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4 octobre 2013

« Militarisation impérialiste : nouveaux masques pour de vieux projets en América Latina »

par Rina Bertaccini *

 

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Exposé présenté au Forum sur « Le complexe académico-militaire étasunien et ses relations avec les forces armées d’Amérique Latine ». Pour la table ronde qui a eu lieu dans le cadre de la 5ème rencontre brésilienne d’étude de défense à Fortaleza 8-10 août 2011

La militarisation en Amérique Latine s’est exprimée historiquement de différentes façons, mais son essence n’a pas changé. Autant dans ses formes neuves que dans les anciennes l’objectif a été et continue à être le même : obtenir la domination et l’exploitation de nos peuples. Et cela est particulièrement vrai dans une période de crise systémique comme celle que nous traversons actuellement alors que plus que jamais, le pouvoir impérial doit faire peser sur les peuples les conséquences de la crise et que du coup les politiques de dominations prennent de contours brutaux. L’actuelle intervention en Lybie –où se viole chaque jour les normes les plus élémentaires du droit international – confirme pleinement cette affirmation.

Mais constater que l’essence de la domination n’a pas changé ne nous dispense pas de la nécessité d’étudier les formes rénovées qu’adopte le projet impérial. Les forces politiques populaires, les mouvements sociaux, les militants de la paix et en particulier les professeurs et étudiants des universités, nous nous devons connaître leurs plans pour les dénoncer et affronter avec succès l’offensive actuelle de militarisation impérialiste de notre continent.

Ceci dit, je voudrais attirer l’attention sur deux documents élaborés dans les dernières années qui guident l’action des forces armées du gouvernement des Etats-Unis. Je me réfère au document « Joint vision 2020 » (vision conjointe 2020) et à un autre intitulé « United States Southern Command Stratégy 2018 » (Stratégie du Commandement Sud des EU pour 2018). A la différence des célèbres Documents de Santa Fe (I à IV) qui furent élaborés pour le Pentagone par un comité d’experts convoqués à cet effet, les deux textes que je vais commenter sont rédigés et signés directement par la réunion des commandements des forces armées étasuniennes pour le premier et par le commandement Sud en ce qui concerne le second.

Domination du spectre complet

Le noyau du document Joint Vision 2020 est la doctrine qui porte le nom de “domination du spectre complet”. Mais avant de nous en référer spécifiquement à ce concept, il convient de mettre en évidence quelques-uns des éléments qui interpellent à la lecture de JV2020. Ce document n’est pas conçu comme un projet à mettre en pratique dans l’avenir mais bien comme un processus d’actualisation permanente de la doctrine militaire des Etats-Unis. Il est centré sur un objectif stratégique définit comme « la nécessité de nous préparer pour un avenir incertain »

Le texte permet, en plus, de découvrir comment le gouvernement nord-américain perçoit lui-même sa propre politique de domination et le prochain développement de celle-ci, quand il dit, par exemple : « Les intérêts globaux et la responsabilité des Etats-Unis persisteront, et il n’y a aucun indice que les menaces envers nos intérêts ou envers ceux de nos alliés vont disparaître. Les concepts stratégiques de force décisive, projection de pouvoir, présence outremer et agilité stratégique continueront à régir nos efforts pour assumer ces responsabilités et affronter les défis du futur. »

Selon JV2020, la domination du spectre complet est “la capacité des forces des Etats-Unis, opérant unilatéralement ou conjointement avec des alliés multinationaux ou des forces-inter-agences, de vaincre, n’importe quel adversaire et contrôler n’importe quelle situation dans toute l’amplitude du spectre des opérations militaires » Et, il énumère ses différentes situations « incluant le maintien d’une attitude de dissuasion stratégique. Incluant l’action sur le théâtre d’opérations et activités de présence. Incluant les conflits impliquant l’emploi de forces stratégiques et armes de destruction massive, guerres de théâtre principal, conflits régionaux et contingences de moindre intensité. Ces situations comprennent également celles ambigües qui oscillent entre paix et guerre, comme par exemple les opérations pour maintenir et ramener la paix, de même que les opérations non-combatives d’aide humanitaire et l’appui aux autorités locales. »

