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6 juin 2005

Offensive stratégique contre le modèle de Kirchner pour casser l’intégration de l’Argentine au projet bolivarien

Phase pre-resurreccional et offensive finale contre Kirchner

par Heinz Dieterich Steffan

 

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Le diagnostic

Le terme le plus adéquat pour décrire l’état politique actuel de l’Argentine est, probablement, "pré-résurrectionnel". Il se réfère à une phase transitionnelle entre l’annihilation et la renaissance. Contrairement à l’histoire biblique, en Argentine on ne sait pas encore, si le crucifié réussira lever la roche pour retourner à la vie ou si le poids de la roche le maintiendra enterré pour beaucoup plus de temps.

La double crucifixion

La crucifixion de la nation et de l’élite de son peuple a été double : d’abord, par le calvaire de la dictature militaire de 1976 au 1983 et, ensuite, par le cynisme du dépeçage du long gouvernement de Menem. Cette combinaison "des trous noirs" du terrorisme d’État, comme l’École Supérieure de Mécanicien de celle Armée (ESMA) - qui a fait disparaître physiquement 30 000 des meilleurs cadres de la transformation argentine - et de l’égout du ménémisme qui a détruit toutes les valeurs qui forgent l’honneur d’un peuple et d’une nation, a eu trois effets presque mortels sur le grand peuple argentin et son avenir.

Les traces de la crucifixion

L’annihilation d’une génération de dirigeants nationaux, suivie par une période de retournement de toutes les valeurs pendant le ménémisme, ont laissé l’actuelle jeunesse en situation d’orphelins. Peu nombreux sont ceux qui restent et peuvent transmettre leurs expériences de lutte à ceux qui s’initient maintenant à l’art dangereux du changement progressiste. Le pont générationnel, qui permet le transfert connaissance, la sagesse et l’héroïsme exemplaire vers les générations futures, a été détruit.

Dans cet environnement, une jeunesse créée politiquement in vitro, cherche passionnément créer une vision du monde et un projet de nation, en phase aux conditions du XXIème Siècle et d’une Grande Patrie bolivarienne. Dans cette odyssée pour trouver leur destin personnel et collectif, ils doivent éviter plusieurs obstacles de grande envergure. D’abord, doivent éviter, comme Homère, les chants de sirène de quelques ex chefs survivants de l’holocauste qui se sont transformés en opérateurs ("chefs") des forces politiques partisanes et étatiques, qui dévient le cap de leur bateau libérateur vers le mercantilisme et la vénalité systémique du régime bourgeois. Deuxièmement, ils doivent protéger leur santé mentale des discours d’une couche épaisse d’autistes qui en Argentine fréquemment s’appellent et se dénomment entre eux de façon générique "la gauche".

Le scepticisme, le confusionisme et le subjetivisme de vastes secteurs du carcan académique représentent d’autres pièges sur le chemin vers la conquête juvénile de la raison critique, comme l’est la nécessité de comprendre le potentiel limité de transformation que représentent les forces du pragmatisme et de la realpolitik et les simplifications terribles de la réalité qui sont exprimées dans les dogmes castrateurs de l’analyse rationnelle, qui déclarent "tous les mêmes" - Kirchner c’est la même chose que Menem - ou "qu’ils s’en aillent tous". Finalement, ils doivent faire face aux tabous de penser certains sujets de la théorie d’État, par exemple, la relation avec les militaires, sous peine de tomber sous les sévères peines de l’ostracisme.

En troisième lieu, ils doivent dépasser le message menaçant de l’oligarchie et de son histoire récente qui martèle, presqu’avec force de loi sociale : si durant des périodes d’interregnum démocratique tu t’organises ou tu te transformes en chef d’un mouvement pour changer le système, lors de la prochaine dictature militaire nous allons te le faire payer à toi et ta famille. Les récurrents coups d’État établissent une espèce de "loi de terreur et démocratie" en Argentine qui dit à la société civile, que tous les vingt à vingt-cinq ans il y aura un massacre de ceux qui veulent changer le régime de l’oligarchie durant les périodes de démocratie. Le message paraissant cautionné par les coups militaires de 1930, 1955 et 1976, est mis à jour par l’infiltration omniprésente des services d’intelligence de l’État dans les syndicats, organisations estudiantines et mouvements sociaux démocratiques, avec la préservation et la mise à jour constante des archives de la dictature et l’approbation récente de la "Loi antiterroriste", et qui fait penser à deux fois un jeune s’il doit être compromis dans des mouvements protestation et de changements légitimes.

