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4 janvier 2003

Pourquoi le journal El País et CNN agressent le gouvernement vénézuélien ?

 

Trois années de guerre d’information de la chaîne de télévision étasunienne CNN et du journal espagnol El País contre le gouvernement constitutionnel de Hugo Chávez obligent à s’interroger sur les motifs de cette agression médiatique incessante. Comment explique-t-on leur attitude anti-éthique contre un des gouvernements les plus démocratiques de l’Amérique latine ?

Le pourquoi du journal El País :
Texte en español

Par Heinz Dieterich Steffan
Rebelión, 23/12/02

La réponse se trouve au sein du réseau d’affaires économico-politiques du néo-colonialisme espagnol, du néo-libéralisme américain et de certaines oligarchies latino-américaines. Sont en scène le magnat vénézuélien Gustavo Cisneros, l’ex-président social-démocrate vénézuélien Carlos Andres Pérez, de l’Espagne l’ex-premier ministre social-démocrate Felipe González, l’actuel premier ministre José María Aznar, le magnat Jesus de Polanco, l’ex-président argentin Carlos Saúl Menem et l’élite politique républicaine des Etats-Unis, la dynastie Bush en particulier.

Le versant européen du réseau a été établi durant les années 70, quand Felipe González était secrétaire général du Parti Socialiste Ouvrier espagnol (PSOE), et Carlos Andres Pérez président du Venezuela (1974-79). González, choisi, formé et financé par le chef de la social-démocratie allemande et de l’Internationale Socialiste (IS), Willy Brandt, pour la charge de futur premier ministre de l’époque post-Franco, partageait avec Pérez les files de l’Internationale Socialiste. Rapidement, le "Calife rouge andalou" et le caudillo des Caraïbes ont entamé une grande amitié, à laquelle se joignit l’important homme d’affaires Gustavo Cisneros, dont les multiples relations internationales et les richesses furent utiles au socialiste espagnol.

Cisneros est devenu riche à la manière du patronat créole : sous les larges ailes de l’Etat nourricier d’Andres Pérez, dont la nationalisation des industries sidérurgiques et pétrolifères du pays offrait de vastes facilités d’accumulation pour l’ami-chef d’entreprise. Devant son hôte d’outre-mer, Cisneros a fait preuve d’une grande serviabilité, en offrant à González l’utilisation de ses luxueuses maisons du Country Club jusqu’à son avion privé. González fut tellement impressionné qu’une fois premier ministre, il choisit, en 1982, de passer ses premières vacances dans l’île vénézuélienne de La Orchila, qui - ironiquement -, vingt ans plus tard, devint le lieu d’emprisonnement - et d’exécution prévue - du président Chávez, aux mains des auteurs du coup d’Etat.

Au pouvoir, le "Calife Rouge" n’oublia son ami des Caraïbes et dans des circonstances peu claires, sur lesquelles travaillent jusqu’à aujourd’hui le Tribunal Suprême espagnol, l’État socialiste est intervenu lors de la faillite des Galerias Preciados, une des chaînes de supermarchés les plus importantes du pays, pour plaire au chef d’entreprise Gustavo Cisneros (1984). Cisneros vendit ensuite avantageusement les Galeries à une entreprise britannique. Selon un ex-ministre de Carlos Andres Pérez, la manne de ces transactions a filé dans les caisses noires des trois amis.

C’étaient la bonne époque de la fin des années 80, quand les présidences de Felipe González en Espagne (1982-96), Carlos Andres Pérez au Venezuela (1989-93) et Carlos Saúl Menem (1989-99) s’entendaient partiellement, avec un autre ami socialiste important de González au Ministère des travaux Publics, au Chili, Ricardo Lagos [actuellement président de la république chilienne, NDT]. C’étaient aussi l’époque de la crise économique dans la mère patrie et de la décision de González - poursuivie avec une plus grande vigueur ensuite, par Aznar - de dépasser cette crise avec la reconquête du dorado latino-américain. Les nouvelles caravelles s’appelaient maintenant Iberia, Telefónica, Repsol, Endesa, etc., et les traces qu’elles ont laissées n’ont pas été moins destructives comme celles de la première conquista. (1)