En combinant tout cela, nous sommes avertis de ce que nous pouvons attendre des guerres impérialistes du 21ème siècle : une action globale déployée dans tous les domaines, celui domaine spécifiquement militaire avec son pouvoir létal, mais également sur les plans politique, économique, idéologique et culturel, sans limites de restriction ou encadrement juridique, ou morale d’aucune sorte. Ce n’est pas une simple menace, c’est ce qu’ils sont en train de faire en Lybie, c’est de cette manière qu’ils ont exécuté Bin Laden, au Pakistan, en violant toutes les règles de cohabitation internationale. C’est ce que dénonce l’enquêteur canadien Rick Rozoff concernant l’usage d’avions sans pilote dans des actes de guerre. : « Sans prendre de risques et agissant au-dessus des lois ; les EU globalisent la guerre des drones ; ils le font actuellement en Somalie et l’avaient déjà fait en Afghanistan, en Irak, au Pakistan, au Yémen et plus récemment en Lybie (Rick Rozoff-Global Research 11/O7/2011)

Si jamais quelqu’un doutait de ses intentions, JV2020 indique : “Si nos Forces Armées doivent devenir plus rapides, plus létales et plus précises pour 2020 qu’elles ne le sont aujourd’hui, nous devons continuer à investir et à développer de nouvelles capacités militaires” Pour cela le budget de guerre des EU augmente chaque année et il est l’équivalent du budget militaire du reste des autres pays pris dans leur ensemble.

La guerre, dans les termes que pose le JV2020, requiert pour ’une conduite unifiée : « une direction intégrée qui repose dans l’usage de tous les outils du statisticien pour atteindre nos objectifs nationaux, unilatéralement quand c’est nécessaire, en même temps que de faire un usage optimum des qualifications et des ressources fournies par les forces militaires multinationales et les organisations de volontaire privées quand c’est possible. La participation de la force conjointe à des opérations d’appui aux autorités civiles augmentera également en importance à cause des menaces émergentes sur le territoire des EU, telles que le terrorisme et les armes de destruction massive. »

Le document JV2020 accorde une attention spéciale aux “opérations informationnelles”, qui se définissent comme « celles qui sont entreprises pour affecter l’information et les systèmes d’information, de même qu’à la défense de nos propres informations et systèmes d’information. Ce type d’opérations regroupent depuis la piraterie informatique jusqu’à ce qui dans l’armée des EU est connu sous le nom « Opérations Psychologiques »

Le contexte stratégique

Les Etats-Unis se considèrent eux-mêmes comme un sheriff global. Les deux paragraphes qui suivent ne laissent aucune place au doute :

« Trois aspects du monde de l’année 2020 auront des implications significatives pour les Forces Armées des EU. Premièrement, les États-Unis continueront à avoir des intérêts globaux et seront engagés avec une série d’acteurs régionaux. »

« Notre sécurité et nos intérêts économiques, de même que nos valeurs politiques, donneront l’impulsion à nos engagements avec nos associés au niveau international. La force conjointe 2020 doit être préparée pour gagner dans tout le spectre des opérations militaires dans n’importe quel lieu du monde ; pour opérer avec des forces multinationale ; pour coordonner des opérations militaires ; pour opérer avec des agences gouvernementales et avec des organisations internationales quand c’est nécessaire.

« Précisément, le concept de « domination du spectre complet » implique que les forces des EU soient capables de mener des opérations rapides, soutenues et synchronisées avec des combinaisons de forces sélectionnées à la mesure de chaque situation spécifique et avec la possibilité et la liberté d’intervenir dans tous les domaines : mer, air, terre et information. En plus, du fait du caractère global de nos intérêts et obligations, les Etats-Unis doivent maintenir leurs forces de présence outremer et la capacité de projeter rapidement du pouvoir dans le monde entier dans le but d’obtenir la domination du spectre total. »

Ceci, à quoi souscrivent conjointement les commandants du Pentagone, est exactement ce qu’a décidé la récente assemblée de l’OTAN qui a eu lieu au Portugal en Novembre 2010, quand fut proclamé le rôle global de cette Alliance. Et, bien que cela paraisse oiseux, il est utile de rappeler que les EU sont à la tête de cette alliance agressive créée il y a plus de 60 ans et qui à présent intègre 28 pays, parmi lesquels on compte plusieurs des plus grandes puissances militaires mondiales. (Depuis l’Otan a encore évolué, voir à ce sujet NdT)

