recherche

Accueil > Empire et Résistance > Israël > L’indicible histoire des exportations militaires israéliennes au Sud-Soudan

15 juin 2015

L’indicible histoire des exportations militaires israéliennes au Sud-Soudan

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Depuis l’indépendance du Soudan, Israël a continué à vendre des armes, de la formation militaire, de la sécurité intérieure et de la technologie de surveillance. Le seul problème est que ces armes et le reste sont utilisés pour commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Nous savons maintenant que dans les années 90, Israël a vendu des armes au Rwanda tandis que le génocide était une pratique répandue dans tout le pays. Les détails de ces affaires continuent à rester secrets ; il ya une pétition (en hébreu), qui est actuellement en cours d’examen devant la Cour suprême, pour que ces détails soient rendus publics. Cependant, il semble qu’aucune leçons n’ait été tirée de cette affaire.

Durant les 18 derniers mois, une guerre civile sanglante a fait rage dans un autre pays africain, le Soudan du Sud ; au cours de laquelle sont commis des Crimes de guerre suffisamment documentés et de possibles Crimes contre l’humanité. Les médias internationaux couvrant cette guerre tous les jours. D’autres parts, les médias israéliens ont donné des informations à ce sujet au cours des premiers mois, mais depuis lors, le silence est la norme, bien que des atrocités continuent d’être commises. Il est probable que ce silence a une bonne excuse : de hauts fonctionnaires du gouvernement et l’industrie de la sécurité sont derrière la vente d’armes, la formation militaire, la sécurité intérieure et la technologie de surveillance pour les factions belligérantes au Soudan du Sud. Toute information sur ces activités pourrait les mettre dans l’embarras.

Depuis les années soixante du siècle dernier, Israël a été impliqué dans une guerre secrète au sud Soudan. Il soutient les rebelles qui luttent pour se libérer de la tyrannie de Khartoum. L’aide d’Israël ne reflète pas les valeurs humanistes de solidarité et une lutte juste et légitime pour la liberté, mais est le résultat d’une variété d’intérêts stratégiques dans la région. En 2011, après une forte pression de la communauté internationale, un référendum au Sud-Soudan a eu lieu. 99% de la population a voté en faveur de la sécession de Khartoum ; le 9 juillet de cette année, le Sud-Soudan est devenu un Etat indépendant.

L’Etat d’Israël a été l’un des premiers pays à reconnaître le nouvel Etat ; en 2011, Salva Kiir Moyardit, président du Sud-Soudan, est arrivé en Israël pour une visite officielle. Pour Israël, un Sud-Soudan indépendant était une occasion en or de promouvoir ses intérêts dans la région par rapport à sa propre sécurité et économie ; par conséquent, il a investi massivement dans l’infrastructure civile et militaire dans ce pays. La relation entre les deux pays est exceptionnelle, même en comparaison avec les liens étroits qu’Israël entretient avec d’autres pays africains. Cette relation présente certaines caractéristiques de parrainage.

Cette relation particulière doit être comprise dans le contexte de la lutte pour le pouvoir dans la région. Le conflit local entre le Soudan et le Sud Soudan est financé respectivement par l’Iran et Israël. Alors que l’Iran a renforcé ses liens avec les musulmans du Soudan, Israël a renforcé ses relations avec Sud Soudan chrétien, qui le fournit également en pétrole. Il y a deux ans et demi, Israël a apparemment bombardé à Khartoum une usine d’armement d’appartenance iranienne ; Il y a un an, les forces de défense israéliennes ont intercepté un cargo transportant des munitions en provenance du Soudan vers Gaza ; et en mai dernier, il a été signalé qu’un drone israélien a été abattu au Soudan. De toute évidence, l’Iran et Israël se livrent une guerre par procuration à travers leurs alliés africains.

Voir la vidéo d’Amnesty International
Ajoutée le 8 mai 2014

NULLE PART SUR - DES CIVILS SOUS ATTAQUE AU SUD SOUDAN
Nowhere Safe - Civilians Under Attack in South Sudan

L’investigation d’Amnesty International sur le conflit au Sud Soudan révèle d’horribles atrocités commises par les deux parties, avec des attaques à caractère ethnique contre des civils qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Donatella Rovera, chercheur sur les Crises d’Amnisty International s’est rendue dans la région en mars 2014 afin de se documenter sur la situation et les abus sur les droits humains par le forces rivales loyales au Président Salva Kiir et à l’ex vice-président Riek Machar et leurs milices alliées respectives, étant donné que le conflit a éclaté a la mi décembre 2013.

