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10 novembre 2003

Le Gouvernement argentin cherche à récupérer le rôle de la Justice locale dans les jugements contre l’État

par David Cufré

 

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Un décret de l’Exécutif a annulé la décision de Menem d’envoyer à arbitrage tous les conflits entre les entreprises de Bulgheroni et l’État. Cette décision qui a été prise dans les années 90 à la recherche des privatisations est un premier pas pour répudier le renoncement à la juridiction nationale dans les conflits avec l’État.

La relance des jugements contre le Groupe Bulgheroni est le premier pas du Gouvernement dans sa stratégie de récupérer la juridiction nationale dans différents processus judiciaires. Pendant la décennie 1990, l’État a accordé aux privatisées, aux détenteurs de participations et à différents groupes économiques la possibilité de résoudre leurs conflits, existant et à venir dans des tribunaux internationaux. Là estla raison pour laquelle la majorité des concessionnaires de services publics a déposé leurs plaintes pour la pesificación des tarifs à à une commission d’arbitrage qui siège à Washington, tandis que les causes par le défaut sont traitées dans des cours New York, Francfort, Rome et de Tokyo. Le gouvernement ménémiste a étendu cette pratique à ses amis locaux. Le plus inhabituel des cas fut celui qui a profité aux entreprises de Bulgheroni, accusées par l’AFIP et la Banque Centrale pour des dettes en millions, restés en lieu sûr -jusqu’à présent- quand le Gouvernement a arraché à la Justice les dossiers et les a livrés à un arbitre qui n’a jamais rien fait jusqu’au aujourd’hui, sept années après.

Cette politique ménémiste compromet à différents degrés le patrimoine national. Les créanciers s’appuient sur les avantages qu’ils ont obtenu pour faire pression avec des embargos si l’Argentine ne leur paye pas ce qu’ils réclament. C’est la base sur laquelle ils campent dans la négociation par la restructuration de la dette. Les entreprises privatisées sont conscientes que le pouvoir dissuasif des tribunaux internationaux est relatif, mais ce n’est par pour cela qu’ils ont rejeté cette voie. Leurs demandes dépassent les 10 milliards de dollars. Le Gouvernement a décidé de lutter sur ce terrain. Ou mieux dit,de le modifier. Le plan est de délégitimer la concurrence des cours étrangères, ou au moins mettre sur un pied d’égalité les tribunaux locaux, afin de terminer avec cette idée qu’il y a un seule partie et qu’elles est jouée par les visteurs.

L’avocat du Trésor, Horacio Rosatti, a révélé hier qu’il fallait s’interroger sur la constitutionnalité du processus qui a amené l’Argentine a accepté la compétence des tribunaux internationaux dans le cas des sociétés privatisées, et il a soutenu que s’il y a une condamnation pour défaut, la cause devra être transférée à Buenos Aires pour qu’elle soit révisée. De toute façon, cela n’inhiberait pas un embargo éventuel contre le pays.

Bulgheroni

En septembre 96, Carlos Menem a signé un décret pour transférer à un tribunal arbitral les jugements croisés entre l’État national et différentes compagnies du groupe dirigé par Carlos Bulgheroni. Jusqu’à ce moment les dossiers avançaient dans le Pouvoir Judiciaire, et dans pour certains d’entre eux une sentence contraire au chef d’entreprise du groupe pétrolier s’approchait. Son amitié avec le président fut alors, toutefois, très utile pour freiner les dossiers. Menem a vers causes à un arbitre - Bulgheroni l’a accusé d’opérer en faveur des entreprises de papier Ledesma et Massuh, contre la sienne, Papel de Tucuman -, mais il a obtenu que Roque Fernández, qui l’a remplacé comme ministre en juillet de cette année, il l’accompagnerait dans sa décision.
Ce gouvernement a désigné des avocats et son représentant pour composer un tribunal arbitral international. La même chose fut du coté du chef d’entreprise. Mais le corps n’a jamais terminé d’être constitué. Le seul effet fut un gel des affaires jusqu’à aujourd’hui. Fernando de la Rúa a été sur le point de prendre la même mesure qu’a adopté hier Kirchner, mais au dernier moment l’impulsion lui a manqué. Il avait reçu un avis de l’avocat du Trésor, Ernesto Mercer, qui signalait l’"inconvénient économique" de soumettre à un arbitrage des polémiques que l’État pourrait confortablement gagner dans la Justice, et recommandait d’annuler le décret de Menem. Plus tard, Eduardo Duhalde a vécu la même expérience, et bien que la Procuration lui ait précisément suggéré la même chose qu’au Radical, il a aussi renoncé une fois le décret déjà rédigé. Bulgheroni est encore un chef d’entreprise suprêmement puissant. Sa famille a reçu quelque 400 millions de dollars pour la vente de 60 pour cent de Bridas à l’américaine Amoco. L’association a abouti à la création de la compagnie Pain American Energy, tandis que Bridas s’occupe des ’exploitations pétrolières à l’étranger.