Conduite des opérations et interopérabilité

Le document JV2020 développe l’idée que tout ce qui relève de la sécurité deviendra toujours de plus en plus complexe à l’avenir et que du coup, les EU doivent se « préparer pour affronter une large gamme de menaces de différents niveaux d’intensité. Le succès pour contrecarrer ces menaces requerra une habile intégration des compétences centrales des Services dans une force conjointe constituée à la mesure de la situation et des objectifs spécifiques. »

Il met en relief, en plus que « l’interopérabilité est la base des opérations multinationales et inter-agences effectives ». Et ajoute comme élément fondamental « la coordination sui se produit entre les éléments du Département de la Défense et les agences du Gouvernements des EU impliquées, les organisations non-gouvernementales, les organisations de volontaires privées et les organisations régionales et internationales avec le propos de réaliser un objectif » lequel devra se réaliser « malgré la diversité des cultures, des intérêts en confrontation et les différentes priorités d’intérêt des organisations participantes »

Permettez-moi de souligner ce paragraphe, parce qu’il explicite ce que l’empire applique systématiquement sur notre continent. Dans la politique de militarisation agissent non seulement les forces armées des EU proprement dites mais en plus des autres agences gouvernementales et des organisations privées de volontaires qui soi-disant viennent « aider généreusement » la population dans des objectifs de paix et de développement et bénéficient d’énorme subsides financiers pour mener à bien leurs plans.

Dans le second document précisément que j’ai mentionné au début - USSouthcom Strategy 2018 – se concrétisent les concepts de JV2020 en tant qu’objectifs stratégiques du gouvernement des USA pour l’Amérique Latine et les Caraïbe.

La stratégie du commandement Sud 2018

Dans ce document (ECS2018) élaboré en décembre 2008, sous la responsabilité de l’Amiral James Stavridis, se définissent les buts et chemins pour convertir le Commandement Sud des États-Unis en « une organisation conjointe inter-agences leader qui a pour but d’appuyer la sécurité, la stabilité et la prospérité des Amériques »

Le point de départ est l’idée que les Amériques sont inséparablement liées. Malgré la diversité des histoires et des traditions « il existe beaucoup d’éléments communs » qui nous rapprochent. Citant George W. Bush alors qu’il était président, le ECS2018 affirme « L’hémisphère occidental est notre foyer. En vertu des liens géographiques, historiques, culturels, démographiques et économiques, les Etats-Unis sont liés aux associés hémisphériques d’une manière incomparable à aucun autre endroit au monde » (la notion hémisphère occidental est pris ici au sens des 2 Amériques et utilisé de cette manière fait froid dans le dos à tous ceux qui soutiennent la souveraineté du continent Sud. NdT)

En se basant là-dessus, il propose “Nous devons travailler ensemble, comme des associés, pour rendre réelle la “promesse” de prospérité future de notre hémisphère partagé. Notre vision, notre mission et buts, conjugués avec la coopération de nos associés inter-agences et des pays associés nous permettront d’accomplir la ‘promesse’. Ensemble nous devons affronter les problèmes et les défis qui nous menacent, parmi eux la pauvreté et les inégalités, la corruption, le narcotrafic et les autres délits »

Pour accomplir la promesse d’ici à 2018, « notre mission actuelle (est) de mener à bien les opérations militaires et promouvoir la coopération de sécurité pour atteindre les objectifs stratégiques des EU ».

Quoique tout soit dit avec une grande clarté, je me permets d’attirer l’attention sur le texte précédent ; ce qu’ils proposent aux pays de la région est de s’associer pour assurer les intérêts des EU. Sous le terme d’ »Amitié et de coopération pour les Amériques » a commencé la transformation du commandement Sud pour mettre en pratique une stratégie de commandement qui assure au Pentagone la direction générale et la conception des plans d’opérations.

Les intérêts commerciaux des EU dans la région, sont fort bien connus, ainsi que leur besoin de disposer de sources d’énergie, de la biodiversité, de l’eau et des autres ressources naturelles. Par exemple, et selon les données mentionnées dans ce document les EU auront besoin, dans les 2 prochaines décennies de 31 % de pétrole supplémentaire et de 62 % en plus de gaz naturel.