Avec la promotion active de González-Aznar, Andres Pérez et Menem, les services bancaires, l’énergie électrique et pétrolière, les communications, les fonds de pensions, les services publics d’eau, tout a été privatisé par "la confrérie" de ces modernisateurs. Après avoir désossé les lignes aériennes vénézuéliennes VIASA, Iberia, la compagnie espagnole répéta ce travail de démembrement avec Aerolíneas Argentinas, en la laissant totalement détruite. Suivit ensuite la grande escroquerie de l’acquisition de Yacimientos Petrolíferos Argentinos (YPF) à Repsol, une entreprise pétrolière espagnole sans pétrole, escroquerie qui a été directement concertée entre Aznar et Menem, sur base d’une amitié personnelle qui incluait des forts financements de Menem à la campagne électorale du Parti Populaire d’Aznar, canalisés, selon les journalistes argentins Daniel Cecchini et Jorge Zicolillo, par le biais de la Secrétaire d’Intelligence de l’État (SIDE).

Dans cette stratégie de conquête transnationale du marché latino-américain et du contrôle idéologique des citoyens espagnols, les bonnes relations de González et d’Aznar ont été, postérieurement, d’une importance suprême, avec le magnat médiatique espagnol, Jesus de Polanco. Polanco, propriétaire du Groupe Prisa, le plus grand conglomérat espagnol de médias, s’est fortifié durant les années 70 du franquisme avec le journal El País, qui a postérieurement joui d’une symbiose étroite avec la gérence socialiste de l’État espagnol (1982-96). Appui médiatique à la politique du "Calife Rouge", d’une part, des faveurs du gouvernement au poulpe médiatique naissant, de l’autre, ont été l’avantage quo quid de cette relation.

L’alliance a été bénéfique pour tous les deux. González a gagné trois élections à la suite avec une majorité absolue, jusqu’à ce qu’il ait épuisé son modèle. Discrédité par la corruption endémique du système ; son image souillée par l’enquête sur les escadrons de la mort anti-ETA (GAL), enquête qui a été la douce vengeance de son ami socialiste déçu Baltasar Garzón, alors que González ne lui offrit pas le ministère qu’il lui avait promis, mais qui, pour des raisons d’État, n’est jamais arrivé à prouver la culpabilité du "Calife" - González a laissé la présidence en 1996, pour se transformer en représentant du capital espagnol en Amérique latine et en gourou spirituel de partis politiques de centre-gauche et de centre-droite latino-américains, auxquelles il vend généralement l’histoire de la "transition" espagnole.

C’est dans cette fonction qu’il est apparu le 20 décembre 2001, en pleine crise sociale argentine, lors d’une "mission officielle" du gouvernement Aznar dans le bureau de Fernando de la Rúa à la Casa Rosada, pour insister auprès du président sortant et postérieurement, auprès du nouveau président Saá - que la dévaluation était inacceptable pour l’Espagne et que la dollarisation était la seule sortie à la crise.

De son côté, Polanco a prospéré avec son Groupe Prisa à un tel degré qu’il est, de nos jours, propriétaire de 65 télévisions locales en Espagne, de divers canaux nationaux de télévision, de la Editorial Santillana et du journal El País, le plus vendu d’Espagne, suivi par El Mundo et l’ABC. Des recettes supérieures à mille millions de dollars de Prisa, 25% du total est produit en Amérique latine, pourcentage qui en 2004 devrait s’élever à 40% ; 32.5% du total provient de Editorial Santillana qui a une incidence forte sur le système éducatif latino-américain, et 24% de El País.
Polanco a choisi l’Amérique latine comme marché d’avenir. Il possède des investissements dans Radio Caracol (Colombie) et un holding international, avec des Colombiens à Miami, qui intègre 105 stations de radio en Colombie, au Chili, à Panama, au Costa Rica, en France, aux Etats-Unis, au Mexique et d’autres médias au Brésil et en Bolivie. L’amitié avec González continue et s’étend au président socialiste chilien Ricardo Lagos. En novembre de l’année passée, Polanco, González et Ricardo Lagos ont déjeuné ensemble au Palais de la Moneda à Santiago du Chili, en délibérant sur l’acquisition par le Groupe Prisa du quotidien chilien La Nación.(2)

Les possibles bénéfices de la transaction, ou comme dit le jargon médiatique contemporain, les synergies, sont évidents. Lagos obtiendrait de l’appui médiatique à sa politique gouvernementale et Polanco des bénéfices. C’est, de fait, le modus operandi du magnat espagnol, qui s’est ouvert les portes des palais présidentiels latino-americains, fait qui pourrait être illustré par plusieurs exemples récents.