L’annulation du tribunal arbitral permet que la Justice reprenne les dossiers depuis le point où ils étaient restés. L’avocat Rosatti a détaillé qu’il y a des jugements ouverts qui impliquent différentes signatures du groupe. Le principal est celui concerne la Banque de l’Intérieur et de Buenos Aires (BIBA), disparue depuis, par des dettes en suspens avec la Banque Centrale et les impôts. Il a aussi des comptes sans solde avec le fisc, de Papel de Tucuman, qui gère sa faillite. Un troisième cas de dettes fiscales concerne Bridas Sapic. En total, Rosatti a estimé que les amendes que peut réclamer l’État "ne sont pas inférieurs à 500 millions de pesos". Alors que le gouvernement de l’Alliance avait calculé la dette dans 1200 millions. Rosatti, aussi, a soutenu que le Groupe Bulgheroni réclame pour des inaccomplissements d’YPF (de son étape étatique) qui s’élèveraient à 50 millions de pesos. "La grande disproportion (entre les réclames de l’un et de l’autre) en faveur de l’État" est une autre des raisons qui ont mis fin à l’action d’un arbitre.

Privatisées

Après avoir communiqué la décision en ce qui concerne le Groupe Bulgheroni, l’avocat du Trésor a révélé que la stratégie du Gouvernement est plus vaste que de solder les comptes d’un vieil ami du ménémisme et d’autres politiciens influents. "Notre critère est de récupérer la juridiction des tribunaux locaux dans tous les cas où interviennent des tribunaux internationaux", a-t-il expliqué. En particulier, il s’est référé aux demandes entamées par les privatisées devant le Centre International d’Ajustements de Différences en matière d’Investissements (Ciadi). "Nous interrogeons leur juridiction et éventuellement allons aussi interroger la constitutionnalité de tout le système", a t-il souligné.

Dette

Rosatti a clarifié que les jugements pour défaut ne se terminent pas par les sentences que peuvent adopter des tribunaux étrangers. S’il y avait quelqu’un contre, "notre pays appliquera le critère d’exaquatur, qui veut dire qu’une condamnation éventuelle devra être analysée par la Justice argentine avant qu’elle puisse être considérée comme valable". Le fonctionnaire a ajouté qu’ainsi l’établit l’article 27 de la Constitution. Au-delà de la technicité, il s’agit d’un jeu politique pour neutraliser l’action des créanciers, qui font pression sur le Gouvernement avec la menace judiciaire.

***
Pièges des années 90
Par Alfredo Zaiat

Página 12, 28 octobre 2003.

Le modèle années 90, qui se résume en modèle néo-libéral, a été beaucoup plus que des mesures économiques qui ont favorisé quelques-uns. Les privatisations, l’ouverture aux capitaux étrangers de la banque et l’ouverture, entre autres des prescriptions du Consensus de Washington suivies comme le meilleur élève, ont été des chapitres centraux de l’architecture économique de la décennie passée. Mais toutes ces "réformes structurelles", comme aiment les appeler les organismes financiers internationaux qui trouvent leur écho dans les porte-parole locaux de l’establishment, n’auraient pas pu être consolidées sans un échafaudage juridique qui les soutiendrait. Dans la région Argentine, on a le privilège, avec le Paraguay, d’avoir cédé la souveraineté en matière juridique des questions économiques. La convertibilité n’était pas seulement la subordination de la souveraineté monétaire du pesos au dollar. Elle a aussi été soutenue par la délégation de facultés constitutionnelles dans des traités internationaux relatifs à des matières économiques.

La réforme constitutionnelle de l’Accord de Olivos accorde aux traités internationaux que l’Argentine a signé avec d’autres états, une hiérarchie supérieure aux lois nationales. Nana Bevillaqua, le défenseur adjoint du Peuple de la nation, explique que cette cession de la juridiction nationale en faveur de ce qui est international a été structurée avec les Traités Bilatéraux de Protection des Investissements Étrangers, qui sont utilisés par privatisées devant le Ciadi (tribunal international d’ajustements de différences en matière d’investissements) pour réclamer en total quelque 17 milliards de dollars pour la pesificación et le gel des tarifs. L’importance de ces traités réside dans le fait que la politique économique est subordonnée à ces dispositions. On comprend ainsi comment le modèle de Cavallo n’était pas une simple parité de change de 1 à 1, mais que les investissements étrangers disposaient d’une réassurance juridique au niveau international. Ces traités offraient des clauses générales aux investisseurs comme celles du "traitement national", du "traitement de nation plus favorisée" ou de "clauses de stabilisation". De cette manière, on conçoit un régime de responsabilité absolue de l’État par la conséquence de ses actes souverains. Dans ce cas, la rupture de la convertibilité avec la dévaluation et la pesificación qui a suivi.