Pour accomplir la promesse d’ici à 2018

Le document reconnait qu’il suit les orientations fixées dans les documents généraux des forces armées, en particulier ceux qui se réfèrent à la Stratégie de Sécurité Nationale et la Stratégie Militaire Nationale (parmi ceux-ci le document cité ci-dessus le JV2020)

Il ajoute ; « les défis de sécurité de notre hémisphère ne sont pas des menaces militaires traditionnelles et pour le moins elles sont internationales et impliquent des acteurs de l’état et extérieur à l’état. Ces menaces, défis et conditions requièrent un point de vue d’association et de collaboration inter-agences. La coordination entre les agences est un composant essentiel de la mission USSOUTHCOM et permet que le commandement accomplisse sa série complète de missions et appuie efficacement à nos associés en Amérique Latine et dans les Caraïbes. »

ECS 2018 établit quatre objectifs pour le commandement SUD :

1. Garantir la sécurité de l’hémisphère occidental et en premier lieu celle des Etats-Unis. Il signale : « Nous garantissons la défense avancées des Etats-Unis en défendant les accès au Sud. Nous devons maintenir notre capacité d’opérer dans et depuis les espaces, eaux internationales, air, et cyberespace communs mondiaux. » Ainsi, ils nous en train de nous dire ue pour défendre leur sécurité, ils ont le droit de déployer leurs troupes sur toute la planète, y compris dans l’espace environnant

2. Promouvoir la stabilité de la région. Pour cela, le commandement Sud « aidera a diriger les campagnes inter-agence pour avancer au-delà des activités traditionnelle de coopération de sécurité, comme les exercices combinés/multinationaux, opérations contre le narcotrafic et les contacts militaires et de défense, (…) appuiera activement les entités non gouvernementales inter-agences et les institutions publiques et privées dans le but d’améliorer la stabilité régionale ; (…) et appuiera énergiquement le Financement Militaire Etranger, pour que nos pays associés puissent acquérir les articles, les services et les entraînements militaires des EU. »

3. Promouvoir les alliances. Ceci « requière un effort combiné qui emploi tous les instruments d’autorité nationale, parmi eux, la diplomatie, l’information, les instruments militaires, économiques, financiers, de renseignement et juridique. Le succès futur dépend de l’emploi de tous les instruments disponibles, parmi eux l’inter agence et la collaboration avec des organisations non-gouvernementales. »

4. Transformer le commando. A travers une culture d’innovation adaptée aux défis et aux opportunités du 21èmesiècle « nous travaillerons pour transformer le USSOUTHCOM d’une organisation militaire traditionnelle en un Commandement Conjoint Inter-Agence de Sécurité pour l’année 2018. »

Dans le déroulement des buts, le document énumère une série d’objectifs dont la lecture est fastidieuse et que nous ne retranscrirons pas ici. Mais il est nécessaire de les connaître parce que chacun d’eux se traduit dans une des actions interventionnistes qui sont en train de se dérouler sur notre continent et qui incluent autant les activités spécifiquement militaires (par exemple l’installation de bases US, ou les opérations militaires conjointes, ou les conventions bilatérales pour l’entraînement des forces de police et militaires des pays de la région) comme d’autres actions déguisées en aide humanitaire, parmi elles celles qui sont connues sous le nom de « Medretes » ou « Nouveaux Horizons », ou le déploiement de troupes US lors de désastres naturels similaires à ceux qui furent réalisées en Haïti immédiatement après le tremblement de terre.

Sans prétendre faire une analyse complète du document, je voudrais toutefois signaler quelques catégories particulièrement inquiétantes qui sont formulée comme propositions de :

  • Etendre l’appui de renseignement, de surveillance et de reconnaissance aux activités qui permettent de réduire le trafic illicite et refuser le refuge aux organisations terroristes dans les zones mal gouvernées.
  • Joint au plan Régional de Guerre au Terrorisme, poursuivre en créant des initiatives de coopération avec les pays amis afin de détruire les connexions du narcotrafic avec les réseaux terroriste et les autres activités qui appuient le terrorisme.
  • Travailler au travers des canaux político-militaires et diplomatiques pour amplifier la liberté de mouvement des Etats-Unis dans tout l’hémisphère occidental (rappel = les 2 Amériques. NdT)
  • « Aider les armées nationales à développer des capacités additionnelles qui garantissent le gouvernement effectif de leurs territoire, spécialement dans les territoires sous-gouvernés ou défaillants ou faibles qui pourraient constituer un refuge pour le terrorisme.

Les expressions sont assez claires et ne nécessitent pas d’avantage de commentaires. Cependant ce que cela entraîne -par exemple, au Mexique où la présence dominante des EU et la militarisation du dit « combat anti-drogue » a déjà fait des milliers de victimes en quelques années– justifie pleinement notre inquiétude.

