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23 janvier 2004

La gestion du FMI et de la BM en faveur d’ Aguas Argentinas irrite l’Argentine

par David Cufré

 

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Le FMI et la Banque Mondiale veulent prendre part à la négociation avec Aguas Argentinas du groupe Suez-Environnement, en prônant que soient réduites ses obligations d’investissement pour favoriser le paiement des créanciers : la Banque Mondiale elle-même, entre autres.

Les motifs pour lesquels Néstor Kirchner s’était exprimé avant-hier avec tant de dureté contre Aguas Argentines sont au nombre de trois. "C’est regrettable, l’eau est privatisée, mais l’heure est venue que ceux qui gèrent la privatisation sachent qu’avec nous, il ne va pas y avoir d’impunité", a déclaré le Président lors d’une visite dans la banlieue de Buenos Aires. L’entreprise s’est déclarée "surprise" par le ton de ces déclarations, sans trouver les raisons qui les justifient, comme l’a déclaré son directeur d’Affaires Corporatives, Diego Sûre. Toutefois, des sources officielles ont révélé à Página/12 pourquoi Kirchner a dit cela et pourquoi la relation entre le Gouvernement et l’entreprise traverse un moment de haute tension. L’épisode qui a fini par déchaîner la crise fut l’intervention du FMI et de la Corporation Financière Internationale (CFI) en faveur du concessionnaire, pour que l’État l’aide à payer sa dette. Voilà le premier motif.

Robert Lavagna a reçu cette semaine deux lettres de demande en faveur d’ Aguas Argentinas : l’une venait de la CFI (bras d’investissement pour le secteur privé de la Banque Mondiale) et l’autre du FMI. La première réclamait au Gouvernement que l’organisme soit autorisé à prendre part à la renégociation du contrat.

L’argument pour solliciter cela a été que la CFI est actionnaire du concessionnaire, avec 5% des actions. Ce montant de participation la cantonne à un rôle secondaire dans la conduite de l’entreprise. Mais son intérêt pour être convié à la table de renégociation vient d’ailleurs. En plus d’être actionnaire, la CFI est créditrice de Aguas Argentines, et comme le Gouvernement somme l’entreprise de couvrir sa dette de quelque 160 millions de dollars avec des ressources propres, sans mettre la main sur l’argent prévu pour des investissements, l’organisme veut être inclus dans la négociation pour défendre ses intérêts.

La deuxième lettre que Lavagna a reçue sur ce sujet, celle du FMI, était pour soutenir la démarche de la société . Le ministre a été choqué avec cette nouvelle charge de Washington, encore une fois en faveur d’une société privatisée et de la CFI elle-même. La pression porte sur le fait que le Gouvernement assouplisse ses exigences d’investissements vis-à-vis d’ Aguas Argentinas, en libérant les ressources que la compagnie pourrait destiner à payer sa dette. En conclusion, les habitants de la Capital Fédérale et de la banlieue de Buenos Aires devraient se résigner à un plus mauvais service pour que Aguas et ses créanciers arrivent à un meilleur traitement. Le Pouvoir Exécutif exige que l’entreprise annule ses engagements vis-à-vis de sa rentabilité propre, et si cela n’est pas le cas, que les actionnaires mettent de l’argent de leur propre poche. Les propriétaires de Aguas Argentines sont le français Suez-Environnement (avec les 39.9 %) et l’espagnol Aguas de Barcelone (avec 25 %).

"L’entreprise argüe qu’elle doit destiner une partie de ses recettes à annuler ses dettes, mais la dette est une responsabilité des actionnaires", a condamné hier le président de l’Entité de contrôle du service eau potable et égouts (Etoss), Miguel Saiegh. Le fonctionnaire a exactement exprimé la pensée de Kirchner, qui s’est mis en colère quand Lavagna l’a informé des deux lettres qu’il avait reçues. Le Président a alors profité de la visite de Tres de Febrero pour répondre au FMI et la Banque Mondiale (parce que de toutes façons, la CFI est une branche de l’organisme), et pour aussi envoyer un message clair à Aguas Argentinas.

A la Casa Rosada, on indique que la lutte avec cette entreprise sert en outre de signal aux chefs d’entreprise espagnols qui attendent le président à Madrid. La semaine prochaine, Kirchner se réunira avec les dirigeants de cette société privatisée de capitaux espagnols, qui pourraient poser à nouveau la demande d’ un ajustement de tarifs. Les rencontres auront lieu à l’ambassade argentine de la capitale. L’autre déclaration menaçante de Kirchner dans l’acte de Tres de Febrero concernait les investissements : "soit ils investissent ou nous allons converser d’une autre manière", a-t-il lancé depuis une scène aux directeurs de Aguas Argentines. Voilà le second motif qui explique son attaque. L’entreprise essaye de réduire le montant de ses investissements parce que, de nouveau, elle veut conserver une partie de l’argent récolté chez les utilisateurs pour payer sa dette. Ce qui énerve le Gouvernement, c’est que l’entreprise explique publiquement qu’elle projette des investissements alors que - selon la version officielle - la seule chose qu’elle fait est de répondre aux sommations de l’Etoss et, en essayant de restreindre au maximum possible le montant d’argent destiné aux travaux d’expansion du réseau.

