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21 janvier 2014

Le putschisme du quotidien The Wall Street Journal

par Emir Sader *

 

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Celui qui lirait la description que la journaliste du The Wall Street Journal fait de Buenos Aires, aurait la nette impression qu’elle parle du Buenos Aires de la crise de 2001-2002 :

« Une sensation de prémonition planait sur la ville. L’économie stagnante, l’inflation en hausse, le capital sortant du pays et les porteños de tous milieux préparés à un orage et à se résigner aux pénuries qui vont toucher cette ville de Buenos Aires ».

Et la sensible journaliste US continue :

« L’infrastructure de la ville semblait abattue. Les vastes boulevards et les édifices grandioses du XIXe siècle sont fatigués et crasseux et les rues malodorantes. Les graffitis vindicatifs et les affiches déchirées défigurent les murs, ce qui donne une sensation généralisée de décadence sans loi. »

Jusqu’à ce qu’elle arrive au diagnostic surprenant de cette situation dramatique :

« Détruire la richesse d’une nation prend longtemps, mais (et là vient la surprise), une décennie de kirchnerisme, de gouvernements dirigés par Néstor Kirchner et par sa veuve, Cristina Fernández de Kirchner semble y parvenir ».

Et c’est là où la confusion arrive. La description alarmante de la situation de Buenos Aires ne se réfère pas aux calamités que le pays a vécues, dues à l’implosion du modèle néolibéral – loué en prose et en vers par le FMI et par le Wall Street Journal lui même– dans la version ménémiste de la parité de la monnaie argentine avec le dollar.

Au moment où l’expropriation massive de la population argentine par le système bancaire a mené le pays au pire recul de son histoire – comparé par Eric Hobsbawn, avec celui que la Russie a vécu à la fin de l’URSS. On a pu voir des images inimaginables jusqu’alors à Buenos Aires et dans toute l’Argentine.

Ajouté à cela les niveaux de chômage les plus élevés que le pays avait connu – un pays qui avait vécu le plein emploi dans les périodes précédentes – et la paupérisation de pans entiers de la classe moyenne et les gens jetés à la rue. Buenos Aires a mis en scène les pires moments de son histoire. Quelque chose de bien pire que ce décrit la journaliste de The Wall Street Journal.

Ce fut à partir de cette crise, celle du plus grand recul que l’économie argentine avait vécu, que Néstor Kirchner d’abord, Cristina ensuite, ont réussi à faire remonter économiquement et socialement le pays avec des niveaux élevés de développement, malgré l’héritage maudit de la désindustrialisation, de la privatisation des entreprises publiques – en commençant par YPF - , la misère et l’exclusion sociale.

Ce fut dix ans de reprise systématique de l’économie, avec des niveaux de croissance des plus élevés de l’Amérique Latine, avec la réduction drastique du chômage, qui ont permis aux Kirchner de gagner trois élections présidentielles de suite. Néanmoins, la journaliste parle de « destruction de la richesse d’une nation par les Kirchner ».

Elle n’est sûrement pas passée par le Buenos Aires peuplé de « cartoneros », de gens y compris de la classe moyenne qui venaient dans capitale à recueillir tout ce qui pouvait être revendu, recyclé, utilisé, de ces populations à l’abandon, quand a explosé la politique néolibérale suicidaire, tant louée par The Wall Street Journal.

Et comme cela se passe avec les journalistes de ces organes de presse, tout est à l’envers : Les gouvernements de Carlos Menem et de Fernando de la Rúa, qui ont détruit la richesse du pays, apparaissent comme ceux qui l’ont créée et multipliée. Les gouvernements des Kirchner, qui ont sorti le pays de la catastrophe, apparaissent comme ceux qui ont détruit cette richesse.

À la fin de son article, la journaliste pronostique une « explosion sociale », fait qui est effectivement survenu, à la fin des gouvernements de Menem et De la Rúa. Si elle avait écrit son article à cette époque, elle aurait mis pile dans cible, avec les mobilisations extraordinaires qui ont suivi la banqueroute de l’économie argentine qui avait suivi les orientations du FMI et du The Wall Street Journal.

Emir Sader pour El Telégrafo

El Telégrafo. Équateur, le 20 janvier 2014.

* Emir Sader il est philosophe et professeur de sociologie à l’université de l’Etat de Rio de Janeiro (UERJ) et à l’Université de São Paulo (USP).

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo. Paris, 21 janvier 2014.

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