La transformation du commandement Sud

Je voudrais à présent attirer l’attention sur les paragraphe de ECS2018 qui se réfèrent à la transformation du Commandement Sud lui-même qui de « une organisation militaire traditionnelle », deviendra « un Commandement Conjoint Inter-Agence de Sécurité » avec les objectifs « d’améliorer la coordination des opérations et les activités entre USSOUTHCOM et les autre organisations du gouvernement des USA et impliquer activement les responsables dans les décisions des inter agences associées et intégrer le personnel de ces agences de manière permanente au personnel de USSOUTHCOM

Quelles sont ces institutions et agences gouvernementales et pourquoi, maintenant, non seulement elles coordonnent leurs activités avec les forces armées des USA mais en plus leurs personnels se verront intégrés de manière permanente au Pentagone en l’occurrence à travers le Commandement Sud ?

Le Secrétaire d’Etat Colin Powell nous l’a expliqué dans le plan stratégique combiné du Département d’Etat des USA et l’agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID) quand il a dit : « Nos organisations partagent une noble mission ; créer un monde plus sûr, démocratique et prospère »

Nous devons nous associer par nécessité, affirme pour sa part l’ex secrétaire d’Etat Condoleezza Rice « Dans ce monde il est impossible de tracer des lignes claires et nettes entre nos intérêts de sécurité, nos efforts de développement et nos idéaux démocratiques. La diplomatie étasunienne doit intégrer et promouvoir toutes ces objectifs de manière conjointe » (Secrétaire d’état Condoleezza Rice. Comentarios. Georgetown School or Foreign Service, Georgetown University, Washington DC, 18 janvier 2006)

Un coup d’œil sur l’USAID

Quoique la majorité de ces agences étasunienne ne sont pas neuves, et que beaucoup comme la CIA (Agence Centrale de Renseignement) ou la DEA (Agence de lutte contre la drogue) soit très connues, ce qui est nouveau c’est que dans les dernières années le gouvernement nord-américain a donné priorité notoirement aux activités de certaines d’entre elles, en particulier la USAID et la NED lesquelles ont été dotées de millions de dollar pour financer des projets supposés servir à la promotion du développement et de la démocratie.

En ce qui concerne l’USAID, il existe des travaux récents comme le document Rapport de Paula Aguilar (le rôle de l’USAID en Amérique Latine et dans les Caraïbe disponible ici http://bibliotecavirtual.clacso.org.ar/ar/libros/becas/2008/deuda/aguilar.pdfL)) dans lequel est décrit la problématique « des termes, justifications et arguments qui élaborent, dans le discours officiel des Etats-Unis, la nécessité de transférer des fonds à d’autres pays. L’auteure entend que « l’assistance gouvernementale externe se configure comme une voie directe d’intervention dans la politique interne des pays d’Amérique Latine et des Caraïbe et un des modes privilégiés de soutien de la présence étasunienne (commerciale, militaire et culturelle) sur notre continent.

Le rapport confirme que les lignes de division « entre l’aide bilatérale strictement définies à partir de leur caractère économique ou de développement social et l’assistance militaire sont toujours plus floues. » ; parallèlement elle fait remarquer que les décisions « concernant les zones de financement prioritaires pour l’assistance externe sont prises par le Département d’Etat » quoique le Département de la Défense y joue un rôle significatif, tenant compte de ce que « en termes politiques, l’assistance externe des EU est définie comme un outil fondamental dans les stratégies de sécurité nationales. »

Dans la zone Amérique Latine et Caraïbe, l’USAID, pendant l’année 2006 développa des programmes dans 16 pays : Bolivie, Brésil, Colombie, République Dominicaine, Equateur, El Salvador, Guatemala, Guyane, Haïti, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, et Pérou. Selon les chiffres communiqués par l’agence même – consignés dans le rapport de Paula Aguilar – dans la période allant de 2000 à 2OO6, le financement total de USAID dans la région, incluant l’action dans 16 pays, plus 4 autres programmes à caractère régional, atteint la somme de 5.964.292 dollars. Les informations disponibles permettent d’affirmer que les chiffres en question ont augmenté quoique à présent, la USAID ne se trouve plus que dans 15 pays puisque le gouvernement d’Evo Morales a mis fin à ses activités interventionnistes en Bolivie.

