recherche

Accueil > Notre Amérique > Les scenarii post FARC.

13 juillet 2008

Les scenarii post FARC.

par Raúl Zibechi *

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Au cours du premier semestre de 2008 s’est produit un fort virage politique, qui permet à la droite, locale et globale, et aux multinationales, récupérer des positions et de reprendre l’offensive. Le virage ne se limite pas à la Colombie, bien qu’il ait là son plus grand épicentre, mais il s’étend à des pays comme l’Argentine, la Bolivie et le Pérou, et essentiellement affecte toute la région.

En Colombie, si une fois il y a eu un équilibre stratégique entre les FARC et les forces armées, ces derniers mois il s’est brisé en faveur de l’État. Le groupe de guerilleros a perdu toute possibilité de négocier un accord humanitaire dans des conditions favorables, il ne peut maintenir ses offensives militaires ni politiques, souffre d’un discrédit aiguë parmi la population et il ne dispose pas d’ alliés significatifs dans la région et dans le monde. Cependant, le plus probable consiste en ce que les FARC continuent, avec une capacité réduite d’initiative et avec une fragmentation probable entre ses dirigeants et les fronts, comme le suggère le dénouement de la libération des derniers 15 otages.

La stratégie dessinée par le Commando Sud et le Pentagone, et modelée dans le « Plan Colombie II », ne prévoit ni l’échec définitif ni la négociation avec le groupe de guerilleros. Éliminer les FARC de la scène serait la pire des affaires pour la stratégie impériale de la déstabilisation et de la recolonisation de la région andine, que Fidel Castro a défini comme « Paix romaine ». Ce projet ne peut pas se réaliser sans une guerre, directe ou indirecte, ou bien sans la déstabilisation permanente comme forme de reconfiguration territoriale et politique de la région stratégique qui inclut l’arc qui va du Venezuela à la Bolivie et jusqu’au Paraguay, en passant par la Colombie, l’Équateur et le Pérou.

D’un côté, on essaie de déblayer la région andine pour faciliter le négoce multinational actuel (l’industrie minière à ciel ouvert, hydrocarbures, biodiversité, monocultures pour agrocombustibles) qui suppose l’appropriation des biens communs et le déplacement des populations qui survivent encore dans ces espaces. Nous ne sommes pas devant un capitalisme, disons, « normal », celui qui a été capable à son époque d’établir des alliances et des pactes qui ont donné une vie à l’État bienfaisant, à coups de triple alliance entre l’État, les entrepreneurs nationaux et les syndicats. Il s’agit d’un modèle financier - spéculatif et d’une accumulation par la dépossession, qui substitue aux négociations les guerres et à l’obtention d’une plus-value l’appropriation de la nature. Soit, un capitalisme de guerre pour des temps de décadence impériale.

Ce système assume la forme du capitalisme criminel ou mafieux dans des pays comme la Colombie, parce qu’il n’est pas seulement lié à la guerre et au vol, si ce n’est que cela forme son noyau central, sa manière principale d’accumulation.

Cela explique l’alliance étroite entre des entreprises privées de guerre, qui comptent dans ce pays avec 2 ou 3000 mercenaires surnommés maintenant « contratistas », avec l’État paramilitaire comme celui d’Alvaro Uribe, assis sur l’alliance avec des paramilitaires et des narcotrafiquants. En Colombie, à cet ordre de choses trois forces ont fait face : la guerilla, la gauche du Pôle Démocratique et les mouvements sociaux.

La première croit qu’elle peut vaincre avec les armes ou négocier avec ce nouveau pouvoir. Le Pôle mésestime le papier de Washington et des multinationales, comme les dessinateurs et les usufruitiers de l’État paramilitaire mafieux, et surestime par conséquent les marges démocratiques. Les mouvements ont pour leur part de grandes difficultés à surpasser l’échelle locale et sectorielle et ils ne sont pas en conditions, pour l’instant, de s’ériger en acteurs alternatifs.

Le Plan Colombie II a été le responsable du dessin de cet État militariste et en ce moment il cherche à le garantir. Maintenant que les FARC ne représentent plus un grand risque pour ce projet, l’objectif à long terme apparaît avec clarté. Loin d’ouvrir des espaces pour la négociation, comme le désire la gauche, le message des derniers mois indique un seul chemin : ni la paix ni la reddition garantit la vie aux guérilleros. Ou ils combattent et résistent ou l’extermination les attend, comme c’est arrivé à la fin de la décennie de 1980. Il s’agit de frapper ses noyaux territoriaux pour les déplacer vers les zones frontalières avec la Venezuela et l’Équateur, où le Plan Colombie II aspire à les transformer en instrument de la déstabilisation régionale.

C’est pourquoi le Venezuela et Hugo Chávez ont adopté coome stratégie de réduire la tension avec le gouvernement d’Uribe. Il ne s’agit pas d’une question idéologique, comme cherchent à dire quelques analystes. Ce débat vaut pour le café du commerce ou les bureaux académiques, mais il a une utilité limitée quand il s’agit de survie de projets de changement social. Si le projet impérial est consolidé, toute la région souffrira avec la polarisation, de là l’urgence pour démonter les conflits, en Colombie et en Argentine et en Bolivie.

Un triomphe éventuel de Barack Obama ne modifiera pas non plus les choses. Il peut tempérer les traits les plus autoritaires de l’uribisme, ce qui explique la nervosité du gouvernement de Bogotá et son alliance empressée avec le candidat républicain. Ce qui est certain , c’est que les plans du Commando Sud ne dépendent pas du locataire de la Maison Blanche, et ceux ci visent à provoquer une action intégrale dans la région qui la transforme en zone stable et en un rempart inexpugnable pour maintenir l’hégémonie étasunienne à une échelle globale. En somme, les élites impériales aspirent à utiliser la force des armes pour inverser sa décadence, ce qui passe par la recolonisation de l’Amérique Latine. Dans une période comme aujourd’hui, seules la mobilisation populaire et les voies politiques peuvent contribuer à affaiblir l’offensive qui vient du Nord.

Traduit de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi

Alai Amlatina. Montevideo, le 11 juillet 2008.-

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site