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14 novembre 2009

Berlin 1989

La « chute » du Mur et la Révolution latinoaméricaine.
Heinz Dieterich.

par Heinz Dieterich Steffan

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

1. La remise du Mur de Berlin

La version politiquement correcte de l’Occident sur « la chute du mur » est la suivante. Guenter Schabowski, journaliste de profession et membre du Bureau Politique du Parti Socialiste Unifié de l’Allemagne socialiste (SRD), a annoncé dans une conférence de presse télévisée du 9 novembre 1989, une libéralisation des voyages des citoyens de la RDA en Occident. Après avoir terminé la conférence, un journaliste lui a demandé : « Quand entre en vigueur cette loi ? » Schabowski a dit, « tout de suite ». Et, tout de suite, beaucoup de citoyens de la RDA sont allés au mur pour passer à Berlin Occidental, en Allemagne capitaliste (RFA). Les troupes frontalières, qui n’étaient pas informées, ne les ont pas laissé passer. Quand ces officiers surpris ont consulté leurs autorités supérieures, elles leur ont dit que oui, que c’était un nouveau décret du Politburó rendu public par Schabowski quelques minutes auparavant à la télévision. Alors ils les ont laissé traverser. Tout étant spontané et démocratique : un peuple cherchant la réunification.

La vérité historique, qui commence à frayer son chemin, est différente. Le maire de l’époque de Berlin Occidental (RFA), Walter Momper, vient de révéler qu’il a recnontré clandestinement environ dix jours avant l’ouverture du mur avec Schabowski. Lors de ces réunions, le fonctionnaire de la SED l’a informé que la frontière allait être ouverte et que les autorités de la RFA devaient se préparer à un exode. De la même manière, la question du journaliste au sujet de l’entrée en vigueur de la loi libératrice, n’a été qu’une ruse pour cacher la conspiration de la remise de la RDA, organisée par des membres de l’élite politique de la SED. Le journaliste qui a posé la question était l’Italo-Allemand Riccardo Ehrman qui travaillait pour l’agence d’information italienne ANSA. Ehrman avait reçu un appel de Gunter Poetschke, directeur de l’ADN, agence d’information de la RDA, dans laquelle Poetschke lui a demandé de poser la question sur les nouvelles lois de passage. Ehrman est arrivé en retard à la conférence, mais il a réussi à poser la question - avec un Schabowski sautant la question d’un journaliste étasunien - et en obtenant la réponse connue. Peu de minutes avant que soit terminée la conférence, à 19h31, l’Agence ANSA a distribué dans le monde entier la nouvelle intitulée : "Le Mur de Berlin est tombé."

2. La moralité pour la Révolution latinoaméricaine

L’analyse de la capitulation de la classe politique socialiste de la RDA est de première actualité pour le processus révolutionnaire latinoaméricain, même si nous mentionnons seulement deux des raisons principales qui l’ont rendue possible. Egon Krenz, l’avant-dernier Président de la RDA, a donné deux des réponses les plus synthétiques à la question sur la raison de la chute de l’État socialiste allemand, en se référant à un composant objectif et à un autre subjectif. L’objectif est que « Le destin de la RDA fut toujours lié au destin de l’URSS », parce que c’était un « produit de la Deuxième Guerre mondiale et de la Guerre Froide. Terminée la Guerre Froide et disparue l’URSS : quel pouvait être son destin ? »

Cet argument de Krenz se réfère au rôle des alliances stratégiques dans les guerres anti-impériales de libération, par exemple, les interventions pro-indépendantistes de la France et de la Grande-Bretagne dans les triomphes des Guerres d’Indépendance nord-américaine et latinoaméricaine, ou aussi, de l’URSS et de la Chine dans le triomphe du Viêt-Nam. C’est un argument d’une importance suprême devant le fait, que dans les prochains mois l’agression de Washington contre le Venezuela entrera dans sa phase ouvertement agressive et que l’absence d’alliances stratégiques du Venezuela est une faiblesse préoccupante. Le gouvernement bolivarien a, sans doute, l’appui de la Russie, de l’Iran et de la Chine, mais de telles relations bilatérales n’atteignent pas le statut d’alliances stratégiques.

Le composant subjectif de l’implosion de la RDA s’est trouvé dans le manque d’avant-garde opérante capable de mettre en application les innovations nécessaires pour le renouvellement du Parti, l’État et de la société, dans les conditions du XXIe Siècle. Dès 1985, révèle Krenz, il y avait des secteurs de la haute classe politique socialiste qui ont vu la nécessité de remplacer Erich Honecker et de fair faire un saut qualitatif au « Socialisme réellement existant », en résolvant, entre d’autres choses, le problème du changement générationnel à temps. Cependant, l’immobilisme du système a été tel, que jusqu’au 18 octobre 1989, la vieille garde immobiliste continuait de contrôler le SED.

Quand Honecker a été remplacé le 18 octobre 1989, ce fut trop tard pour la récupération nécessaire de « l’initiative stratégique » (Krenz) de la part des réformateurs et de la crédibilité dans la population, parce que le 9 octobre, une foule de 70.000 manifestants à Leipzig avait pacifiquement arraché cette initiative stratégique à l’État et au Parti, bien le directeur des « milices manufacturières » (Betriebskampfgruppen) ait menacé trois jours plus tôt de l’usage de la force. Devant l’absence d’une avant-garde réelle dans la classe politique socialiste de la RDA, la perte de l’initiative stratégique du 9 octobre n’a jamais pu être inversée par le Parti de l’État.

3. Fin du Socialisme du XXe Siècle, tournant de l’histoire mondiale

Le 9 novembre, sans un seul coup de feu, l’impérialisme a reconquis en une nuit ce qu’avec toutes ses armes nucléaires il n’avait pas pu reconquérir en 44 ans : le territoire du pays le plus avancé du Socialisme du XXe Siècle. L’importance historique de cet événement peut être comparée à la Prise de la Bastille pendant la Révolution Française qui a marqué le début de l’écroulement de l’Ancien Régime (en français dans le texte) au niveau national, ce qui fut consommé par la suite au niveau européen par l’épée de Napoléon, le « gérant général » de la bourgeoisie européenne. Et sous le contrôle de l’Europe, le capitalisme s’était assuré la conquête du globe.

À son tour, la chute du Mur a marqué la fin de l’ancien régime du Socialisme du XXe Siècle au cœur de l’Europe. En conséquence, l’ordre bipolaire de l’après-guerre a disparu pour évoluer vers le Nouvel Ordre Mondial quadripolaire - les États-Unis, l’Union Européenne, la Chine, l’Inde - en passant par l’interrègne de trois lustres de domination unilatérale globale de Washington. L’incapacité des partis du Socialisme du XXe Siècle à évoluer vers le Socialisme du XXIe Siècle a ouvert les portes à la restitution eurasienne du régime du capital. Mais sa chute a aussi enlevé du chemin de l’évolution les obstacles infranchissables matériels et dogmatiques du modèle stalinien stagnant, incapable de toute innovation nécessaire pour s’adapter aux conditions du XXIe Siècle.

Le triomphe tragique de la contre-révolution de 1989/90 a rendu une dialectique évolutive à l’humanité, en rappelant aux révolutionnaires à l’avenir, une vérité éternelle. Sans avant-garde il n’y a pas ni murs ni fusils, capables de soutenir une révolution.

Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi

Rebelión . Espagne, le 9 Novembre 2009.

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