Les raisons qui amenèrent le gouvernement bolivien à une telle décision sont longuement expliquées dans le libre de Stelle Calloni “Evo en la mira” dans lequel figure une documentation concernant l’existence d’actions de conspiration « chapeautées par le Département d’Etat et implantés par l’USAID et le NED, tous deux considérés comme étant le « visage social » de la CIA, qui en plus agissent à travers les diverses ramifications d’un réseau d’ONG. L’auteure se réfère aussi a ce que « en août 2OO8, le ministre de la Présidence, Juan Ramon Quintera révéla le détournement des fonds millionnaires de l’Etasunienne USAID pour patronner des groupes d’opposition au gouvernement, pour cela ils furent sommés de se conformer aux politiques de l’état ou de quitter le pays. Après ces faits, 89 millions –des 134 millions de dollars provenant de la coopération des EU - subsidièrent des secteurs d’opposition au gouvernement de Morales »

L’alliance UIF-Commandement SUD « culture stratégique »

En novembre 2010, une lettre de l’anthropologue nord-américaine Adrienne Pine nous avertit « au sujet d’un nouveau dangereux usage qui était fait de l’Université à ce moment, et en particulier de l’anthropologie avec l’objectif de légitimer l’occupation militaire nord-américaine dans les pays latino-américains, la lettre faisait référence à une association entre le Commandement Sud des Etas–Unis et l’université Internationale de la Floride (UIF) (voir « Culture Stratégique : le Commandement Sud et la militarisation des universités »)

Alertée par l’ex-Ministre de la Culture du Honduras Rodolfo Pastor Fasquelle, Pine entama une enquête. Ainsi elle découvrit que cette alliance – jusque-là peu connue – s’exprimait dans un programme d’études mené par l’Université de Floride, financée par le Commandement Sud, avec pour propos de mener à bien des ateliers et écrire des rapports sur chaque pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Le programme définit la « Culture Stratégique » comme la combinaison d’expériences et facteurs internes et externes – géographiques, historiques, culturels, économiques, politiques et militaires – qui forment et influencent la manière dont un pays conçoit sa relation avec le reste du monde, et la manière dont une état va se comporter au sein de la communauté internationale. Cependant, si on examine les documents produits par l’Alliance UIF-Commandement Sud il est évident qu’une définition plus précise de la « Culture Stratégique » serait : propagande stratégique pour la création d’une politique hégémonique favorable aux intérêts militaires et économiques étasuniens.

A la fin de chaque atelier, l’UIF publie un rapport de conclusions, qui sera présenté au Commandement Sud. En révisant les noms des participants et les rapports respectifs de chacun des ateliers elle put voir que la qualité des conclusions laissait beaucoup à désirer, entre autre chose parce que, parmi les invités, les pays impliqués avaient invité un minimum d’universitaires et d’intellectuels connus, favorisant par contre la participation des directeurs d’entreprises, des généraux en exercice, des experts ayant des affinités avec l’empire et des politiciens d’extrême-droite. Du coup les conclusions résumées dans les rapports, parfois banales ou terriblement simplistes, obéissaient aux objectifs du Commandement Sud, ce qui veut dire qu’ils créaient « une narration pour légitimer l’intervention militaire, la capacitation et l’aide des EU. »

Le programme que nous sommes en train de dénoncer représente un véritable danger pour les peuples de la région impliquant une tentative de destruction de la culture nationale de chacun des pays pour la remplacer par une culture de la domination, tâche infâme dans laquelle on prétendait compromettre les universités et coopter les intellectuels. Pour cela, il est très important que le congrès annuel de l’Association Américaine des Anthropologue (AAA), qui s’est tenu en novembre 2010 à la Nouvelle-Orléans ait condamné ce projet. Pour notre part, nous considérons qu’il est indispensable d’étendre largement la dénonciation de ses objectifs et de promouvoir son rejet par les étudiants et diplômés des Universités, de tous nos pays. Pour contribuer au débat nécessaire vous pouvez consulter l’essai d’Adrienne Pine « Confronter la culture stratégique du commandement Sud »

La recherche d’alternatives à la militarisation impérialiste

Aujourd’hui en Amérique Latine, des peuples divers et des pays différents, des gouvernements de différentes tendances, dans un processus remplis de contradictions, avec des avancées et des reculs, cherchent avec acharnement des chemins d’autonomie. Ils découvrent que oui, ’ils peuvent affronter l’oppression et que l’intégration régionale avec la souveraineté est un outils efficace pour fortifier la lutte contre la militarisation impérialiste. Par ce chemin s’affirme les tendances à l’unité latino-américaine et Caraïbe.

