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22 septembre 2004

Mener le FMI devant la Cour Internationale de Justice de La Haye

 

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Un organisme financier international peut-il intervenir dans la politique économique des pays auxquels il accorde des prêts ? S’il le faisait en exerçant des pressions ou ayant des exigences sur le pays touché, quelles instances existent pour déterminer si cette intervention est ou non conforme au droit ? Une instance juridique internationale devrait le déterminer, puisque l’attitude du FMI contredit la charte de l’ONU.

Par Alfredo Eric Calcagno * et Eric Calcagno **
Le Monde Diplomatique. El Diplo, septembre 2004.

Les deux questions précédentes ne sont pas abstraites. Elles résultent de l’action du Fonds Monétaire International (le FMI), qui impose aux pays des orientations générales et des mesures spécifiques de politique économique. D’un point de vue juridique, à première vue, il semble clair qu’en le faisant, il outrepasse le cadre de ses fonctions. Le FMI est un organisme des Nations Unies, dont la charte de création établit que "Aucune disposition de cette charte n’autorisera les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la juridiction interne des États, ni ne l’obligera" (art. 2 inc. 7).

Pour les pays, le problème est que dans les mécanismes des Nations Unies, il n’existe aucun organisme spécifique pour faire respecter ce principe.

L’Assemblée des Gouverneurs du FMI ne pourrait pas être juge et partie, puisque ce qui serait contesté, serait sa propre action. Il ne s’agit pas de rejeter les mesures qu’adopte le FMI en accord avec sa logique de fonctionnement, mais de remettre en cause cette logique de fonctionnement.

Les autorités du FMI agissent dans la défense d’un schéma économique basé sur certains principes et partent du postulat que les pays doivent l’observer. Le bien qu’ils essayent de préserver est le modèle économique qui, dans ses grandes lignes, ressort du Consensus de Washington.

Sans entrer dans une discussion sur le postulat économique du FMI, il existe un autre bien supérieur du point de vue de la Communauté internationale, qui est la souveraineté nationale. Un pays ne peut pas être obligé d’exécuter une politique économique contre sa volonté souveraine. On peut faire valoir que chaque pays est maitre de ne pas accepter les prêts du FMI ; mais cela va contre le droit naturel que le prêteur impose des conditions abusives (par exemple, obliger celui qui est endetté à faire ou ne pas faire certains actes, ou à payer des taxes usuraires) ; pire encore, quand le prêteur qui fixe des conditions aberrantes est un organisme des Nations Unies, créé pour alléger les crises financières de court terme.

Ces critères conditionnels dépassent les prêts spécifiques et se projettent sur toute la politique économique nationale ; par exemple en Argentine, les ajustements fiscaux successifs et l’obligation d’abolir la loi de subversion économique, de réformer la loi sur les faillites et le fait de dicter une loi d’assouplissement du travail. Certaines de ces interventions ont été détaillées dans divers documents du FMI [1] et du Ministère l’Économie et de la Production [2].

Définir les attributions

En synthèse : Le critère économique -qui oblige les pays à appliquer un modèle uniforme de développement favorable aux intérêts financiers et rentiers des groupes à forts revenus recettes et des créanciers externes- doit-il régner ? Ou, au contraire, est ce le principe politique de la souveraineté nationale qui doit dominer ? Qui peut résoudre la question ? La solution est à l’intérieur même de la charte des Nations Unies, qui dispose que "l’Assemblée Générale ou le Conseil de la Sécurité pourront demander à la Cour Internationale de Justice d’émettre un avis consultatif sur toute question juridique" (art. 96, inc. l). Ce qui signifie alors qu’on soumette le problème à la Cour Internationale de Justice, qui peut guider la conduite des pays, et dont l’avis est obligatoire pour les organismes qui dépendent des Nations Unies, dont le FMI [3].

Par conséquent, le gouvernement argentin - seul ou accompagné par d’autres pays, le Brésil par exemple - devrait demander à l’Assemblée Générale des Nations Unies de demander à la Cour Internationale de Justice un "avis consultatif" pour savoir si le FMI a des attributions pour imposer des critères soumis à condition relatifs à la politique économique interne des pays (par exemple, privatisations, flexibilité du travail ou fixation des tarifs de services publics).
En aucune façon, il s’agit d’un postulat agressif, mais de demander à la plus haute instance judiciaire internationale quelles sont les normes juridiques et les principes généraux du droit applicables quand le FMI demande des mesures qui sont des attributions exclusives de l’État souverain. On respectera ainsi le droit et peut-être, engager le FMI vers l’accomplissement des fonctions pour lesquelles il a été créé.

L’Argentine a été menée vers des tribunaux par des caprices d’entreprises à profits, comme c’est le cas pour le jugement établi par le Centre International de règlements des Différends Relatifs aux Investissements (CIRDI, filiale de la Banque Mondiale), où l’intérêt national est défendu de manière brillante et effective ; de sorte qu’il n’existe pas de raisons pour lesquelles l’Argentine ne peut pas demander à la Cour Internationale de Justice de La Haye qu’elle définisse avec clarté quelles sont les véritables attributions que le système juridique international accorde au FMI.

* Ex fonctionnaire de l’ONU en ECLA et la CNUCED, Auteur de l’ « Univers Néo-libéral »(en collaboration) et la « Dette perverse ».

** diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration (France)

© LMD Ed. Cône Sud

Traduction pour El Correo : Estelle et Carlos Debiasi

Notes :

Notes

[1Parmi les documents du FMI, est révélateur celui élaboré par le Bureau Indépendant d’Évaluation du FMI, qui admet qu’aux moments précédant la chute du gouvernement du président de la Rúa, le personnel du FMI travaillait dans le détail les principaux éléments d’un programme économique, au rang desquelles une modification du régime des changes (dollariser ou laisser flotter), des réformes structurelles pour soutenir l’ajustement fiscal et, en cas de dollarisation, la fourniture de liquidité au système bancaire ; on avait déjà rédigé des mesures spécifiques pour chaque sujet. (IMF Independent Evaluation Office, Report on the evaluation of the role of the IMF in l’Argentine, 1991-2001, Washington ; juin 2004, pp 95 et 96.)

[2Ministère l’Économie et de la Production, « le Fonds Monétaire international et la crise de la dette », Buenos Aires, 2004.

[3Cette procédure a été proposée pour un autre sujet - l’évaluation de l’usure dans la dette externe par l’Ambassadeur Miguel Angel Espeche en avril 1989 lors du Congrès de l’Institut Hispano-Luso-Americano de Droit International (Saint-Domingue, avril 1989) ; par des résolutions des Correas de Députés du Brésil (août 1985), de l’Argentine (octobre 1996) et de l’Italie (mai 1998) par les Facultés de Droit d’Argentine (juillet 2002)

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