Commencer à démonter ces pièges des années 90 en cherchant à "nationaliser ces jugements", tâche qui pour certains a des résultas fumeux, est indispensable pour la reconstruction du caractère institutionnel, qualité qui est tant recherchée dans ces jours.

Carlitos a laisse une « ardoise »
Página 12, 28 octobre 2003

Quand son père a fondé des Bridas SA, Carlos Alberto Bulgheroni avait seulement 13 ans. Il donnerait sa couleur personnelle. À 24 ans, déjà reçu avocat, il a connu là une jeune secrétaire avec laquelle peu de temps ensuite il se mariait. C’était le début des années 70 et allait passer encore une décennie avant que son flambant beau-père, Juan Ramón Aguirre Lanari, se transforme en dernier chancelier -le premier après la guerre des Malouines- de la dictature sanglante vêlée dans 1976. Un bon relais au pouvoir fournit plus d’une affaire à sa jeune entreprise pétrolière et alors que la puissante entreprise d’Etat YPF, était déjà embarquée dans de généreuses concessions de secteurs explorés pour bénéfice de consortiums privés.
En dépit d’être le plus jeune des deux frères, très tôt il a assumé la direction de l’entreprise, dès que la santé et la volonté de son père, Alejandro, ont commencé à décliner après le kidnapping dont il a été victime en 1974 par un groupe de contestataires. Durant cette même année, Carlos a surmonté un cancer qui lui a fait cottoyer la mort. Il n’avait pas encore fêté ses 30 ans, mais s’en est sorti. Son histoire postérieure indiquerait que, à partir là, il a perdu la peur et les scrupules.

Il s’est transformé lobbiste de sa propre entreprise p, des amitiés durables dans des comités partisans, jusqu’à qu’il nomme à un diplomate de carrière pour ses contacts dans l’extérieur (Antonio Estrany Gendre). Sa grande époque a commencé sous la dictature, où il n’a pas arrêté de enfilé des affaires, pour continuer pendant le gouvernement d’ alfonsin. Il n’a pas manqué le but quand il a choisi ensuite comme son principal interlocuteur le concessionnaire puis ministre de l’ Intérieur Enrique "Coti" Nosiglia. Cette même "confiance" avec des gens influents avec lesquels "il réfléchissait généralement" - selon ses mots propres - lui a valu de se transformer en médiateur pendant le soulèvement carapintada de 1987. Le Coti et Enrique Venturino, compagnon d’Aldo Riche dans cette aventure, ont été ses interlocuteurs d’alors. On ne savait pas par quel hasard : ce qui est sûr c’ est que Carlos Bulgheroni "a été là".

Les dictateurs Jorge R. Videla, Robert Viole, Leopoldo Galtieri et Reynaldo Bignone ont aussi partagé le "privilège" de la confiance du chef d’entreprise. Et aussi leurs ministres. Pendant ce temps son groupe a connu une forte croissance, de neuf entreprises en 1976 est passé presqu’au double en six années, avec la "diversification" vers la pêche, chimique et pétrochimique, des services pétroliers, du tourisme et du transport. Cela, seulement dans le pays et enregistré au nom du groupe. La dernière récolte de ces amitiés bien ensemencées a été le transfert à l’État d’une dette externe par 619 millions de dollars.

L’alfonsinisme a été témoin (au moins) d’une autre étape de l’expansion des Bulgheroni. Curieusement, Bridas a participé à la privatisation de l’usine de tubes du complexe Siam avec Techint, il l’a ensuite gagné pour immédiatement la vendre. Il s’est lancé, dans le cadre d’un plan officiel pour le développement de l’industrie informatique, à faire des incursions dans l’affaire du calcul en créant TTI, bénéficiaire de contrats étatiques juteux. Viendraient ensuite les banques. Et le gouvernement de Menem, avec lequel il arriverait à déployer tous ses dons de courtisans.
Vinrent les temps des affaires avec les talibans (un incroyable contrat d’exploitation de gaz au Turkménistan), la relation intime avec Zulema Yoma à travers leur préoccupation pour la santé d’abord et après le décès, finalement, de Carlitos Menem. Et puis l’"ajustement" célèbre pour l’arbitrage d’une dette avec l’État qui en 1996 se montait à 1200 millions de dollars, le refus de Cavallo de signer et l’accord avec Roque Fernández après la sortie de celui du gouvernement. Comme le dit parfois Bulgheroni dans une de ses visites à la résidence de Olivios (palais présidentiel), "les fonctionnaires passent et nous restons". Cette fois, attendra t-il aussi une autre occasion ?

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

Página 12 , 28 octobre 2003

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