On peut voir les expériences de Unasur, de l’ALBA, de la CELAC en formation, l’action solidaire, les forums internationaux, la dénonciation du rôle des bases militaires étrangères dans la stratégie impérialiste de domination et en particulier les efforts pour élaborer et mettre en pratique des conceptions propres concernant la sécurité et la défense nationale qui objectivement remettent en question la doctrine militaire nord-américaine. Tout cela correspond avec les intérêts et les légitimes aspirations des peuples de la région.

C’est précisément pour contrecarrer cette forte impulsion rénovatrice qui parcourt notre Amérique que se sont adaptés et mis à exécution les plans actuels du pouvoir impérialiste _ dans lesquels le complexe militaro-industriel des Etats-Unis a une grande incidence – pour recoloniser le continent. Ainsi au milieu d’une crise générale de grande ampleur, luttant de manière sanglante pour défendre chacun de ses privilèges, et avec la complicité des droites conservatrices, il a lancé une brutale offensive idéologique, politique, économique, militaire et culturelle ; un projet de restauration conservatrice en Amérique latine qui s’est initié sous le gouvernement de George W. Bush, mais qui à pris une grande ampleur pendant la présidence de Barack Obama. La nouvelle administration a augmenté les dépenses de guerre jusqu’à dévorer la moitié du budget annuel, et jointe au pays de l’OTAN – à présent devenu OTAN global – elle poursuit déployant leur flotte de guerre ainsi que leurs bases et leurs installations militaires par toutes les mers et sur les 5 continents.

Dans ce contexte, se prennent des initiatives singulières en matière de défense nationale comme celles qui se déploient depuis l’Union des Nations Sud-Américaine, en particulier la création en décembre 2008, du Conseil de Défense Sud-Américaine (CDS) qui est constitué des ministres de la défense des 12 pays d’Unasur (Argentine, Brésil, Bolivie, Colombie, Chili, Equateur, Guyane, Surinam, Paraguay, Pérou, Uruguay et Venezuela) avec l’objectif déclaré de « renforcer la confiance mutuelle grâce à l’intégration, au dialogue et à la coopération en matière de défense cherchant à avancer dans la construction d’une politique de défense commune pour le Continent »

Le CDS ne suppose pas une Alliance militaire conventionnelle (du style d l’OTAN) mais un forum pour promouvoir le dialogue et établir un mécanisme d’intégration qui permettent de discuter des réalités et nécessités de Défense des 12 pays impliqués et des moyens de préserver leurs réserves d’eau, leurs ressources énergétiques, alimentaires et les autres bien naturels abondant dans la région.

Pour faire un pas de plus dans le déroulement de tels objectifs, en mai 2011,, fut inauguré à Buenos Aires le Centre d’Etudes stratégiques pour la Défense (CEED) qui fonctionne sous la direction et au service du CDS – et dont l’objectif premier la genèse et la diffusion d’une pensée géostratégique authentiquement Sud-Américaine, qui contribue à la construction d’une identité sud-américaine et à la consolidation de la région comme une Zone de Paix

Lors de la Conférence inaugurale de la CEED nous pûmes prendre connaissance de quelques initiatives très intéressantes qui se sont discutées pendant les réunions du Conseil de Défense Sud-Américain. Par exemple, au début du mois de mai passé, le CDS a approuvé à Lima la motion de l’Argentine de requérir des Ministres des Affaires Etrangères des pays de la Unasur qu’ils sollicitent l’ OEA afin qu’elle convoque une conférence spéciale pour traiter de la révision de tout ce qui constitue le système interaméricain de défense. Ceci inclura le néfaste Traité Interaméricain d’assistance réciproque (TIAR) ; permettra de redéfinir les attributions du Comité Interaméricain de Défense et de questionner le rôle des conférences des Ministres de Défense des Amérique né en 1995 comme partie de la stratégie usaméricaine pour imposer l’ALCA (zone de libre-échange des Amérique NdT) sur tout le continent. Nous parlons ici d’un ensemble d’instruments conçus à la mesure des projets impériaux de domination qui s’opposent ouvertement aux objectifs des actuels processus d’intégration régionale et aux tendances ascendantes de l’unité latino-américaines et des Caraïbes.

