recherche

Accueil > Empire et Résistance > Union Européenne > Prix Nobel de la Paix à l’Union Européenne : Un prix contre le doute

18 octobre 2012

Prix Nobel de la Paix à l’Union Européenne : Un prix contre le doute

par Rafael Poch de Feliu*

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Le prix Nobel de la paix accordé à l’Union Européenne est un prix contre le doute. Il cherche à relever le moral du narcissisme européen blessé par la crise financière. Le discours que l’Europe prononce et projette dans le monde sur elle même au sujet de sa bonté et des valeurs universelles de ceux qui se considèrent comme porteurs de paix, cohésion sociale et droits de l’homme, a chancelé. La cohésion européenne chancelle, augmentent l’euroscepticisme et les reproches entre nations. Le prix cherche à agir contre cette nouvelle insécurité européenne qu’a apporté, de façon inespérée, la crise. Mais il y a quelque chose de plus important : il s’agit du doute sur la paix de l’Europe dans un monde stressant avec des ressources globales aussi peu abondantes que disputées.

Qu’est-ce que c’est historiquement l’Europe du point de vue de la guerre et de la paix ? La réponse est évidente : c’est la partie la plus guerrière du monde. Durant les 500 dernières années la guerre a été la norme dans ce continent de nations luttant entre elles. Entre 1615 et 1815, quand finissent les guerres napoléoniennes, les nations européennes ont été en guerre entre soixante ou soixante-dix ans par siècle, en moyenne. Jusqu’à 1914 il y a eu un peu plus de paix, mais l’Europe a continué à cette époque en développant l’exportation de guerre et du génocide en dehors de ses frontières : avec l’holocauste colonial - impérial qui a été la conquête du monde non européen.

Cette période 1815-1914 de relative paix européenne, si nous oublions des épisodes comme la guerre de Crimée ou la guerre franco - prussienne, est l’âge d’or de l’industrialisation. L’industrialisation a été une invention européenne qui a transformé la guerre en quelque chose de beaucoup plus meurtrier. Deux guerres mondiales à la mortalité jamais vu et couvées dans et par l’Europe, en était le résultat.

La parenthèse de la paix que l’Europe a connue depuis 1945 jusqu’à aujourd’hui a été exceptionnelle, 67 ans, mais il ne faut pas oublier qu’elle a eu lieu grâce à la tutelle de deux superpuissances en tension nucléaire c’est-à-dire ce fut une paix sous surveillance et présidée par un facteur, celui de la destruction massive, qui représente la marche supérieure de la stupidité humaine : la destruction de la planète. Ce facteur inquiétant continue à être là au centre de notre civilisation globalement chauffée.

En tout cas cette tutelle pris fini, en 1989-1991, avec la retraite de l’Union Soviétique, et va en diminution en ce qui concerne les États-Unis. Pour tout cela, la question si l’actuelle Europe, avec sa nouvelle souveraineté, ne retournera pas sur ses pas, a pleinement du sens. Sur cela, deux considérations.

Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer une guerre entre nations européennes, mais nous avons eu quelque chose de ce genre aux Balkans. En deuxième lieu on constate que chaque fois il y a plus de participation européenne dans les aventures militaires occidentales dans le monde. Si pendant la guerre du Viêt-Nam, les Européens ont laissé seuls les États-Unis avec le travail – même pas le Royaume-Uni ne les a rejoints, son fidèle domestique - aujourd’hui presque tous les Européens sont à l’Afghanistan. En Irak il y a eu une participation remarquable, bien qu’avec des dissimulations et des divisions. En Libye on a vu un grand protagoniste européen, avec une grande initiative française, même parait-il dans l’assassinat de Kadhafi. Et en Syrie, l’Europe contribue clairement à ce que les choses allient de pire en pire, nourrissant la guerre civile par le procédé d’appuyer l’une des factions. Pour tout cela, la question de savoir si l’actuelle Europe, de mauvaise humeur et désenchantée, peut retourner vers ses anciens démons, a beaucoup plus de sens que ce qu’on croit. D’où le fait que celui-ci soit le prix contre le doute.

La Vanguardia. Berlin, le 14 octobre 2012.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.

* Rafael Poch, Rafael Poch-de-Feliu (Barcelone, 1956) a été vingt ans correspondant de « La Vanguardia » à Moscou et à Pékin. Avant il a étudié l’Histoire contemporaine à Barcelone et à Berlin-Ouest, il a été correspondant en Espagne du « Die Tageszeitung », rédacteur de l’agence allemande de presse « DPA » à Hambourg et correspondant itinérant en Europe de l’Est (1983 à 1987). Actuelement correspondant de « La Vanguardia » à Berlin.

El Correo. Paris, le 18 octobre de 2012.

Contrat Creative Commons
Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported.

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site