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28 décembre 2011

Au Royaume-Uni le pouvoir médiatico-politique exagère la quiétude du secteur financier

Le mirage dans lequel se regarde la « bancocratie » britannique.

par Marcelo Justo

 

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Pour le monde financier la fête continue bien que les indicateurs économiques ne suivent pas au Royaume-Uni : le niveau de vie a baissé pour la cinquième année consécutive et le chômage est au plus haut depuis 1994.

Le Royaume-Uni frôle sa deuxième récession en trois ans, avec le pourcentage de chômage le plus élevé depuis 1994 et son niveau de vie a baissé en 2011 pour la cinquième année consécutive, mais à la city la fête continue. Il est certain que les banquiers ne jouissent pas de la faveur de l’opinion publique, il est vrai que les indignés qui ont campé plus de deux mois aux frontières de la city sont une pierre dans la chaussure et il n’y a pas de doute que, comme dans « Le masque de la mort rouge », d’Edgar Allan Poe [« The Masque of the Red Death »
roman allégorique sur l’inéluctabilité de la mort], la peste de l’euro est un fantôme qui frappe à la porte, mais tant qu’il n’y a pas de signes de contagion, la city peut se vanter d’une santé fringante. Sur ses deux kilomètres carrés, elle rassemble environ 500 banques, 70 % des Hedge Funds de toute l’Europe, les assureurs et les réassureurs, presque deux milliards de dollars quotidiens du marché des changes mondial, le tout étayé par un appareil de grands cabinets juridiques qui facture environ 1 500 millions de dollars par an, une bricole si on prend en considération que les bonus de la city sont arrivés à atteindre environ 10 milliards de dollars.

Avec tant d’argent, le pouvoir politique et médiatique se sent partout. Vers la mi-décembre le Premier ministre, David Cameron, n’a pas hésité à mettre son veto à une modification du Traité de l’Union Européenne (UE) qui cherchait à résoudre la crise de l’euro, bien que plus de la moitié de ses exportations vont au reste de l’UE, spécialement en Allemagne et en France, les principaux promoteurs de la réforme. Le Premier ministre a justifié le veto par un appel à l’« intérêt national » qui, loin d’être la protection du royaume pour prévenir une attaque militaire, s’identifiait aux intérêts de la city devant la menace d’une régulation européenne défavorable qui mettait en danger l’hégémonie britannique dans des secteurs clefs des finances mondiales, comme les Hedge Funds ou le marché de dérivés.

Une même génuflexion est observée à un niveau interne. Au Parlement, quelques jours avant le Noël, le ministre des Finances, George Osborne, a accepté la recommandation d’une commission d’enquête sur la nécessité d’insuffler à la banque de dépôts des opérations de la banque financière, mais a écarté une régulation dure à la manière de la loi Glass et Steagall que les États-Unis ont approuvé au milieu de la dépression des années 30 qui interdisait aux banques d’opérer simultanément dans les deux secteurs. Dans son annonce, Osborne a indiqué que le « White Paper  », pas préalable à un projet de loi, serait publié en 2015 après un nouveau cycle de consultations dans lesquelles la « city » pourra faire jouer tout son lobby et le réseau de contacts qui s’étend jusqu’au cœur même du gouvernement. Pas en vain, David Cameron est fils d’un agent de change et son vice-premier ministre, le libéral Nick Clegg, est encore directeur de l’United Trust Bank.

Durant ces dix dernières années, les travaillistes ont été victimes du même mirage sur les bontés du secteur financier propagées comme une vérité révélée par l’usine médiatique. Selon le quotidien City A. M., porte-parole du secteur financier, le secteur est fondamental pour l’économie britannique en terme d’emploi (prés d’un million et demi de postes de travail) ou de contribution fiscale (10 % des revenus du fisc). L’hyperbole médiatique, que justifie tant de concessions, devient claire quand ces chiffres sont comparés aux chiffres du secteur industriel. Une enquête du Center for research on Socio-Cultural Change de l’Université du Manchester CRESC montre que l’industrie emploie deux millions de travailleurs et que en plein boom financier 2002-2008, la city a payé la moitié de la contribution du secteur industriel au fisc britannique.

Si le mécanisme financier légal qui étaie la city lui permet de fuir des impôts avec le recours magique des paradis fiscaux, l’hémorragie que la city a produite avec la chute de Lehman Brothers montre le danger mortel de la dépendance économique britannique vis-à-vis de ce secteur. Depuis septembre 2008, le gouvernement britannique a apporté entre injection directe de fonds, prêts et garanties, plus d’un milliard de dollars pour stabiliser le système bancaire.

Face au pouvoir de cette « bancocratie », deux choses la menacent aujourd’hui. Au milieu du pire ajustement économique depuis l’après-guerre, les protestations des ONG commencent à avoir un impact dans la conscience nationale et dans les tribunaux. Le mouvement «  UK Uncut  » (Royaume-Uni sans Coupures), qui s’est formé après les coupes draconiennes annoncées l’année dernière par la coalition, est à la tête d’une campagne contre les grandes entreprises qu’il accuse d’ évasion fiscale : la city et sa banque dans l’ombre tamisée des sociétés financières parallèles dans des paradis fiscaux est l’une de ses cibles. Jeudi dernier l’organisation a lancé un appel contre l’accord entre l’autorité fiscale britannique et la banque Goldman Sachs, qui porte sur l’escompte de l’intérêt d’un impôt dû par la société financière. Bien que le chiffre soit mineur – au maximum environ 27 millions de dollars – le symbole est considérable. Pendant ce temps le mouvement Occupy, qui campe à la Cathédrale Saint Paul, aux portes mêmes de la city, a gagné une bataille légale avant Noël quand la Justice britannique a signalé qu’elle ne prendrait pas de décision sur la demande d’évacuation formulée par la banque UBS jusqu’au le 11 janvier.

Plus dangereuse et potentiellement dévastatrice pour la city, est la crise de l’euro. En juillet un rapport a révélé que les banques britanniques ont près de 300 milliards de dollars investis dans des bons des dits PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce, l’Espagne). Un effet domino de l’euro produirait un trou dans les finances des banques comme la RBS (qui a prêté environ 150 milliards aux PIIGS) ou la Barclay (exposée pour un monatnt similaire). Au milieu de ce panorama économique - financier international incertain, avec la menace de la deuxième récession en vue et le crédit immobilisé, la city continuera à parier sur sa place privilégiée dans le casino global pour continuer la fête, mais, comme on le sait, la spéculation est une arme à double tranchant qui peut finir par une sortie virulente du tripot avec les poches vides. Même pour la city 2012 sera une année difficile et dangereux.

Página 12. Londres, le 28 décembre 2011

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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El Correo. Paris, 28 décembre 2011.

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