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1er août 2013

Pauvreté et encore plus de pauvreté pour le Mexique et le monde

par Octavio Rodríguez Araujo *

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Le Conseil National de l’Évaluation de la Politique de Développement Social (Coneval) nous présente des données alarmantes que nous soupçonnions déjà : la pauvreté a augmenté. L’explication de ce phénomène est plus simple que ce qu’on croit : la richesse produite dans le pays n’est pas distribuée sous des critères de justice sociale. Sera-t-il très difficile d’obtenir cette distribution souhaitable ? Non, en théorie.

En théorie il suffirait qu’on crée davantage d’emplois, que ceux-ci soient mieux rémunérés, que les impôts soient progressifs et qu’on accorde et subventionne pour les pauvres certains biens et services qui amélioreraient leur qualité de vie. Ce qui a été fait avec des programmes comme Solidarité et ensuite Opportunités c’est, comme l’a bien dit Videgaray [actuel Ministre de l’Economie du gouvernement Peña Prieto], de contenir la pauvreté et de ne pas la combattre. Ce qui est grave c’est elle n’a même pas été contenue, puisqu’elle a augmenté. Par conséquent, elle doit être combattue. Avec une plus grande croissance ?

On dit qu’avec une plus grande croissance économique moins de pauvreté. Ceci n’est pas vrai, nous savons tous que croissance sans distribution, ce n’est pas du développement, et ce qui est requi, c’est du développement et pas seulement augmenter la part du gâteau de la richesse nationale. C’est ce qu’a dit depuis la fin des années 50, l’économiste Charles Kindleberger, du MIT, qui nous a avertis des risques de confondre croissance avec développement. La thèse de la croissance du gâteau, dont a encore parlé Robert McNamara quand il a été président de la Banque Mondiale (1968-1981), est très trompeuse : on augmente le diamètre du gâteau (forcement circulaire), c’est pourquoi les tranches augmentent aussi, mais la partie la plus étroite que le semi-triangle d’une tranche est distribuée entre les pauvres et la partie plus large, tout comme auparavant, est distribuée entre les riches. À ceux-ci, disons, qu’il leur revient 40 de plus mais aux pauvres cinq de plus. Ceci n’est pas la distribution, c’est pourquoi ce n’est pas non plus du développement. Et, que cela nous plaise ou pas, le capitalisme tend toujours vers la concentration et la centralisation de la richesse, non vers sa distribution. C’est bien que croît le gâteau, mais la façon dont on coupe ses tranches est particulièrement importante. C’est à cause de ceci que seules les politiques d’État peuvent modifier cette condition, mais cela requiert la volonté politique des gouvernements qui, évidemment, n’existe pas. Le problème est global et systémique et il n’est pas résolu avec des programmes comme Opportunités ni avec des Croisades contre la faim. C’est bien qu’elles existent, mais elles serviront seulement comme moyen de contenir la pauvreté, non à la résoudre. Cautère sur une jambe de bois, dit on.

Avec ce qui précède je ne suis pas entrain de supposer que si Peña Nieto [président du Méxique] lit cet article il va indiquer et chercher, avec son cabinet économique, la façon de distribuer équitablement la richesse qui se produit dans le pays. Non, évidemment. L’actuel dirigeant, comme les précédents, est arrivé soutenu par les ce qu’on appelle des pouvoirs de fait, c’est-à-dire, par les entreprises nationales et étrangères les plus puissantes au Mexique, et à qui il doit répondre, comme bien le dicte la logique politique, et y compris formelle.

Il ne faut pas s’attendre à ce que le gouvernement d’un pays capitaliste agisse contre le capital. Si Marx ne l’avais pas déjà dit , nous l’aurions simplement compris en utilisant le sens commun. Plus encore, on ne voit pas dans l’horizon social et économique pourquoi celui-ci ou un autre gouvernement rectifieraient leurs politiques économiques pour résoudre le problème de la croissance au-delà de sa limitation. Il n’ y a , malgré le malaise qu’on perçoit parmi des pans de la population, groupements sociaux/politiques qui pourraient obtenir la pression suffisante pour que le gouvernement et les chefs d’entreprise se sentent menacés par une instabilité suffisante, la volonté de corriger leurs politiques. Nous sommes, si non désarmés, faiblement organisés pour tirer les oreilles à ceux qui nous gouvernent.

Comme si ce n’était pas suffisant, les formes acquises par le capitalisme globalisé d’inspiration néolibérale, permettent aux chefs d’entreprise de chercher des travailleurs et des consommateurs dans tout autre pays, s’ils diminuent dans leur propre pays. On perd Detroit, comme on l’a vu, mais non l’industrie automobile. Ils transfèrent simplement leurs usines où cela convient le mieux, grâce à la distribution mondiale du travail et à l’inégalité des salaires dans le monde. Jusqu’à nos capitalistes les plus puissants qui partent à la recherche d’autres pays pour leurs investissements, parce que ce qu’ils produisent, ce sont des marchandises et non des satisfactions. Il n’y a pas de marché suffisant au Mexique ou en Chine, parce que mes co-nationaux sont pauvres et ne peuvent pas acheter ?, alors j’exporte. Il ne convient pas de produire certains produits au Mexique, parce que les salaires ne sont pas « compétitifs » et la technologie est très chère ? , alors, je les importe. À la fin, si les pauvres sont tellement pauvres que ni ils produisent ni ils consomment, alors je les transforme en « gens superflus », et pour qu’ils ne meurent pas de faim nous leur donnons des palliatifs, même si nous le savons très bien qu’on ne combat pas la pauvreté mais qu’on la contient seulement.

Octavio Rodríguez Araujo pour La Jornada du Mexique

La Jornada. Mexique, le 1° août 2013.

Traduit de l’Espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris le 1er août 2013.

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* Octavio Rodríguez Araujoest docteur en science politique et professeur émérite de la Faculté de Sciences Politiques et Sociales de l’UNAM au Mexique.

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