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2 mars 2003

’’Qui porte le blâme au Venezuela ?’’

 

Power and Interest News Report (PINR) - La présente crise qui secoue le Vénézuéla est essentiellement d’ordre socio-économique. Elle est d’ordre sociale à cause de la nature de classes de la plupart des lignes "idéologiques" tracées entre les différents "camps". Cela est vrai dans un sens rhétorique/propagandiste, et beaucoup plus démontrable encore- quand on examine les différents enjeux liés au statut de Petroleos de Venezuela (PDVSA), la firme pétrolière d’Etat, suivant la résolution de la crise. Elle est économique car presque toute la controverse tourne autour des thèmes économiques de nationalisation, privatisation, libre-marché et globalisation.

Bien-sûr, séparer les deux scénarios-économique et social- est quelques fois difficile à faire tant ils sont étroitement liés. C’est cela qui caractérise la situation du Vénézuéla en janvier 2003.

D’un côté, il y a le gouvernement du président Hugo Chavez Frias, un ancien parachutiste et putschiste lui-même. Il est soutenu par une poignée de bureaucrates et l’armée, de même que quelque 30% de la population totale.

Chavez fut démocratiquement élu en 1998 mais a, depuis, perdu beaucoup de ce soutien à cause des conditions inchangées de la grande majorité des pauvres du pays, et de réformes économiques que le secteur des affaires voit comme "risquées", voire démentes. Une partie de ce soutien perdu pourrait provenir de ceux qui jadis avaient voté pour Chavez mais qui ont été désillusionnés par son apparente incapacité à venir à bout de l’important mouvement d’opposition.

L’économie est aussi en récession et, comme le département d’Information sur l’Enérgie (EIA) des USA l’a remarqué, "avec les secteurs pétroliers et non-pétroliers du Vénézuéla en perte de vitesse en 2002, le produit intérieur brut (PNB) réel du pays devrait chuter de 6,7% et plafonner à 96 milliards de dollars pour cette année".

L’opposition est généralement constituée d’une amalgame de Fedecamaras, la Confédération des syndicats (CTV) et la bureaucracie de PDVSA. Cette opposition coalisée, dirigée par les milieux d’affaires, jouit en ce moment du support populaire des classes moyennes et de l’industrie pétrolière, principalement des employés de PDSVA.

Auparavant, le 12 avril 2002, Chavez avait été victime d’un coup d’Etat de la part de ces mêmes éléments. Les putschistes tinrent moins de quarante-huit heures car de larges manifestations et les loyalistes dans l’armée prirent d’assaut le nouveau gouvernement et réinstallèrent Chavez comme président.

Le chaos en place depuis décembre dernier est un signe que les mêmes éléments sociaux et politiques sont toujours actifs dans le pays. Cependant, en comparaison avec les évènements du mois d’avril, les actions et protestation de cette fois-ci sont marquées par un soutien populaire grandissant et une plus longue durée.

Que veulent-ils

La présidence de Chavez est marquée par des gesticulations inappropriées en matière de politique étrangère aux yeux de Washington et de l’élite des affaires du Vénézuéla. Chavez est l’ami de l’ennemi séculaire des Etats-Unis qu’est Fidel Castro, et il a visité aussi bien la Libye que l’Irak, tout en s’opposant publiquement à la globalisation et à la "guerre contre le terrorisme".

En 2001, il avait même essayé de faire admettre Cuba dans l’Accord de San José, lequel accord fut établi en 1980 pour aider les pays des Caraïbes en difficulté dans leurs importations de pétrole. L’accord prévoit que le Vénézuéla et le Mexique vont exporter du pétrole à des prix préférentiels vers onze nations de la zone -Barbades, Beliz, Costa Rica, El Salvador, Guatémala, Haïti, Jamaïque, Nicaragua, le Panama et République dominicaine. Le président du Mexique Vicente Fox rejeta l’extension de l’accord que cherchait Chavez.

De plus, Chavez tient à contrôler PDVSA et voit sa nationalisation vitale à cette fin.

PDVSA, l’une des plus grandes entreprises de pétrole au monde, est aussi la plus grande industrie du Vénézuéla et son plus grand employeur. Elle fut créée au milieu des années 70 lorsque l’industrie pétrolière du pays avait été nationalisée. Encore une fois, c’est le même problème de nationalisation qui se trouve être au coeur des préoccupations de l’opposition qui désire la privatisation de l’entreprise et son ouverture aux investissements que cela entrainera.

Chavez représente le plus grand obstacle à la réalisation de cet objectif. Cela est peut-être la plus grande épine dans la gorge des forces d’opposition : l’irruption de Chavez dans les affaires de l’oligarchie du pétrole et la menace à l’expansion du libre-marché au sein de cette industrie.

L’EIA, sur certaines de ces tensions, observe : "pendant les quelques années sous le président Chavez, les coupes sur le budget de l’entreprise d’Etat PDVSA (ramenées a 28% en 2002), en même temps que l’absence d’investissements étrangers adéquats et une politique d’adhésion stricte aux quotas de l’OPEP, ont contrecarré les ambitieux plans d’expansion à long-terme de l’entreprise".

L’adhésion de Chavez aux quotas de l’OPEP aide à maintenir les prix du pétrole avantageux pour les exportateurs tout en limitant les profits des investissements étrangers au sein de PDVSA, qui ne peuvent pas déja excéder 49% d’une action de PDVSA.