Le seul problème est que cette stratégie semi impériale ne peut en aucun cas justifier un soutien pour les forces du Sud-Soudan qui perpétuent des crimes de guerre et contre l’humanité. Pour empêcher la vente d’armes qui pourraient être utilisées à cet effet, aucun intérêt stratégique israélien, qu’il soit réel ou imaginaire, peut être exempté de responsabilité morale et juridique.

Triste à souligner, mais l’indépendance du Soudan du Sud est devenue l’une des pires tragédies de notre temps. Depuis le milieu de Décembre 2013, il y a une guerre civile sauvage au Sud-Soudan qui oppose deux groupes ethniques et politiques ; la continuation de la guerre civile sanglante qui, après 22 ans, a abouti à l’indépendance du pays. Selon des rapports récents, dans cette guerre 50 000 personnes sont mortes, il y eu deux millions de personnes qui ont été forcées de quitter leurs maisons ou de devenir des réfugiés et 2,5 millions de personnes courent en conséquence le risque de la famine. Les organisations des droits de l’homme et des Nations Unies estiment qu’il y a environ 12 000 enfants soldats dans les unités militaires intégrées de défense du Sud-Soudan. Toutes les factions en lutte - en particulier le gouvernement et ses milices alliées- sont impliquées dans des Crimes de guerre, Crimes contre l’humanité et violations graves des droits humains.

Aucune des parties n’a la capacité de mener la guerre à sa fin, et aucun groupe ethnique n’a une majorité claire dans le pays. La tribu Dinka [celle de Salva Kiir Moyardit], qui contrôle maintenant le gouvernement ne réunit que 35 % de la population. Certains des combattants de l’opposition sont d’anciens agents des forces de sécurité qui ont déserté pour passer de l’autre coté et emportant avec eux leurs armes et la formation militaire qu’ils ont reçue, ce qui les rend encore plus difficiles à vaincre par les forces gouvernementales. Pour ces raisons, le gouvernement a décidé une stratégie alternative : assassinats en masse, viol systématique des femmes d’autres groupes ethniques et de la violence contre les citoyens identifiés comme étant avec l’opposition. Bien que les armes continuent à entrer dans le pays, le gouvernement n’a aucun intérêt à trouver un arrangement et continue à s’accrocher au faux espoir de vaincre ses ennemis sur le champ de bataille.

La situation a conduit les pays européens à déclarer un embargo sur les armes au Sud Soudan et les Etats-Unis ont suspendu leur aide militaire. Il y a eu aussi une tentative pour faire approuver un embargo semblable devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Jusqu’à présent, ces tentatives ont échoué non seulement en raison de désaccords et des discussions entre les membres du Conseil, mais aussi par la crainte que les rebelles l’emportent sur les forces gouvernementales. Malgré les difficultés politiques existantes pour parvenir à un accord de règlement, la gravité de la situation dans le Sud-Soudan est claire pour tout le monde. Le 3 Mars 2015, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2206 -présentée par les Etats-Unis d’Amérique- qui fixe aux deux parties un ultimatum, les menaçant d’un embargo sur les armes et d’autres sanctions si elles ne mettent pas fin à la lutte.

Malgré la réaction mondiale, selon les informations fournies par les militants des droits de l’homme qui ont été, ou sont encore, dans le pays, la guerre secrète d’Israël dans le sud du Soudan continue. Depuis la déclaration d’indépendance, Israël a continué à envoyer des armes, à former des forces et à offrir une variété de dispositifs technologiques liées à la sécurité. Il y a aussi la coopération entre les services secrets des deux pays et il y a des entités israéliennes qui ont mis en place et maintiennent en fonction un système de contrôle interne et de suivi efficace au Sud-Soudan.

La participation actuelle d’Israël dans le sud du Soudan est exceptionnelle dans l’histoire des exportations militaires israéliennes. Elle est, certainement, au-delà de tout calcul économique. Aujourd’hui, Israël travaille dur pour la viabilité d’un projet dans lequel il a beaucoup investi ces dernières années, un projet qui s’il échouait, pourrait nuire à sa crédibilité auprès de dictateurs et d’autres régimes du genre à recevoir l’aide militaire israélienne.