Dans cette mise en scène politico-économico-médiatique des grands négoces néo-libéraux et de la trahison politique apparaît le Lieutenant-Colonel Hugo Chávez avec sa proposition de développementalisme démocratique et de souveraineté économique - politique nationale heurtant évidemment les intérêts néo-coloniaux du capital espagnol et de ses alliés locaux. Le magnat Cisneros soutint initialement le candidat présidentiel, confiant de pouvoir continuer à jouer son double rôle historique d’éminence grise de tous les présidents vénézuéliens et de pouvoir continuer à profiter économiquement des largesses de l’Etat nourricier.

Mais, les deux ambitions se sont révélées illusoires, quand Chávez n’accepta ni le rôle de serviteur de l’oligarchie, ni de renoncer à la refondation démocratique de l’État. Par la suite, le gouvernement à peine formé en février 1999, Cisneros commença la guerre médiatique au travers de ses vastes réseaux de télévision et de ses investissements et mobilisa ses alliés internationaux en Europe et aux Etats-Unis. (3)

Et ses amis espagnols, par solidarité de classe et relations personnelles, ne le laissèrent pas tomber. El País débuta une campagne de propagande de guerre contre le gouvernement de Chávez. Polanco, jamais en retard quand une bonne occasion se présente, étendit la symbiose avec le "socialisme" espagnol au projet néo-colonial d’Aznar et se transforma en une des têtes de lance idéologiques. Sa position de centre-droite devint quasiment identique à celle de El Mundo et du quotidien pro-monarchique ABC, et ensemble ils se transformèrent en croisés pour détruire le gouvernement démocratique de Chávez.

La conversation téléphonique du président Aznar avec le président golpista Pedro Carmona dans le Palais de Miraflores, effectuée par une haut membre de l’Opus Dei vénézuélien et secrétaire des Relations Extérieures, pour un jour, de Carmona, est la reconnaissance de facto du gouvernement espagnol des auteurs du coup d’Etat (4) et une célébration prématurée de l’acquisition d’un nouveau butin pétrolier avec lequel Repsol resterait. Mais, les militaires démocratiques et le peuple frustrent le coup transnational.

Traduction : Frédéric Lévêque
[Texte original : ¿Por qué CNN y El País agreden al gobierno venezolano ?
Rebelión, 23.12.02.

Notes du traducteur :

(1) A consulter à ce sujet : La politique latino-américaine de la droite espagnole : velléités néo-coloniales

(2) Maurice Lemoine, dans "Coups d’Etats sans frontières" précise que "Propriétaire d’El Pais, le groupe Prisa possède 19 % des actions de Radio Caracol, dont l’actionnaire majoritaire, le puissant groupe colombien ValBavaria, a pour partenaire principal M. Julio Santo Domingo (l’homme le plus riche de Colombie) et... le groupe Cisneros, qui domine l’industrie des médias au Venezuela. A la tête de Prisa, M. Jesus Polanco préside également Sogecable, société liée à l’entreprise américaine DirecTv, dont l’un des principaux actionnaires est ce même groupe Cisneros... Rendant plus étroites encore les relations, un accord serait en voie d’être signé entre Prisa (M. Polanco) et ViaDigital (M. Cisneros)."

(3) Dans "Dans les laboratoires du mensonge au Venezuela", Maurice Lemoine parle de Gustavo Cisneros comme un homme clé du coup d’Etat d’avril 2002. "Multimillionnaire d’origine cubaine, propriétaire de Venevisión, ce dernier dirige un empire médiatique de taille mondiale - Organización Diego Cisneros -, présent dans 39 pays à travers 70 entreprises (10). Il entretient de forts liens d’amitié avec M. George Bush (père). S’ils jouent au golf ensemble et si, en février 2001, l’ancien président des Etats-Unis a passé une semaine de vacances dans sa propriété vénézuélienne, les deux hommes souhaitent surtout ardemment (et entre autres) la privatisation de PDVSA. Secrétaire d’Etat américain aux affaires interaméricaines, M. Otto Reich admettra avoir "parlé deux ou trois fois" à M. Cisneros cette nuit-là." Maurice Lemoine précise également que "le décret qui entérine l’établissement d’une dictature, lors du coup d’Etat d’avril 2002, est lu par M. Daniel Romero, secrétaire privé de l’ancien président social-démocrate Carlos Andrés Pérez et... salarié du groupe Cisneros.

