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2 de octubre de 2012

Les USA, le Venezuela et le Paraguay

 

La politique extérieure usaméricaine en Amérique du Sud a subi les conséquences totalement inattendues de la précipitation des néo-putschistes paraguayens à s’accaparer du pouvoir, avec une voracité telle qu’ils n’auront pas su attendre la date des prochaines élections, à réaliser en avril 2013, et se voit maintenant contrainte de mettre en action tous ses relais locaux pour essayer de bloquer la décision d’intégrer le Venezuela dans le Mercosur. La question du Paraguay renvoie à la question du Venezuela, et à celle de la lutte d’influence économique et politique en Amérique du Sud.

1. On ne saurait comprendre les péripéties de la politique sud-américaine si l’on ne prend pas en compte la politique des USA en Amérique du Sud. Ceux-ci demeurent le principal acteur politique en Amérique du Sud et c’est donc par l’analyse de ses objectifs qu’il nous faut débuter.

2. En Amérique du Sud, l’objectif stratégique majeur des USA, qui restent malgré leur affaiblissement la plus grande puissance politique, militaire, économique et culturelle mondiale, consiste à intégrer tous les pays de la région dans leur sphère économique. Cette intégration économique implique, obligatoirement, un alignement politique des pays les plus faibles sur les positions US lors des négociations et crises internationales.

3. La tactique usaméricaine employée pour atteindre cet objectif réside dans la promotion de l’adoption dans la législation des pays d’Amérique du Sud, de normes de libéralisation la plus large du commerce, des finances et investissements, des services ainsi qu’en matière de “protection” de la propriété intellectuelle par le biais de la négociation d’accords au niveau régional et bilatéral.

4. Voilà qui constitue un objectif stratégique historique permanent. Une de ses premières manifestations a eu lieu en 1889 lors de la 1ère Conférence Internationale Américaine, qui s’est tenue à Washington, lorsque les USA, à l’époque déjà première puissance industrielle du monde, ont proposé la négociation d’un accord de libre-échange pour les Amériques et l’adoption, par tous les pays de la région, d’une monnaie unique, le dollar.

5. D’autres illustrations de cette stratégie ont été l’accord de libre échange USA-Canada ; le NAFTA (North American Free Trade Agreement, zone de libre échange nord-américaine incluant, en plus du Canada, le Mexique) ; la proposition de création d’une zone de libre échange pour les Amériques – ALCA et, pour finir, les accords bilatéraux conclus avec le Chili, le Pérou, la Colombie ainsi qu’avec des pays de l’Amérique Centrale.

6. Dans ce contexte hémisphérique, le principal objectif usaméricain consiste à incorporer le Brésil et l’Argentine, qui sont les deux principales économies industrielles de l’Amérique du Sud, à ce grand “ensemble” de zones de libre échange bilatérales, où les règles relatives au mouvement de capitaux, aux investissements étrangers, aux services, aux achats gouvernementaux, à la propriété intellectuelle, à la protection commerciale, aux relations entre investisseurs étrangers et États seraient non seulement identiques mais surtout donneraient une totale liberté d’action aux grands groupes multinationaux, réduisant à leur plus simple expression la capacité des États nationaux à promouvoir le développement, quand bien même capitaliste, de leurs sociétés comme de protéger et de développer leurs entreprises (et leurs capitaux nationaux) ainsi que leur force de travail.

7. L’existence du Mercosur, dont un des principes fondateurs consiste à accorder un accès préférentiel à leur marché intérieur aux entreprises (nationales ou étrangères) installées dans les territoires de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay par rapport aux entreprises situées en dehors de ce périmètre, et qui a pour ambition de s’élargir afin d’essayer de construire une zone économique commune, est incompatible avec l’objectif usaméricain de libéralisation générale du commerce des biens, des services, des capitaux, etc., qui profite à ses multinationales, naturellement bien plus puissantes que les entreprises sud-américaines.

8. D’autre part, assurer l’approvisionnement énergétique de leur économie représente un objectif (politique et économique) vital pour les USA, qui importent 11 millions de barils de pétrole par jour dont 20 % en provenance du golfe Arabo-Persique – zone d’extraordinaire instabilité, de turbulences et de conflit.

9. Les entreprises usaméricaines se sont chargées du développement du secteur pétrolier au Venezuela à partir des années 1920. D’un côté le Venezuela approvisionnait traditionnellement les USA en pétrole, de l’autre, il importait des équipements pour l’industrie pétrolière et les biens de consommation pour sa population, aliments compris.

10. Avec l’élection de Hugo Chávez en 1998, son choix de réorienter la politique extérieure (économique et politique) du Venezuela vers l’Amérique du Sud (principalement mais pas exclusivement en direction du Brésil) ainsi que de bâtir des infrastructures et de diversifier l’économie agricole et industrielle du pays ont rompu le cycle de profonde dépendance du Venezuela vis-à-vis des USA.

