de deux cents pages, L’eau de Vivendi, les vérités inavouables se présente comme « un ouvrage pour apprendre à résister et à lutter contre le commerce éhonté de l’eau ». Un avertissement clair contre les agissements des trois fleurons de l’industrie française, qui cultivent une image polie grâce à la distribution de l’eau - ressource si transparente et essentielle - tout en faisant main basse sur la gestion et les marchés privatisés dans une centaine de pays.

Le Courrier. Mardi 3 Février 2004

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site