(3) A consulter à ce sujet : Le sergent Rodriguez et le président Aznar

Le pourquoi de CNN :
Texto en espanol
Rebelión, 28.12.02.

L’agression médiatique prolongée de la transnationale étasunienne CNN (Cable News Network) contre le processus bolivarien est due à quatre facteurs :
les intérêts et les réseaux économiques, politiques et académiques internationaux du magnat anti-chaviste vénézuélien Gustavo Cisneros et d’autres membres de l’oligarchie vénézuélienne, comme l’ex-président de PDVSA [l’entreprise pétrolière publique vénézuélienne, NdT], Luis Giusti, qui, en 1998, a voulu privatiser l’entreprise et est, de nos jours, conseiller sur les questions énergétiques du président George W Bush ; la vente de CNN à la transnationale Time Warner, Inc. en 1996, et la fusion ultérieure avec America Online (AOL), en 2001 ; la subordination inconditionnelle de CNN au projet de Nouvel Ordre Mondial de George W.Bush, Donald Rumsfeld et Dick Cheney, après le 11 septembre et l’état professionnel déplorable de ses journalistes, modérateurs et de commentateurs. Contrairement à la mythologie néo-libérale, nombreux sont les négoces de l’économie globale qui ne résultent pas d’une meilleure position de compétitivité sur le marché, mais sont le fait de l’intégration de l’élite économique à des réseaux informels de pouvoir et de trafics d’influences. C’est sur cet aspect, plus que dans celui simplement économique, que le pouvoir du Groupe Cisneros et de son Chief Executive Officer (CEO, chef exécutif) Gustavo Cisneros, est redoutable et lui permet d’influencer la politique nationale et internationale, comme le révèlent les données suivantes sur sa participation à des réseaux académiques, économiques et politiques de l’élite dominante globalisée.

Cisneros est membre de conseils d’assesseurs de plusieurs universités d’élite étasuniennes, parmi elles : l’Université de Columbia, à New York et le Collège Babson ; le David Rockefeller Center for Latin American Studies de l’Université de Harvard, à Boston et le conseil d’administration du Joseph H. Lauder Institute of Management and International Studies de la prestigieuse Wharton School of Economics de l’Université de Pennsylvanie, à Philadelphie.

Cisneros appartient aussi au groupe d’assesseurs du Council on Foreign Relations à New York, le think tank le plus important de l’establishment libéral du grand capital étasunien ; il est aussi membre de la Information & Communication Technology (ICT) Task Force des Nations Unies, du World Business Council du Forum Économique Mondial (WEF, sigles en anglais) et participe au Conseil International des assesseurs de l’influente The Americas Society. Au sein de cette association "sans but lucratif", on trouve aussi David Rockefeller et le chef d’entreprise des médias, le chilien Agustín Edwards.

Edwards a un intérêt particulier car il a été une des pièces clef de la conspiration contre le gouvernement constitutionnel de Salvador Allende. En fait, il joua le même rôle dans la destruction de l’Unité Populaire chilienne que celui que joue Cisneros au Venezuela. En profitant de ses bonnes relations avec l’ambassade de Washington à Santiago du Chili et avec les secteurs de l’élite patronale étasunienne ; en recevant plus de 1,5 million de dollars de la Central Intelligence Agency (CIA) des Etats-Unis, "le Mercurio et d’autres médias soutenus par l’Agence ont joué un rôle important dans la mise en place des conditions pour le coup d’Etat militaire du 11 septembre 1973", a affirmé un rapport du Sénat étasunien en 1975.