Une publication officielle du ministère de la Défense publiée en Novembre 2014 (environ un an après le début de la guerre civile au Sud-Soudan) se vante du succès du département d’exportation lors de l’exposition Cyber sécurité, qui a été visitée par 70 délégations venant partout dans le monde, y compris du Sud-Soudan. Il est prouvé que l’armée du Soudan du Sud utilise le fusil israélien Galil ACE. Dix-huit mois après le début de la guerre civile, un quotidien soudanais a fait état d’un pont aérien entre Israël et le Sud Soudan pour transporter des missiles autopropulsés, du matériel militaire et même des mercenaires africains (après avoir été formés). Les matériels continuent d’affluer. Une délégation du Sud-Soudan va se rendre à une exposition d’armes israéliennes qui sera inaugurée la semaine prochaine à Tel-Aviv.

Pensez un instant à ceci : un pays qui est actuellement en train de perpétrer des crimes contre l’humanité, en utilisant des armes d’un autre pays et dans des conditions d’embargo absolu sur les armes approuvé par les États-Unis et l’Europe, a envoyé une délégation d’achats en Israël et y est accueilli à bras ouverts.

Tant le droit international que la morale de base humaine interdit la vente d’armes et de toute autre aide militaire qui peut être utilisée pour commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Dans le passé, en raison de conflits politiques liés à la guerre froide, la communauté internationale n’a pas réussi à satisfaire cette obligation, mais depuis les années 90 cette politique est devenue un corps juridique crucial aux Etats-Unis et en Europe ; pas seulement cela, cette question a été reprise par les conventions internationales et les institutions comme les Nations Unies et les tribunaux de niveau international.

Israël n’a pas de réelle possibilité de veiller à ce que les armes vendues au Soudan du Sud ne servent pas à tuer des civils ni à menacer des femmes pendant qu’elles sont violées par des soldats ou des miliciens. En outre, il n’y a aucun moyen de garantir que la formation des forces de sécurité n’est pas utilisée pour tuer et torturer des civils et que la technologie exportée ne sert pas à persécuter des citoyens pour leur appartenance politique ou ethnique, pour ne pas mentionner le soutien à des horribles crimes de guerre et contre l’humanité, sauf à arrêter complètement toutes les exportations d’équipement militaire et de sécurité vers ce pays. Il est important de préciser que le droit international interdit également la vente de la technologie et des dispositifs qui « lancent des projectiles » s’ils peuvent être utilisés dans la perpétration de Crimes de guerre et Crimes contre l’humanité.

Le 12 Mars, l’avocat Itai Mack a donné une interview sur les exportations militaires vers le Soudan du Sud dans le programme de radio -en hébreu-, According to Forein Media . (Selon les médias étrangers), diffusé par la station de radio Al For Peace. Mack a révélé les détails de l’implication israélienne dans la fourniture d’armes et d’ entraînement militaire aux forces du Sud-Soudan. A partir de ses constats, le Dr Mack a demandé au Ministère de la Défense d’arrêter les exportations militaires vers ce pays. Cet appel a été rejeté ; le contraire aurait été quelque chose d’incroyable.

À l’heure actuelle, Tamar Zandberg, membre de la Knesset pour le parti Meretz, tente de briser le pacte de silence qui pèse sur cette affaire en demandant au Ministère de la Défense d’arrêter immédiatement toutes les exportations militaires vers le Soudan du Sud. La demande était accompagnée d’un avis d’expert rédigé par le Dr Mack qui décrit en détail les aspects objectifs et légaux de l’affaire (qui veut lire [en hébreu] la demande et de l’opinion peuvent le faire ici) .

Le public israélien doit adhérer à cette demande. Le moment de le faire est maintenant.

Idan Landau pour son blog 972mag.com

* Idan Landau est un universitaire israélien de l’Université Ben Gourion de Néguev. Cet article a été publié (d’abord en hébreu et en anglais) pour la première fois sur le blog Idan, «  Ne meurs pas en imbécile ". Il a été produit avec la permission.

972mag.com. Beer-Sheva, Israël, 28 mai 2015.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo. Paris, le 15 juin 2015.

Contrat Creative Commons
Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported. Basée sur une œuvre de www.elcorreo.eu.org.

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site