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12 février 2005

Tout ce qu’Aguas Argentinas du Groupe Suez demandait et que Lavagna n’a jamais osé raconter

 

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En dépit de tout ce qui a été dit sur la relation entre Aguas Argentinas et le Gouvernement, on n’a jamais vraiment su en détail quelle était la demande du concessionnaire français, ni ce qu’il en était de la menace concrète de s’en aller du pays. En exclusif, voici la note qui a été envoyée au ministère de l’Économie avec certains éléments.

Par Claudio Zlotnik et David Cufré
Página 12, 8 février 2005

Yves Thibault de Silguy

Le premier élément frappant de la lettre du président d’Aguas Argentinas, Yves Thibault de Silguy, apparaît en tête de celle-ci. Le tampon officiel de l’entrée au Ministère de l’Économie porte la date du 12 janvier, un jour avant que la réunion se tienne avec Roberto Lavagna. C’est-à-dire, que le dirigeant français a envoyé la lettre en commentant les résultats d’une rencontre qui, en réalité, s’est tenue la journée suivante. Sur le plan politique, le plus significatif de cette lettre est que, pour la première fois, Aguas Argentinas a admis par écrit, dans une communication officielle, que le groupe pourrait s’en aller du pays.

Compte tenu du fait que l’envoi de la lettre a eu lieu un jour avant que Lavagna ne reçoive Thibault de Silguy, il est pour le moins surprenant que, dès la première ligne, le chef d’entreprise le remercie d’avoir accepté cette entrevue. Au cours des sept paragraphes suivants, le ton de la lettre met en évidence pas uniquement la situation sensible concernant le lien entre le Gouvernement et Aguas Argentinas. Il permet aussi d’entrer dans l’intimité de la négociation avec l’entreprise. Une privatisée qui, comme d’autres, est habituée à gagner la partie sur son terrain ou comme visiteur. Seulement, dans ce contexte, il est possible de comprendre quelques unes des demandes qui, dans une autre pièce, sembleraient irrévérencieuses.

À ce sujet, Aguas Argentinas mentionne deux exigences frappantes :

 La mise en place d’une garantie contre le risque de change. L’entreprise le formule ainsi : la proposition officielle "ne permet pas non plus de réduire l’exposition du contrat au risque de change". "C’est un sujet de grande importance pour nous", ajoute-t-il.

 Une rémunération annuelle, qui inclut le remboursement des investissements déjà réalisés pour 350 millions de pesos. Sur le mode de la plainte, le dirigeant français estime dans sa lettre à Lavagna que le montant "est très éloigné" de celui offert par le Gouvernement, c’est-à-dire 120 millions.

Ces deux exigences pour continuer à opérer en Argentine donnent une idée de la position de force avec laquelle privatisée, en l’occurrence Aguas, s’est assise à la table de négociations : y a t-il beaucoup d’entreprises qui sont en condition d’exiger de l’État qu’ il assure une rentabilité déterminée et qui en même temps veuille une protection pour ne pas souffrir des éventuelles variations du taux de change ?

Il y a plus. Thibault de Silguy a mis une limite à l’intention du Gouvernement de prendre part, de façon conjointe, à la gestion du service. "Transformer le contrat de concession en un contrat de gestion et de maintenance est incompatible avec la vision que nous avons de notre rôle comme opérateur responsable", a souligné le directeur.

En ce sens, Aguas Argentinas prétend "conserver" la gestion de quelque 250 millions de pesos d’investissements annuels, "que nous estimons nécessaires pour garantir à long terme les niveaux requis de qualité du service". Ainsi, la compagnie "propose" que l’État la rejoigne avec des capitaux frais pour faire les investissements nécessaires au développement du réseau.

Le dirigeant français est très clair : il affirme son ambition qu’Aguas assure la gestion et la maintenance du service et aussi la gestion des investissements. Ensuite, il va plus loin. Et dans une des parties les plus savoureuse de la lettre, il assure que, vu les divergences avec l’UniRen - l’organisme qu’a créé le Gouvernement pour renégocier les contrats des sociétés privatisées - deux possibilités restent :

 Si le dirigeant insiste pour modifier "la nature du contrat, en prenant le contrôle total des investissements (...) ; Suez (le groupe français propriétaire d’Aguas) n’est pas disposé à assumer le rôle d’opérateur dans un contrat de gestion et de maintenance : "cela reviendrait, par conséquent, à résilier le contrat de la concession actuelle".

 Le second scénario revient à maintenir en vigueur l’actuel statu quo et de proposer de continuer à négocier les différences économiques. C’est la première fois qu’Aguas Argentinas affirme dans un document officiel son intention de s’en aller du pays au cas où on ne satisfait pas ses attentes.

Dans la dernière partie du document et sous l’euphémisme "produire des revenus complémentaires pour la concession", l’entreprise a réclamé une augmentation tarifaire. On sait qu’elle veut une augmentation de 60%. Une contre-proposition à 16 % à un certain moment a été envisagée par le gouvernement, mais qui a été réfutée dès qu’elle est sortie de la bouche du ministre Lavagna.

Finalement, Thibault de Silguy a qualifié de "critique" la situation actuelle d’Aguas Argentinas. Et il a assuré que cette année, la compagnie affichera une perte d’environ 100 millions de pesos, quelque 300 000 pesos quotidiens. "L’entreprise ne dispose pas des ressources suffisantes pour faire face à la prorogation du fidéicommis (par lequel sont couverts les objectifs d’expansion du réseau), au paiement d’amendes (elle doit quelque 60 millions de pesos) ou autres éventualités qui menacent la concession."

Une source officielle a déclaré hier à ce journal que les négociations avec l’entreprise sont encore "difficiles" et n’a pas écarté que l’issue soit une rupture, tel que l’avait laissé envisager le grand patron d’Aguas. Le fonctionnaire a déclaré que vendredi prochain, l’entreprise devrait verser quelque 3.3 millions de pesos au fonds fiduciaire qui sert à financer les investissements. Cependant, d’aucuns spéculent que la conclusion de ce dossier arrivera après la clôture de l’opération de rachat de la dette.

La lettre à Lavagna se termine par "avec mon respectueux meilleur souvenir", écrit de la main de Thibault de Silguy. Dans l’entourage du ministre, on a un autre souvenir de la lettre, moins élégant : celui d’une pression.

Traduction pour El Correo : Estelle et Carlos Debiasi

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