Quand l’ambassadeur étasunien Edward Korry a communiqué à Edwards qu’Allende gagnerait les élections nationales de septembre 1970, le chef d’entreprise se réunit aux Etats-Unis avec le président de la transnationale Pepsi-Cola, un de ses amis personnels, Donald Kendall, pour définir les stratégies nécessaires pour détruire Allende. Kendall - qui - comme les représentants du grand capital et les mécène du Parti Républicain en général - avait accès direct au Président, organisa pour le 15 septembre plusieurs réunions, auxquelles participèrent Nixon, Kissinger, le chef de la CIA, Richard Helms, Agustín Edwards et Donald Kendall. Cette même nuit, Nixon donna l’ordre à la CIA de détruire le gouvernement constitutionnel de l’Unité Populaire par un coup d’Etat militaire ou par tout moyen nécessaire pour atteindre cet objectif.

Durant les trois années dont l’impérialisme eut besoin pour organiser la sanglante rébellion des généraux dirigée par Augusto Pinochet, le Mercurio a utilisé les mêmes techniques qui sont observées aujourd’hui au Venezuela. Éditoriaux dans la presse écrite,
rédigés par des experts de la CIA ou des journalistes à la solde de la réaction, répétés une infinité de fois par les stations de radio et de télévision ; appels aux militaires pour mettre fin à "l’anarchie" et à la "dictature" du gouvernement ; désinformation et mensonges systématiques pour exciter la population contre le gouvernement et détruire la confiance dans l’avenir du pays, etcetera. Pendant que le peuple souffrait de la faim et subissait la terreur de ces subversifs, Edwards jouissait de son long séjour aux Etats-Unis, d’une vie de luxe comme vice-président mondial de Pepsi-Cola, courtoisie de son ami Kendall.

Au niveau politique, Gustavo Cisneros a eu de bonnes relations avec le Président Ronald Reagan, il a été invité avec sa conjointe Patricia Phelps à des festivités ; avec le gouvernement de Bill Clinton dont le secrétaire des Relations Extérieures Cyrus Vance a été l’interlocuteur, ainsi qu’avec la dynastie Rockefeller et la dynastie Bush, avec notamment l’ex-président George Bush avec qui il pêche à La Florida et dans les rivières vénézuéliennes.

Même si son pouvoir économique est probablement surestimé, puisque dans plusieurs entreprises, il n’est que copropriétaire, il ne fait guère de doute que son empire de 70 compagnies dans 39 pays, avec des recettes annuelles supérieures aux quatre milliards de dollars, a une force considérable, surtout dans le secteur des médias et de la communication : Direct TV Latin America a plus de 300 canaux vidéo et audio dans 28 pays ; Univisión est la plus grande chaîne de télévision de langue hispanique aux Etats-Unis ; Venevisión le plus important canal de télévision vénézuélien et Venevisión International, un des plus importants du continent américain.

Par le biais d’alliances stratégiques avec Pepsi-Cola et Coca-Cola, Cisneros s’est transformé en copropriétaire d’une des plus importantes entreprises de mise en bouteille latino-américaines, Panamco (1), ayant des sièges à Miami, Panama et Atlanta, et qui a été vendue en décembre 2002 pour 3,6 milliards de dollars au groupe des Garza Lagüera de Monterrey, au Mexique. Cisneros a touché 9% du total. En 1997, il lança aussi la Playboy TV Iberia qui depuis lors "enrichit" le panorama culturel de l’Espagne et du Portugal avec d’attrayantes lapines dans la style étasunien.

En 1998, Cisneros forma une alliance (joint venture) avec America Online, Inc. (AOL), d’où est né l’entreprise America Online Latin America (AOLA) qui offre des services interactifs, entre autres, au Brésil, au Mexique, en Argentine et à Puerto Rico. C’est là que l’on croise les réseaux informels de Cisneros avec CNN, AOL et Time Warner.

L’indépendance de CNN, le premier canal télévisuel d’information continue, créé par Ted Turner, prit fin en octobre 1996, quand la Turner Broadcasting System, Inc. intégra le conglomérat médiatique Time Warner, Inc., qui contrôle, entres autres, la revue mondiale Time et la revue d’affaires, Fortune. La Time Warner fusionna, à son tour, le 11 janvier 2001 avec America Online qui obtint le contrôle de la majorité des actions. CNN a été soumise successivement au management et aux actionnaires de Time Warner et, postérieurement, à ceux d’AOL, avec qui Cisneros a conclu une alliance stratégique lui offrant les contacts et des relations avec les exécutifs supérieurs de cette gigantesque transnationale et avec ses homologues européens et asiatiques, comme en 1999 quand il se réunit avec le président de la transnationale allemande Bertelsman, le vice-président de la japonaise Fujitsu et le président de Time Warner, Levine, dans la capitale française.