Si PDVSA venait à être complètement privatisée, les quotas de l’OPEP appartiendraient au passé car l’essentiel du capital de l’entreprise serait fourni par les investisseurs étrangers. Ce scénario serait plus favorable aux investisseurs étrangers et, de plus en plus de pétrole vénézuélien serait contrôlé par des étrangers.

Quelque soient les convictions des travailleurs impliqués dans les grèves et autres lock-outs, c’est bien cela qui se trouve au coeur même du problème. En fait, beaucoup voient que l’élite des affaires et les dirigeants des syndicats utilisent tout simplement les travailleurs qui sont prêts à les suivre dans l’espoir de meilleures rémunérations et conditions de travail, en échange d’un gain temporaire. Compte tenu du fait que la grande majorité des travailleurs vénézuéliens sont restés dans une pauvreté relative depuis des décennies, sans amélioration réelle de leurs conditions de vie, même durant le boom pétrolier des annees soixante-dix, de telles prétentions ne valent pas qu’on y prête grand attention.

Dans un récent éditorial du Washington Post, Mark Weisbrot, revenant tout juste du Vénézuéla notait : "C’est clairement une grève du pétrole, et non une "grève générale" comme on le décrit souvent. Dans l’entreprise d’Etat PDVSA, qui contrôle l’industrie pétrolière, la direction mène la grève car elle est en conflit avec le gouvernement de Chavez".

L’opposition à son tour réclame une démission immédiate de Chavez, ce qui serait idéal, ou, de façon plus convaincante, un référendum pour le chaser du pouvoir. Un référendum, tel que prévu par la constitution adoptée sous Chavez, est prévue au mois d’août.

Le rôle des Etats-Unis

L’approbation de Washington du coup d’Etat original d’avril, de même que son silence présent, ne sont pas interprétés comme un signe de désintéressement mais plutôt comme un soutien pour les forces d’opposition. A telle enseigne qu’en mi-décembre, plusieurs parlementaires envoyèrent une lettre au president Bush demandant que l’administration soit plus vocale pour soutenir le processus démocratique au Vénézuéla qu’ils sentent que les USA sont en train de miner en n’étant pas directement impliqués dans l’application des dispositifs élaborés par la constitution vénézuélienne.

La lettre fait aussi référence à la National Endownment for Democracy (NED) que beaucoup croient, et non sans preuves à l’appui, avoir joué un rôle indirect, mais actif, dans le putsch d’avril : "le rôle du gouvernement des Etats-Unis dans le coup d’Etat du 11 avril n’est pas clair. Nous savons que certains officiels ont rencontré les dirigeants du putsch dans les mois précédents les évènements. Des groupes impliqués dans ce putsch ont aussi reçu des financements venant du gouvernement des Etat-Unis. En même temps, l’administration Bush exprimait ouvertement son hostilité envers le gouvernement du président Chavez".

Qui plus est, compte tenu du penchant de Chavez mentionné plus haut à faire des choses qui suscitent l’ire de Washington, il est généralement convenu qu’il n’y a aucun sentiment d’amour pour son gouvernement dans les couloirs de la Maison blanche et le département d’Etat. Ces sentiments ne sont pas prêts de changer du fait que le Vénézuéla est un important pourvoyeur de pétrole des USA, et que ces exportations diminuent, et qu’une guerre avec l’Irak est une possibilité bien distincte.

Conclusion

A mesure que la situation économique continue de se détériorer et les tensions s’aviver, toutes les deux parties courrent le risque de se voir accuser la ruine du Vénézuéla en faisant de la résistance obstinée aux demandes de l’autre ; la bataille est pourtant devenue si amère que personne ne songe à la capitulation.

Chavez soutient que le poids des malheurs de son pays pèse sur les épaules de l’opposition car ils sont à l’origine des lock-outs et paralysie de l’industrie du pétrole, emmenant l’économie à genoux. Il avance qu’ils se doivent qu’a attendre jusqu’au terme fixé par la constitution pour un vote référendaire sur sa présidence. A cet égard, Chavez a l’avantage de montrer un grand respect pour la règle de la loi, un signe qui, de façon surprenante, lui a apporté peu de louanges dans les démocraties du monde entier.

L’opposition s’en prend à Chavez pour les présents maux car il n’a pas souscrit à ses demandes. Pour eux, quelques mois est un delai trop long à attendre pour le référendum - ils le veulent maintenant.

En fin de compte, les deux parties pourraient toutes êtres perdantes en causant une considérable destabilisation du Vénézuela- ce que les USA et l’Europe tiennent à éviter- traçant des lignes sociales et raciales distinctes du fait qu’une société polarisée se trouve incapable de trouver des solutions pacifiques à ses problèmes. Un tel environnement deviendra extrêmement vulnérable à un règne authoritaire.

Dossier realisé par : Matthew Riemer.

Le Power and Interest News Report (PINR) est une publication basée sur des analyses qui cherche, aussi objectivement que possible à donner une vision interne sur differents conflits, regions et points d’interet à travers le globe. PINR approche un sujet sur la base des pouvoirs et intérêts impliqués, laissant le jugement moral au lecteur. PINR cherche plus à informer qu’à persuader. Ce rapport peut etre reproduit, réimprimé ou diffusé à condition qu’une telle reproduction identifie la source originale : http://www.pinr.com Tout commentaire devrait être addressée à content@pinr.com.

Traduit de l’Anglais par : Mamadou Tounkara.

Printed on Tuesday, February 25, 2003 @ 21:37:06

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