11. Cette décision vénézuélienne, qui se heurte frontalement à l’objectif stratégique de la politique extérieure usaméricaine visant à garantir son accès à des sources d’énergie proches et sûres, a pris d’autant plus d’importance dès lors que le Venezuela est devenu le pays disposant des plus importantes réserves de pétrole au monde à un moment où la situation au Proche-Orient est devenue de plus en plus aléatoire.

12. Depuis lors, une campagne mondiale et régionale de l’oligarchie médiatique s’est déclenchée contre le président Chávez et le Venezuela, s’évertuant à le diaboliser et à le présenter sous les traits d’un dictateur, autoritaire, ennemi de la liberté de la presse, populiste, démagogue, etc… Le Venezuela ne serait pas, selon ce discours médiatique, une démocratie et ces grands médias ont élaboré à cet effet une “théorie” selon laquelle, un président, bien qu’élu démocratiquement, en ne “gouvernant pas démocratiquement” deviendrait un dictateur qu’il serait légitime de renverser. Cette manœuvre a d’ailleurs déjà eu lieu lors du coup d’État au Venezuela en 2002 et les premiers dirigeants à avoir reconnu le “gouvernement” surgi de ce putsch ont été George Walker Bush et José María Aznar.

13. Au fur et à mesure que le Président Chávez a commencé à diversifier ses exportations de pétrole, notamment vers la Chine, s’est substitué à la Russie dans l’approvisionnement énergétique de Cuba et s’est porté au soutien de gouvernements progressistes démocratiquement élus tels que ceux de la Bolivie et de l’Équateur, engagés dans un affrontement avec les oligarchies de la richesse et du pouvoir, les attaques ont redoublé, orchestrées par l’oligarchie médiatique de la région (et du monde entier).

14. Cela bien qu’il n’existe aucun doute sur la légitimité démocratique du Président Chávez, qui depuis 1998, a pris part à douze scrutins, tous considérés comme libres et légitimes par les observateurs internationaux, notamment par le Centre Carter, l’ONU et l’OEA.

15. En 2001, le Venezuela a, pour la première fois, présenté sa candidature au Mercosur. En 2006, au terme des négociations techniques, le protocole d’adhésion du Venezuela a été paraphé par les Présidents Chávez, Lula, Kirchner, Tabaré et Nicanor Duarte du Paraguay – membre du Parti Colorado. C’est alors qu’a débuté le processus de ratification de l’entrée du Venezuela par les parlements des quatre pays, face à une intense campagne de la presse conservatrice, soudain préoccupée par l’“avenir” du Mercosur où l’influence de Chávez serait, selon ses dires, susceptible de “nuire” aux négociations internationales du bloc, etc. Cette même presse qui, jusque là, avait l’habitude de critiquer le Mercosur, soutenant la signature d’accords de libre échange avec les USA, l’Union Européenne, etc… si possible même de manière bilatérale et qui allait jusqu’à considérer l’existence du Mercosur comme un obstacle à la pleine intégration des pays du bloc dans l’économie mondiale, cette presse commença dès lors à se préoccuper de la “survie” de ce même bloc.

16. Ratifiée par les parlements de l’Argentine, du Brésil et de l’Uruguay, l’entrée du Venezuela ne dépendait plus que de l’approbation du Sénat paraguayen, dominé par les partis conservateurs représentants des oligarchies rurales et du “commerce informel”, qui exerça alors son droit de veto, dans le prolongement de leur opposition permanente au Président Fernando Lugo, contre lequel ils ont intenté 23 procédures de destitution depuis sa prise de fonctions en 2008.

17. L’entrée du Venezuela dans le Mercosur induirait quatre conséquences majeures :

- compliquer la possible “déposition” du Président Chavez par le biais d’un coup d’État ;
- empêcher l’éventuelle réincorporation du Venezuela et de son énorme potentiel économique et énergétique à l’économie usaméricaine ;
- renforcer le Mercosur et son attractivité en vue de l’adhésion des autres pays de l’Amérique du Sud ;
- rendre plus difficile le projet permanent des USA d’instauration d’une zone de libre échange en Amérique Latine, notamment par l’éventuelle “fusion” des accords bilatéraux de commerce, dont l’accord de « l’Alliance du Pacifique » est un exemple [accord signé cette année par les Présidents du Mexique, de la Colombie, du Pérou et du Chili, qui se veut un contrepoint au Mercosur et dont l’ancien Président du Pérou Alan Garcia a été l’instigateur, NdT].

