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3 juillet 2011

L’eau et la vie, au centre de l’accumulation par la guerre

par Raúl Zibechi *

 

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La Rencontre Continentale pour l’Eau et la Pachamama (divinité), qui s’est tenue au Cuenca de Guapondelig entre 21 et le 23 juin, a généré un vaste débat pami ceux qui s’opposent au modèle d’appropriation des biens communs, avec une participation importante des mouvements de la région. Les presque 2 000 délégués de 15 pays ont montré l’importance que les activistes accordent à l’extractivisme ( industries d’extraction des ressources naturelles) au-delà des gouvernements des différents pays.

Parmi les participants se détachent la Conaie et l’Ecuarunari de l’Équateur, qui depuis des décennies luttent contre le modèle néolibéral et extractif, qui a dans l’industrie minière à ciel ouverte son expression principale et la plus dévastatrice. Au sein des sujets abordés s’est trouvé le Sumak Kawsay (Bon Vivre ou bonne vie), les droits de la nature que la Constitution équatorienne reconnaît mais qui sont encore loin de devenir une réalité, la gestion communautaire de l’eau et du droit à la résistance, puisque le modèle dans sa phase actuelle est irréconciliable avec la préservation de la vie.

Lors des différents groupes de travail on a pu écouter des témoignages de paysans et de communautés propriétaires sur les dérangements que provoque la mega-industrie minière, qui contamine les sources d’eau qu’utilisent les communautés pour créer de la vie. Un autre point a porté sur la criminalisation de la contestation sociale en Équateur. Déjà 189 personnes ont été jugées pour résister à l’avance des multinationales, plusieurs d’elles accusées de terrorisme et sabotage pour de simples barrages sur les routes, forme de lutte plus répandue dans le continent. « La justice est comme le serpent, elle mord seulement les va nu-pieds », a dit l’avocat quechua Carlos Pérez Guartambel, dirigeant des assemblées d’eau, sur qui pèsent plusieurs procès.

Les principaux dirigeants populaires du pays étaient là : Delfín Tenesaca, Marlon Santi, Pepe Acacho et Humberto Cholango, tous accusés par la justice de divers délits. « La criminalisation de la contestation obéit au modèle qui envahit nos territoires, efface les peuples, génère une violence et la guerre », a dit Cholango après avoir ouvert la rencontre. La vieille dirigeante quechua Blanca Chancoso a exprimé sa crainte de ce que « le Sumak Kawsay soit corrompu ou foclorisé par le pouvoir », dans une intervention forte qu’elle a fini en signalant « nous n’avons pas de peur de ce gouvernement ».

Esperanza Martínez, d’Action Écologique, a rappelé que la Constitution elle-même reconnaît le droit à la résistance et a appelé ceux qui résistent au modèle – d’une manière particulière à la mega-industrie minière – à approfondir une « éthique de résistance » qui par des moyens non violents, ce qu’il ne veut pas dire pacifiques, est capable de « briser le voile de tromperie » que soutient encore la « révolution citadine ». Pepe Acacho, de la Fédération Shuar, qui fut pendant une semaine prisonnier accusé de terrorisme et de sabotage, a indiqué que « dans l’actuel gouvernement le délit de terrorisme a été institutionnalisé ».

L’un des débats les plus importants tourne autour de l’interprétation de l’extractivisme, des difficultés d’en sortir et les problèmes auxquels sont confrontés ceux qui osent montrer un visage. Il est évident que nous ne sommes pas seulement en face d’un modèle, mais d’un système. La taille des investissements que reçoivent les pays de la région les a orientés vers une industrie minière, vers des monocultures, vers un reboisement et vers tout type de production de commodities. Le Brésil inclus, la septième puissance industrielle du monde, est en train de vivre un processus de désindustrialisation conséquence de l’extractivisme.

Dans les pays qui n’ont jamais eu de développement industriel, comme les pays andins, le modèle extractif les attache à une situation de dépendance aigue des capitaux qui proviennent des États-Unis, d’Europe ou de la Chine. Des délégués du Canada, le pays qui compte 75 pour cent des entreprises minières du monde, ont expliqué les raisons pour lesquelles l’industrie minière ne se concentre pas seulement au sud mais aussi dans des pays du nord, comme l’exemple canadien nous le montre. Dans ce pays il y a 10 000 mines abandonnées et il possède la plus grande quantité des entreprises minières d’ Amérique Latine.

Le Canada est un « paradis judiciaire » pour les compagnies minières, c’est à dire des lois très permissives, des avantages fiscaux, des subventions étatiques et un puissant réseau diplomatique qui défend « ses » entreprises à l’extérieur. Cet ensemble de facteurs a un nom : l’impunité. C’est cette impunité est rendue possible compte tenu des capitaux qui se réfugient dans l’industrie minière avec un siège au Canada, et que ces entreprises se répandent dans le monde en maniant la même logique.

Pour soutenir l’impunité du capital il est nécessaire de criminaliser, de poursuivre et surtout de militariser des régions entières, celles où va être consommée l’accumulation par vol, spoliation et rapine. En somme, le militarisme, qui est l’une des pires conséquences de l’extractivisme, n’est pas une faille ni une erreur, mais la caractéristique principale du système dans son étape « d’accumulation par la guerre », auquel l’actuel capitalisme est réduit.

Dans la période de l’état-providence des millions d’êtres humains devaient être enfermés dans des usines pour extraire la plus-value qui était réalisée en leur vendant les articles produits. Maintenant les choses ont changé à la racine. Depuis que l’humanité d’en bas est devenue rebelle et ne tolère pas les oppressions, les personnes ont arrêté d’être une source de richesse, et la richesse est cherchée là où il n’y a pas de gens, qui sont soigneusement expulsés et entassés dans des ghettos surveillés, ou exterminés.

C’est pourquoi quand les gouvernements parlent d’attirer les investissements, ce qu’ils font c’est d’importer une machine de guerre qui a les noms les plus variés (industrie minière, soja, cellulose) mais une seule logique : accumuler en détruisant, accumuler en faisant la guerre contre ceux d’en bas, qui sont les ennemis réels et potentiels du capital. Il n’existe pas d’extractivisme bon. Le surpasser suppose de faire face à des guerres contre le capital, des guerres dures avec armes ou des guerres « molles » avec la nourriture et la faim. S’il n’y a pas encore de force pour surpasser l’extractivisme, il y a des envies de le discuter ce qui peut être une bonne forme d’accumuler des énergies pour continuer de résister.

La Jornada. Le Mexique, 1 ° d’un juillet 2011.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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