Le gouvernement Argentin a proposé aussi de promouvoir l’établissement d’un Collège Sud-Américain de Défense. De concrétiser l’idée qu’il n’y a plus de raison pour que les pays de la région continuent à envoyer leurs effectifs dans la tristement célèbre « Ecole des Amériques », école d’assassins à laquelle quelque pays déjà ont cessé de concourir.

Pour ce qui a été exprimé jusqu’ici il est raisonnable de conclure qu’a été inaugurée en Amérique Latine et dans les Caraïbes une nouvelle perspective de lutte contre la stratégie impériale de guerre et de militarisation. Nous ne sommes pas en train de dire que toutes les aspiration du mouvement populaire anti-guerre ont trouvé une solution, mais qu’il existe des conditions plus favorables pour continuer notre lutte en défense des droits et de la souveraineté de nos peuples, pour l’élimination des bases militaires étrangères, contre les plans de l’OTAN et la réactivation de la 4ème flotte de guerre nord-américaine dans nos mers et nos rivières.

La base militaire de l’OTAN au Malouines

Dans de telles conditions et en tenant compte que déjà la Unasur se prononce en solidarité avec la république Argentine dans la revendication de sa souveraineté et pour la décolonisation de l’Archipel des Malouines, de Georgias du Sud et de Sandwich du Sud usurpés par la Couronne Britannique dans l’Atlantique Sud, les Argentins, nous voyons avec espoir la possibilité que la Unasur avance dans ces revendications. Nous savons que certains gouvernements proposent que l’Amérique du Sud élabore un véritable plan politique et diplomatique à ce sujet.

Ce n’est pas uniquement une question de solidarité avec l’Argentine. Comme nous venons de le dénoncer dans tous les forums auxquels nous avons eu l’opportunité de participer, c’est un problème de sécurité commun pour les pays de la région, vu que en 1985, après la Guerre des Malouines, la Grande-Bretagne avec l’appui des Etats-Unis a installé dans ces archipels une forteresse militaire avec des capacités nucléaires qui constitue un danger réel pour tous les peuples de la région. Cette forteresse, située sur le Mount Pleasant, Ile Soledad, qui compte un grand aéroport – avec une piste d’atterrissage de 2600 mètres –une installation navale où s’amarrent des sous-marins atomiques, est actuellement un point singulier de l’extension du réseau des bases militaires étrangère par lesquelles l’OTAN projette son pouvoir global.

Nous n’avons aucun doute de ce que les gouvernements de l’Alba nous appuierons ainsi que les pays latino-américain qui intègrent le comité de décolonisation des Nations Unies, comme nous espérons que le fera la CELAC, le nouveau regroupement en voie d’institutionnalisation qui émerge du processus politique regional à travers la progressive perte de prestige de l’Organisation des Etats Américains (OEA) et la persistante érosion de l’hégémonie nord-américaine dans la région de celle dont nous parle le sociologue Atilio Boron.

La lutte contre la militarisation et la guerre ne s’arrête pas.

Comme il a été dit, à parler de ces nouvelles possibilités pour conquérir la paix, nous n’espérons pas que la situation évolue par elle-même, tout au contraire. C’est le moment d’aller de l’avant. Parce que l’impérialisme n’abandonnera pas sa stratégie. La politique de guerre et de pillage de nos peuples est inhérente à sa propre nature.

Nous avons devant nous une grande bataille contre la militarisation impérialiste et pour cela nous unissons nos volontés er nos énergies pour obtenir la plus large mobilisation populaire dans le cadre de la Campagne Continentale « Amérique Latine et Caraïbe, région de paix ! Dehors les bases militaires étrangères ! »

Nous toutes et tous, depuis la pluralité de nos identités et de nos luttes, nous aspirons à faire partie active de ce processus de changement qui au milieu de contradictions, avance, recule alors que de nouveaux dangers continue à se développer sur ce continent de l’espoir.

Buenos Aires, Argentine, 4 août 2011

Traduction de l’espagnol pour « Les états d’Anne » de : Anne Wolff

El Correo. Paris, le 4 septembre 2013.

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* Rina Bertaccini, ingénieure géographe, professeur, présidente de Mouvement pour la Paix, la Souveraineté et la Solidarité entre les Peuples (Mopassol) d’Argentine ; vice-présidente du Conseil Mondial de la Paix.

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