18. C’est à cette lumière qu’il convient de mesurer combien le refus du Sénat paraguayen de ratifier l’entrée du Venezuela dans le Mercosur est devenu une question stratégique majeure pour la politique usaméricaine en Amérique du Sud.

19. Les dirigeants du Parti Colorado, qui ont occupé le pouvoir au Paraguay pendant soixante ans jusqu’à l’élection de Lugo, et ceux du Parti Libéral qui participait au gouvernement de Lugo, avaient probablement estimé que les sanctions contre le Paraguay, faisant suite à la destitution de Lugo, seraient principalement d’ordre politique et non économique, se limitant à suspendre le Paraguay de participation aux réunions des présidents et ministres de l’ensemble régional.

En se fiant à cette analyse de la situation, ils ont déclenché coup d’État. Le Parti Libéral a d’abord quitté le gouvernement pour ensuite s’allier au Parti Colorado et à l’Union Nationale des Citoyens Éthiques – UNACE [émanation du Parti Colorado, NdT]. Ils ont après, lors d’une session parlementaire unique, élaboré dans l’urgence une résolution instituant une procédure plus que sommaire de déposition.

En procédant de la sorte, ils sont passés outre l’article 17 de la Constitution Paraguayenne qui stipule que “dans un procès pénal ou tout autre procédure susceptible d’entraîner une peine ou une sanction, toute personne bénéficie du droit de disposer des documents, moyens et délais indispensables à la présentation de sa défense, ainsi que de pouvoir fournir, évaluer, contrôler et contester des preuves”, mais aussi l’article 16 qui précise que le droit à la défense des personnes est inviolable.

20. En 2003, le processus de destitution du Président Macchi, qui n’a pas été ratifié, aura duré près de 3 mois, tandis que celui intenté contre Fernando Lugo, de son entame à sa conclusion, aura été bouclé en près de 36 heures. Le recours constitutionnel présenté par le Président Lugo auprès de la Cour Suprême de Justice du Paraguay n’a même pas été examiné, ayant été rejeté in limine.

21. Le processus de destitution du Président Fernando Lugo a été considéré comme un putsch par tous les États d’Amérique du Sud et, en accord avec la Charte Démocratique du Mercosur, le Paraguay s’est vu suspendu de l’UNASUR et du Mercosur, sans que les néo-putschistes ne montrent le moindre égard envers les démarches des ministres des Affaires étrangères de l’UNASUR, qu’ils ont reçus d’ailleurs avec arrogance.

22. Cette suspension paraguayenne a eu pour conséquence de rendre possible et légale l’approbation par les gouvernements de l’Argentine, du Brésil et de l’Uruguay de l’adhésion du Venezuela au Mercosur, qui deviendra effective le 31 juillet 2012. Une occurrence que ni les néo-putschistes, ni leurs admirateurs les plus fervents – les USA, l’Espagne, le Vatican, l’Allemagne, premiers à reconnaître le gouvernement illégal du paraguayen Franco – ne semblaient avoir envisagée.

23. Face à cette évolution inattendue, toute la presse conservatrice des trois pays ainsi que celle du Paraguay, les dirigeants et partis conservateurs de la région sont venus à la rescousse des néo-putschistes avec toute sortes d’arguments, proclamant l’illégalité de la suspension du Paraguay (et par conséquent, la légalité du coup d’État) et donc de l’inclusion du Venezuela, dès lors que la suspension du Paraguay était illégale.

24. Le Paraguay cherche maintenant à obtenir une décision du Tribunal Permanent de Révision du Mercosur sur la légalité de sa suspension du Mercosur, pendant qu’au Brésil, le dirigeant du PSDB [premier parti d’opposition de droite au Brésil, N dT] a fait part de son intention de saisir la justice brésilienne au sujet de la légalité de la suspension du Paraguay et de l’entrée du Venezuela.

25. La politique extérieure usaméricaine en Amérique du Sud a subi les conséquences totalement inattendues de la précipitation des néo-putschistes paraguayens à s’accaparer du pouvoir, avec une voracité telle qu’ils n’auront pas su attendre la date des prochaines élections prévues en avril 2013, et Washington s’évertue maintenant à mettre en action tous ses relais locaux pour essayer de bloquer la décision d’intégrer le Venezuela dans le Mercosur.

26. En réalité, la question du Paraguay renvoie à la question du Venezuela, et à celle de la lutte d’influence économique et politique en Amérique du Sud et de son avenir comme région souveraine et développée.

Samuel Pinheiro Guimarães

Traduction du portuges de Tlaxcala

Original: Estados Unidos, Venezuela e Paraguai
 Traduit par Pedro da Nóbrega
 Edité par Fausto Giudice

*Samuel Pinheiro Guimarães é diplomata brasileiro e professor do Instituto Rio Branco

Vermelho. Brésil, 13 Juillet 2012.

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