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Accueil > Réflexions et travaux > Un procès pour l’Histoire : Salut aux nouvelles générations de la démocratie.

23 décembre 2010

Un procès pour l’Histoire :
Salut aux nouvelles générations de la démocratie.

par Luis Bruschtein *

 

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Tout aurait été plus facile pour cette société [argentine] si la première condamnation de Videla était restée en vigueur. Auraient été épargnées presque vingt ans de frustrations.

Toute la marche arrière - à laquelle fut forcé Alfonsín et qu’a approfondi par sa propre volonté Carlos Menem et que les gouvernements de l’Alliance et ceux que le suivirent dans la postcrise, jusqu’à Duhalde ont maintenu dans une forme inaltérable, fut une manière de prolonger une situation injuste qui a sensibilisé surtout les générations de jeunes qui se sont suivies depuis ce moment. De nouvelles générations de militants de gauche, de péronistes et de radicaux se sont forgés dans les marches pour « Juicio y Castigo » (Procès et Châtiment).

Cette condamnation de Videla redonne un sens à cette démocratie. C’est comme si l’on recommençait à la concevoir. Une démocratie ne pouvait pas être conçue avec Videla en liberté. Cette charge symbolique devenait une charge de dynamite contre l’idée de démocratie. Ou de la construction d’une vraie démocratie, dans un pays qui n’avait presque pas d’expériences démocratiques authentiques. Il est difficile de vérifier si, comme Videla l’a affirmé, Balbin [Leader du Parti Radical de l’époque] lui avait demandé de faire le coup d’Etat. Mais à cette époque, pas seulement les radicaux, mais aussi des péronistes et jusqu’aux socialistes et d’autres courants politiques de gauche et de droite ont participé aux décisions des putschistes. C’était une façon de faire de la politique, avant même que n’existât la guérilla. Même on pourrait dire que cette façon de faire de la politique a eu beaucoup à voir avec la progression des groupes de guérilleros. Pour être juste il faudrait dire qu’il y avait aussi des hommes politiques, comme Alfonsin [Président élu] qui est arrivé en décembre 1983, et qui n’avaient pas agi ainsi, mais c’était une minorité.

Dans un système basiquement hypocrite, la dernière dictature militaire a été son sommet le plus abominable. Un chemin s’était forgé, celui qui menait indéfectiblement à ce dénouement. Dans d’autres pays d’Amérique Latine, il y avait des processus similaires avec des nuances. Dans tous, les Forces armées étaient devenues, depuis presque les débuts du XXe siècle, la caste qui régentait et emprisonnait le jeu politique. Il n’y avait pas de possibilité de changement démocratique ou de gouvernements populaires et sous ce schéma quelques générations se sont formées. C’était aussi un chemin presque inexorable. La dernière génération qui s’est formée sous ce schéma a pris les armes pour le casser.

Cette fois il y eut des générations qui se sont formées pendant vingt ans sous le signe de cette charge symbolique, dans laquelle une force insaisissable et supradémocratique empêchait qu’ils soient jugés, les tortionnaires et les violeurs de la dictature. Avec la condamnation de Videla et les autres procès, ces générations pourront à un dénouement positif de leurs luttes et de leurs espoirs.

Ainsi, avec les condamnations et les procès, ces générations se constituent en générations de la démocratie. C’est la marche qui permettra d’améliorer ce qui existe et d’obtenir une démocratie supérieure. Parce qu’avec ses luttes, aux côtés des organismes de droits de l’homme et avec la décision politique de l’ex-président Néstor Kirchner d’annuler la loi d’impunité, ils ont pu battre cette ombre supradémocratique qui faisait que la démocratie ne l’était pas tant que ça.

Les présidents et les hommes politiques qui ont gêné ces procès disaient que la démocratie est essentiellement injuste, que les délits les plus horribles qui sont commis par le pouvoir ne peuvent pas être jugés par des sociétés démocratiques. Ces dirigeants qui se déchiraient les vêtements pour la démocratie furent ses pires défenseurs. Dans le fond, et aussi comme la majorité des anciens hommes politiques du siècle passé, ils ne furent pas réellement démocratiques et ont formé des générations semblables à eux ou, comme celle des années 70, totalement opposée.

Dans ce cas, la condamnation de Videla est beaucoup plus qu’un fait judiciaire. La puissante charge symbolique qu’elle implique est projetée sur toute la société comme une revendication de la démocratie, parce qu’elle a été obtenue dans une démocratie. Et de plus elle se matérialise comme un grand accusateur de ceux qui toutes ces années ont hypocritement essayé de l’empêcher au nom d’une démocratie dans laquelle ils ne croient pas.

 Traduction pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi

Página 12 . Le Buenos Aires, le 22 décembre 2010.

© Luis Bruschtein. Décembre 2010.

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