CNN a été réduite au statut d’une compagnie ou d’une division de plus dans la structure corporative transnationale d’AOL Time Warner, Inc. , ce qui signifie que son taux de profit ne doit pas rester sous celui des autres divisions, si elle ne veut pas courir le risque d’être transformée ou d’être mise en liquidation. Cette pression du "marché" - en fait, des coefficients comparatifs coût/bénéfice - accélère la chute de CNN comme média d’information de qualité, une tendance qui reçut son coup de grâce politique avec la déclaration de "guerre internationale contre le terrorisme" de George W. Bush, qui a provoqué la soumission ouverte de la chaîne à la raison de l’État impérial.

Ce double impact économique et politique a des répercussions de manière dramatique dans le manque de professionnalisme de l’équipe de journalistes, modérateurs et "analystes" de CNN en espagnol. Exempts de préparation scientifique, sans notion méthodologique du concept statistique de la représentativité - qui est l’axe de tout travail journalistique sérieux - les demoiselles Ligimat Pérez à Caracas et Gwenda Umaña à Atlanta sont restées à la merci du sens commun, des préjugés et des intérêts des classes moyennes locales et étrangères, quand elles parlent du complexe problème vénézuélien. Harris Whitbeck, qui, un jour faisait un reportage mal informé depuis Kaboul, s’est retrouvé expédié d’urgence le jour suivant à Caracas pour informer sur la problématique bolivarienne, avec les résultats prévisibles. Lucia Newman, envoyée parfois par fast track de La Havane à Caracas, est tellement effrayée par les milieux anti-cubains à Miami qu’elle ne s’écarte pas d’une virgule de la litanie politiquement correcte. Dans cette équipe, seul Jorge Gestoso et Patricia Janiot conservent un peu de qualité professionnelle, l’éthique, quand ils se référent au Venezuela.

Les agressions permanentes de CNN et des médias espagnols pendant les trois années de gouvernement de Hugo Chávez, sont les avant-gardes propagandistes de la guerre d’appropriation économique pour les restes du butin latino-américain, que les amis néo-libéraux de l’impérialisme étasunien et du sous-impérialisme espagnol n’ont pas encore pu s’offrir. La perle de ce butin sont les réserves pétrolières du Venezuela, équivalentes à celles de l’Arabie Saoudite, et l’entreprise PDVSA, qui possède environ 15.000 stations d’essence et huit raffineries aux Etats-Unis, en plus des neuf raffineries en Europe et autant au Venezuela et dans les Caraïbes.

"La perception tue la réalité", disent les opérateurs du marketing bourgeois et c’est la prescription que les intellectuels du capital transnational, les médias, utilisent dans la destruction du projet populaire vénézuélien. Il y a trente ans, ils reproduisaient comme caisses de résonance les mensonges des golpistas chiléno-étasuniens contre le gouvernement constitutionnel de Salvador Allende. Durant les années quatre-vingt, ils répétèrent l’opération contre le gouvernement constitutionnel sandiniste au Nicaragua et depuis les années 1990, c’est au tour du gouvernement constitutionnel de Hugo Chávez.
Rien de nouveau sous le soleil … du mensonge impérial.

Note du traducteur :

(1) Il est utile d’ajouter que Panamco possède 17 usines de mise en bouteille en Colombie et que le SINALTRAINAL, le syndicat du secteur alimentaire colombien, s’est portée partie civile dans la plainte déposée par plusieurs associations et syndicats étasuniens contre Coca-Cola et son fournisseur colombien, Panamco Colombia S.A. Cette plainte fait état de mauvais traitements, enlèvements et meurtres.

Plus d’info : http://www.collectifs.net/risbal/col/cocacola.htm

* Traduction : Frédéric Lévêque, pour RISBAL.
Article original : ¿Por qué CNN agrede al gobierno venezolano ?

© COPYLEFT Rebelion 2002

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