Aguas Argentinas a indiqué qu’elle ne fera des investissements pour 55 millions de pesos, que si ces ressources sont apportées par ses actionnaires. La vérité est qu’en janvier 2001 l’entreprise a été autorisée à augmenter le tarif de 3.9 %, pour rassembler des ressources pour financer des travaux d’assainissement. En 2002, un nouvel ajustement a été pratiqué à nouveau, pour les 3.9 autre %. Mais Etoss a découvert vers le milieu de l’année passée que l’entreprise n’avait jamais réalisé les travaux, bien qu’ elle ait profité des augmentation pendant plus de deux années. Pour cette raison, l’Ente de contrôle a obligé Aguas Argentinas à mettre de côté 43.8 millions de pesos (12.170.000 d’euros) pour qu’elle effectue les travaux. Depuis ce moment l’entreprise a dû, en outre, continuer à mettre de côté de l’argent pour les travaux, parce que le tarif n’a jamais baissé. Ainsi à la date d’aujourd’hui ont été récoltés 55 millions de pesos(15.278.000 €). En dehors de cette somme, le Gouvernement demande à Aguas de nouveaux investissements pour 140 millions de pesos (39.000.00 €). Comme l’entreprise s’est montrée peu disposée accepter ce chiffre, Kirchner a dit cela, "soit ils investissent ou allons converser d’une autre manière".
La troisième raison de la colère du Président est qu’Aguas n’a pas dit si elle suspendra la demande qu’ elle a déposée contre l’Argentine devant le tribunal international, pour la supposée violation du contrat due à la dévaluation et la pesification du tarif. Le tribunal est le Ciadi, qui siège à Washington. Et même s’il paraît incroyable, dont un des juges est la Banque Mondiale. C’est-à-dire que l’organisme est juge et partie dans cette demande (par son caractère d’actionnaire d’Aguas Argentinas, par le biais de la CFI) et en outre est créditeur de l’entreprise (par les crédits de la CFI). Et comme si ce conflit d’intérêts n’était pas suffisant, l’organisme a osé solliciter une place dans la commission de renégociation du contrat de l’entreprise.

Le Gouvernement n’acceptera pas de commencer cette discussion jusqu’à ce que la compagnie réponde si elle accepte ou non de suspendre la procédure qu’elle a entamée devant le Ciadi. La condition n’est pas négociable, comme le remarquent les sources officielles. On supposait que l’entreprise donnerait une réponse les premiers jours de janvier, mais les semaines passent et il n’y a pas des nouvelles. En outre, le nouveau président de Aguas, que les actionnaires ont nommé en décembre, n’a pas encore débarqué dans le pays. Il s’agit du français Yves Thibault de Silguy, un ex fonctionnaire réputé de l’Union Européenne. Kirchner a cherché par ses déclarations que l’entreprise définisse d’une fois pour toute si elle suspendra la demande ou non. Dans le cas où elle continue, elle sait déjà que le Gouvernement le retirera la concession, en faisant valoir que ses défaillances réitérées et graves dans la prestation du service empêchent de signer un nouveau contrat.

La seule vérité est la dure réalité

Le président Néstor Kirchner "n’a pas été dur mais réaliste" en réclamant à Aguas Argentinas qu’ils investissent pour améliorer leur service, en avertissant que, dans le cas contraire, les conversations pour renégocier le contrat se dirigeront " d’une autre manière" , a soutenu le président de l’entité Tripartite Oeuvres et Services Sanitaires (Etoss), Miguel Saiegh, qui a ajouté que "l’entreprise devra l’accepter (la demande de plus grands investissements) parce que c’est une des positions irréductibles du secteur public dans cette renégociation". L’entreprise a répondu qu’elle est "absolument surprise" avec les déclarations d’avant-hier du Président de la Nation.

Saiegh fut la personne chargée d’expliquer certaines des clés du conflit avec le concessionnaire des eaux et des égouts. Le fonctionnaire a affirmé que la compagnie doit augmenter ses investissements " sans augmentation de tarifs, mais par ses ressources propres ". " L’entreprise allègue qu’elle doit destiner une partie de ses recettes à annuler ses dettes, mais la dette est la responsabilité des actionnaires", a -t-il insisté. L’explication fut complétée par cela : "les ressources qui proviennent du paiement actuel leur permettraient de consacrer davantage de fonds pour l’investissement de ce qu’ils proposent. Sous aucun concept, un plus grand investissement doit être le résultat d’une augmentation de tarifs ", a-t-il souligné.

La réponse d’Aguas Argentinas s’est fait connaître par la voix de son directeur d’Affaires Corporatives, Diego Sûre, qui a manifesté sa "surprise absolue" après les mots de Kirchner. "Ce que nous examinons n’est pas si nous allons investir ou non, mais les montants et les désignations, les priorités dans la zone de la concession. C’est pourquoi les déclarations du Président nous surprennent", a-t-il affirmé Sûre.
Ce dirigeant a en outre indiqué que la surprise vient de ce que l’entreprise est train de "travailler sur le plan d’investissements depuis un mois avec le Gouvernement, l’Unité de Renégociation de Contrats et l’Entité régulatrice Etoss". Des sources gouvernementales ont indiqué, toutefois, que l’entreprise refuse d’accepter le montant d’investissements que réclame le Pouvoir Exécutif.

Clés

Bien que le porte-parole de Aguas s’est dit "surpris" par la dureté du discours de Néstor Kirchner de mercredi, en interne, ils savent à quoi il répond.

Dans les deux missives reçues dans le Palais de Finances, le FMI et la Corporation Financière Internationale cherchent à ramollir la position du Gouvernement dans la négociation avec le concessionnaire.

Les organismes internationaux continuent à jouer le rôle de lobbystes des sociétés privatisées, rôle que le Gouvernement rejette sans détours.

Le message dur de Kirchner est aussi un signal pour les chefs d’entreprise espagnols qu’il recevra la semaine prochaine à Madrid.

Página 12, 23 janvier le 2004

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