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2 mai 2015

La guerre prolongée du Pentagone dresse l’Otan contre la Chine, la Russie et l’Iran

par Pepe Escobar *

 

Peu importe l’aboutissement des négociations sur le nucléaire cet été, tant que Téhéran préconisera la coopération plutôt que la confrontation, l’Iran est appelé à demeurer, avec la Russie, une cible géostratégique clé pour les USA.

Le président des USA, Barack Obama, a beau essayer d’en faire fi, il n’en demeure pas moins que la vente de systèmes antimissiles S-300 à l’Iran par la Russie change complètement la donne, et ce, même si aux dires des militaires iraniens, le Bavar 373, le système antimissiles Made in Iran, serait plus efficace que le S-300.

C’est la raison pour laquelle le Jane’s Defense Weekly [hebdo spécialisé dans le domaine de la défense et de la sécurité, NdT] a dit, il y a quelques années, qu’Israël ne peut pénétrer dans l’espace aérien iranien même s’il arrivait à s’y rendre. Puis après les S-300 viendront les S-400, encore plus perfectionnés, et qui sont d’ailleurs sur le point d’être livrés à la Chine.

Le secret bien gardé derrière ces manœuvres qui changent les règles du jeu, c’est qu’elles donnent la trouille aux va-t-en-guerre à Washington, car elles ouvrent un nouveau front vers une plus grande intégration eurasiatique, sous la forme d’un bouclier antimissiles déployé en Eurasie pour contrer les plans balistiques du Pentagone et de l’Otan.

L’ordre du jour de la Conférence de Moscou sur la sécurité internationale, tenue à la mi-avril, en donnait un aperçu sans équivoque.

S’y trouvait le ministre iranien de la défense, le brigadier général Hussein Dehghan, qui a dit ouvertement que l’Iran voulait que les membres du BRICS que sont la Chine, l’Inde et la Russie s’opposent conjointement à l’expansion incontrôlée vers l’Est de l’Otan, en ajoutant que le bouclier antimissiles de l’Otan était en somme une mesure offensive qui constitue une menace à leur sécurité collective.

S’y trouvaient aussi le ministre de la Défense russe Sergueï Choïgou et le ministre de la Défense chinois Chang Wanquan, qui ont qualifié leurs liens militaires de priorité essentielle. Téhéran et Moscou ont aussi fait valoir qu’ils sont au diapason sur le plan stratégique dans leur volonté de favoriser un nouvel ordre multipolaire.

Fissurer le nouveau rideau de fer

L’incursion de Washington à Maidan a mis en relief le déploiement d’un nouveau rideau de fer qui s’étend de la mer Baltique à la mer Noire. Ça, c’est l’aspect visible du jeu de l’Otan. Ce qui est moins visible, c’est que la cible n’est pas seulement la Russie, mais aussi l’Iran et la Chine.

Le champ de bataille est dorénavant clairement défini et oppose l’Otan à la Russie, à la Chine et à l’Iran. Le rapprochement de ces pays n’a donc rien d’étonnant. L’Iran assiste déjà aux réunions de l’ OTSC (Organisation du traité de sécurité collective) à titre d’observateur et est en voie de devenir membre de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) d’ici 2016.

La Russie fournit des systèmes S-300 à l’Iran et des systèmes S-400 à la Chine (avec de nouveaux missiles téléguidés à plus grande portée), tout en mettant au point des systèmes S-500, capables d’intercepter des cibles supersoniques. Tout cela converge vers une riposte de très haute technologie et l’Otan le sait.

Cette intégration militaire eurasiatique est une intrigue secondaire importante du Nouveau grand jeu qui se déploie parallèlement au projet des Nouvelles routes de la soie mené par la Chine.

Pareille riposte était prévisible en réponse à l’empiétement des USA sur la Chine en Asie-Pacifique, sur la Russie en Europe de l’Est et sur l’Iran en Asie du Sud-Ouest.

Washington n’hésiterait pas non plus à faire de même en Asie centrale s’il en avait les moyens (sauf qu’il ne les a pas, surtout maintenant avec les Nouvelles routes de la soie en voie de quadriller l’Asie centrale).

La géopolitique eurasiatique repose sur ce qu’il va advenir de l’Iran. Certaines factions à Washington entretiennent le mythe voulant que Téhéran pourrait tout liquider au profit des USA et laisser tomber leurs relations stratégiques complexes avec la Russie et la Chine, en assurant une présence accrue des USA dans le Caucase et en Asie centrale.

Le chef suprême et le président Rohani ont déjà précisé que cela n’arrivera pas. Ils savent fort bien que Washington essaie de séduire l’Iran pour l’éloigner de la Russie et en faire un État inféodé, mais que Washington n’acceptera jamais que l’Iran étende sa sphère d’influence en Asie du Sud-Ouest et ailleurs.