Les forces de la vie avancent

La résurrection de la théorie et de la politique de transformation profonde de la nation, est inévitablement lente. Mais l’énorme pierre, avec laquelle l’oligarchie, les militaires assassins et le ménémisme ont scellée l’entrée de la tombe du crucifié a commencé à bouger. De jeunes leaders paysans, estudiantins et travailleurs, et quelques survivants de l’holocauste, cherchent depuis leur lieu de vie, le nouveau projet de nation et d’unité stratégique nationale et latino-américaine.

Ils cherchent de manière démocratique, sans discrimination de sexe, âge, ethnie, profession ou métaphysique, avec une nouvelle maturité de débat qui permet des positions différentes. Le drapeau stratégique qu’il les unit chaque fois plus est la Démocratie Participative post capitaliste, comme horizon stratégique, et le Bloc Régional de Pouvoir latino-américain, comme projet de transition.

Cette situation est une réminiscence de quand le gouvernement de Mao Tse Tung lançait la consigne de permettre que "fleurissent cinq cents fleurs". En Argentine, ces fleurs de la nouvelle vie apparaissent de toutes parts dans la géographie nationale et c’est possible que vers la fin de l’année on pourra déjà voir un "tapis de fleurs" qui couvre le pays, c’est-à-dire, une consolidation organisatrice grâce un réseau horizontal démocratique.

Mais, de même, que dans l’histoire de la Chine, les faucilles pour couper les têtes des nouvelles fleurs sont en train d’être aiguisées. Washington a décidé qu’il faut casser le modèle de Kirchner pour empêcher l’intégration bolivarienne de la Grande Patrie et mettre un terme à Hugo Chavez. Dans son plan stratégique pour obtenir une telle fin, le gouvernement de Kirchner a été défini comme le maillon le plus faible dans la chaîne bolivarienne. C’est pourquoi, l’offensive stratégique est dirigée contre le Président argentin.

Offensive finale contre Kirchner

Le gouvernement de Kirchner est enfermé dans une bataille à mort avec les forces les plus puissantes du système international : le capital financier, le capital pétrolier et le Vatican. Et il est impossible, qu’une petite nation comme l’Argentine gagne face à ces trois géants de l’impérialisme mondial sans le soutien d’un Bloc Régional de Pouvoir.

L’offensive contre Kirchner avance, essentiellement, dans le secteur économique et médiatique. Et, comme toujours dans l’histoire latino-américaine, depuis San Martín et Bolivar jusqu’à nos jours, les méchants et les idiots marchent ensemble, afin de mettre à terme les projets d’émancipation de la Grande Patrie.

L’avance de l’offensive stratégique peut être mesurée dans les agressions grossières du capital financier international et ses bourreaux étatiques qui consignent que Kirchner est sur le point d’être mis KO. Il y a une semaine le Fonds Monétaire International (FMI) a envoyé une mission à Buenos Aires qui a effrontément sollicité que l’excédent fiscal de l’État soit augmenté de 3% à 4.5 %. A fin de pouvoir payer davantage la dette externe. Ce n’est pas une mesure de négociation, mais une provocation destinée à augmenter les protestations sociales dans la rue et l’union des créanciers de la dette externe argentine.

D’autre part, le 11 mai, le Département de Trésor des Etats-Unis, a critiqué durement l’échange de bons de la dette argentine, souscrit par 76.15% des créanciers sur un volume de cent milliards de dollars, en exigeant que les 23.85% restant de créanciers reçoivent une indemnisation et que "la loi de verrouillage" argentine qui bloque la réouverture des négociations, soit annulée.