L’alliance stratégique multivectorielle entre la Russie, la Chine et l’Iran ira donc de l’avant. Car peu importe ce qu’il adviendra des négociations sur le nucléaire cet été, et tant que Téhéran préconisera la coopération plutôt que la confrontation, l’Iran est appelé à demeurer, avec la Russie, une cible géostratégique clé pour les USA.

Un parcours long et sinueux

Ce qui nous amène, inévitablement, à la Guerre mondiale contre le terrorisme.
Le Pentagone et son assortiment de néocons états-uniens demeurent fermement ancrés dans leur stratégie, qui consiste à favoriser activement la division entre sunnites et chiites, avec l’objectif principal de diaboliser l’Iran. Le Yémen en est l’illustration éloquente.

Seuls les sots pouvaient croire que les Houthis au Yémen auraient pu faire étalage de leur puissance sans problème à un jet de pierre d’une base militaire des USA à Djibouti, infestée de drones de la CIA.

Là encore, tout s’est déroulé comme prévu selon la stratégie de diviser pour régner. Washington n’a absolument rien fait pour protéger son régime yéménite fantoche contre une offensive des Houthis. Mais il n’a pas du tout hésité par la suite à diriger en arrière-plan l’attaque cinglée de la maison des Saoud qui a tué des civils en masse, tout cela sous le prétexte de combattre l’expansion iranienne. Les médias institutionnels états-uniens, c’était prévisible, en ont fait leurs choux gras.

Rien de nouveau sous le soleil quoi ! La RAND Corporation l’avait d’ailleurs déjà prévu en 2008 dans son rapport intitulé Unfolding the Future of the Long War (Perspectives d’avenir de la longue guerre).

Il s’agit effectivement de la bonne vieille longue guerre décrétée par le Pentagone contre ses ennemis, inventés et autres, dans l’ensemble du monde musulman.

Ce que la RAND avait prescrit est devenu la nouvelle norme. Washington soutient le racket aux pétrodollars qu’est le Conseil de coopération du golfe peu importe ce qui arrive, toujours dans l’optique de contenir le pouvoir et l’influence de l’Iran ; de détourner les ressources salafo-djihadistes pour qu’elles visent les intérêts iraniens dans tout le Moyen-Orient, notamment en Irak et au Liban, au lieu de mener des opérations anti-occidentales ; et de prêter main-forte à al-Qaïda, au groupe armé EIIL/EIIS/Da’ech et à tous ces islamistes vigoureusement anti-chiites que le Conseil de coopération du golfe parraine et habilite partout, de façon à maintenir la domination occidentale.

La longue guerre a été formulée pour la première fois à l’époque de l’Axe du mal par le Highlands Forum, un groupe de réflexion plutôt obscur du Pentagone infesté de néocons. Ce n’est pas pour rien que la RAND Corporation est considérée comme un partenaire majeur.

Les choses deviennent encore plus intéressantes lorsqu’on sait que les adeptes de la longue guerre comme Ashton Carter, le numéro un du Pentagone, son adjoint Robert Work et le chef des services du renseignement Mike Vickers sont maintenant responsables de la stratégie militaire de l’administration Obama, dont l’objectif autoproclamé est d’éviter les conneries.

Avec son arrogance coutumière, le Pentagone ne voit pas que Moscou et Téhéran ont facilement deviné son petit jeu, l’intention cachée du gouvernement des USA de manipuler l’Iran réhabilité pour qu’il vende du pétrole et du gaz à l’Union européenne en grande quantité, au détriment de Gazprom.

Techniquement, cela ne pourrait se faire avant des années, et encore ! Sur le plan géopolitique, ce n’est rien d’autre qu’une chimère ; une double chimère en fait.

Car Washington n’arrivera jamais à sécuriser le Moyen-Orient avec l’Iran comme État inféodé, ce qui lui permettrait de transférer des capacités militaires essentielles des USA à l’Otan pour contrer la menace russe. Oubliez aussi tout retour au capitalisme désastreux des années 1990 en Russie, lorsque tout le complexe militaro-industriel s’était effondré et que l’Occident pillait les ressources naturelles russes sans vergogne.

Bref : le Pentagone aboie, la caravane russe, chinoise et iranienne passe.

Pepe Escobar pour Sputniknews

Original : « The Pentagon’s ’Long War’ Pits NATO Against China, Russia and Iran »

Sputniknews– Le 29 avril 2015.

Traduit de l’anglai pour Le Saker fr par : Daniel, relu par jj

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