Le 12 mai, le tribunal international de la Banque Mondiale des règlements des conflits d’investissements (CIADI) a jugé une plainte présentée par la multinationale américaine CMS Energy, au terme de quoi le gouvernement argentin doit verser 133 millions de dollars pour ne pas avoir accordé "un traitement juste et équitable" à cette entreprise. D’autres procès contre le gouvernement argentin auprès du CIADI sont en suspens, pour plus de 13 milliards de dollars. Le futur de Kirchner tient à un fil et ce fil c’est la dette externe. Si Washington fait échouer les résultats obtenus jusqu’à présent par la Casa Rosada, à travers l’intervention directe de la Maison Blanche ou à travers la Cour d’Appel de New York, qui a bloqué l’échange de titres, l’économie argentine entrera dans une crise qui tôt ou tard mènera à la substitution politique de Kirchner.

Et ici intervient la deuxième tenaille oligarco-impérialiste : la rupture des relations entre l’Argentine et le Brésil. Les medias du Brésil ont fait caisse de résonance à une fraction chauviniste de la classe industrielle de san paulo, dont le leader visible et vociférant est de l’insupportable pédant et anti bolivarien Ministre d’Industries, Luiz Fernando Furlan, propriétaire de l’entreprise alimentaire "Sadia", qui prétend systématiquement empêcher la ré industrialisation argentine et la construction d’un Bloc de Pouvoir Régional entre égaux. L’avance de l’intégration latino-américaine passe inévitablement par la remise en question de ce sujet qui bloquera, tant qu’il le pourra, la consolidation de l’axe stratégique Brésil-Argentine.

En Argentine, le journal de l’oligarchie, La Nacion, donne avec le conglomérat Clarin, le ton dans la campagne de rupture entre les deux nations. Puisqu’il n’existe aucun journal de qualité en Argentine, comme par exemple, « La Jornada » au Mexique, l’impact des campagnes de Clarin - historiquement lié à l’architecte du coup d’État militaire contre Hugo Chavez, le magnat vénézuélien Gustavo Cisneros et, aussi au capitalisme financier américain - sur l’opinion publique du pays est fore et déstabilisatrice.

Le gouvernement de Kirchner est uniquement sauvable s’il obtient de renégocier avec le Brésil et le Venezuela la dette externe. D’où les demandes de certains mouvements sociaux et les critiques des intellectuels adressés exclusivement au gouvernement national, dans le sens où "K" doit résoudre la dette, le chômage, etc., qui reflètent les limites d’une partie importante de la pensée politique argentine actuelle, qui raisonne hors de la géopolitique et de la science du monde, d’une manière subjective et locale qui ne peut que mener la nation à la catastrophe.

Une politique argentine avec des objectifs de succès sur la question de la dette externe, par exemple, doit essayer de créer un mouvement argentin-brésilien-uruguayen-paraguayen-cubain- vénézuélien, qui convoque les Présidents respectifs à un sommet social- présidentiel, dans lequel il y ait un débat public sur leur disposition pour faire face en tant que groupe à ce problème. Hugo Chavez a déjà dit lors du dernier Forum Social Mondial qu’il faut faire un « Cartel d’Endettés », mais les intellectuels et les leaders des mouvements continuent dans leur approche national-électoraliste qui ne changera rien en Amérique latine.

A travers cette situation, ils n’aident pas les indécisions stratégiques de la politique interne de Kirchner qui fricote, en même temps, avec les masses et avec les éléments de la politique de la droite, sans décider avec qui son sort présidentiel est jeté. Les masses lui font davantage peur que la droite, par ce qu’il ne veut être ni un autre Perón, ni un autre Chavez. Et il paraît qu’à la Casa Rosada on pèche par manque de mémoire quant au dicton populaire argentin, qui dit que "on ne peut pas monter deux chevaux avec un seul cul" et qui, de toutes manières, la droite ne va jamais pardonner qu’’on ait touché à deux de ses institutions les plus sacrées : les Forces Armées, avec son activité dans l’ESMA, et l’Église, avec éviction de l’évêque militaire clérico-fasciste Baseotto.

Le Projet Bolivarien court le danger d’être encore mis en échec, comme c’est arrivé lors de la Première Indépendance. Cette fois, l’explication d’une telle défaite ne doit pas être cherchée dans les conditions objectives, mais dans l’incapacité théorique de comprendre la phase pre-résurrectionnelle de l’Argentine et de l’Amérique latine et de forger, par conséquent, l’unité stratégique nationale et latino-américaine indispensable.

Traduit de l’espagnol pour El Correo para : Estelle et Carlos Debiasi

Rebelión. México, 13 mai 2005

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