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25 novembre 2014

L’OTAN, un danger pour la paix mondiale

par Immanuel Wallerstein *

 

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La mythologie officielle dit qu’entre 1945 (ou 1946) et 1989 (ou 1991) les États-Unis d’Amérique (US) et l’Union Soviétique (URSS) se sont affrontés continuellement – dans le domaine politique, militaire et, surtout, idéologique. C’est ce qu’on a appelé la Guerre Froide. Si c’était une guerre, le mot que nous devons souligner est froid, étant donné que ces deux puissances n’ont jamais été impliquées dans une action militaire directe contre l’autre tout au long de cette période.

Cependant, il y a eu quelques reflets institutionnels de cette guerre froide. Pour chacun d’eux c’étaient Etats-Unis d’Amérique, non l’URSS, qui a franchi le premier pas. En 1949, les trois pays qui occupaient l’Allemagne ont combiné leurs zones pour créer la République Fédérale d’Allemagne (RFA) comme État. L’Union soviétique a répondu en remaniant sa zone comme étant la République Démocratique Allemande (RDA).

En 1949, l’OTAN a été fondée par 12 nations. Le 5 mai 1955, les trois puissances occidentales ont officiellement terminé leur occupation de la RFA, reconnaissant à celle-ci comme État indépendant. Quatre jours après, la RFA a été admise comme membre de l’OTAN. En réponse, l’URSS a crée l’Organisation du Traité de Varsovie (OTV) et elle a inclus la RDA comme l’un de ses membres.

On supposait que le traité établi par l’OTAN s’appliquerait uniquement au sein de l’Europe. La raison en était que les pays de l’Europe occidentale avaient encore des colonies en dehors de l’Europe et ne désiraient permettre qu’aucune agence eût l’autorité d’interférer sur leurs décisions politiques quant à ces colonies. Les moments de confrontation apparemment tendue entre les deux factions – le blocus de Berlin, la crise cubaine des missiles – tous ont fini par un résultat maintenant le statu quo prédominant. L’invocation la plus importante des traités pour être impliqué dans des actions militaires fut celle de l’URSS qui exigeait d’agir dans sa propre zone contre les événements qui semblaient dangereux pour l’URSS – la Hongrie en 1956, la Tchécoslovaquie en 1968, la Pologne en 1981. Les États-Unis sont politiquement intervenus sous des circonstances similaires, comme quand est survenue l’entrée potentielle au gouvernement italien du Parti Communiste.

Ce rapide décompte souligne l’objectif réel de la guerre froide. Ce n’était pas l’intention de transformer les réalités politiques de l’autre côté (excepté dans un moment très éloigné dans le futur). La guerre froide était un mécanisme pour que chaque faction maintienne sous contrôle ses satellites, tandis que se maintenait un accord de fait des deux puissances pour diviser la planète à long terme en deux sphères, un tiers pour l’URSS et deux tiers pour les États-Unis. La priorité fut mise pour que chaque côté garantisse la non utilisation de la force militaire (en particulier des armes nucléaires) contre l’autre. Ce qui a été connu comme la garantie contre « la destruction mutuellement assurée ».

Le collapsus de l’URSS en deux étapes – le retrait de l’Europe orientale en 1989 et la dissolution formelle de l’URSS en 1991–, en théorie devait être la fin de la fonction de l’OTAN. En fait, c’est bien connu que quand le président Mikhail Gorbachev, de l’URSS, a accédé à incorporer la RDA à la RFA, la promesse lui a été faite qu’il n’y aurait pas l’intégration des États de Traité de Varsovie dans l’OTAN. Cette promesse a été violée. Et en revanche l’OTAN a complètement assumé un nouveau rôle.

Après 1991 l’OTAN s’est attribué à lui-même un rôle de police mondiale, pour toute chose qui nécessitait des solutions politiques adaptées pour les problèmes du monde. Le premier effort important de ce type est arrivé dans le conflit Kosovo-Serbie, où le gouvernement US a mis tout son poids dans l’établissement de l’État du Kosovo et un changement de régime en Serbie. Cela a été suivi d’autres efforts – en Afghanistan en 2001 pour expulser les talibans, en Irak en 2003 pour changer le régime de Bagdad, en 2014 pour combattre l’État Islamique (ISIS), en Irak et en Syrie, et en 2013-2014 pour appuyer les dites forces pro occidentales en Ukraine.

C’est un fait qu’utiliser l’OTAN s’est avéré difficile pour les Etats-Unis d’Amérique. Par différentes raisons il y a eu quelques répugnances des membres de l’OTAN autour des actions entreprises. Et une autre raison fut que, quand l’OTAN a été impliqué formellement, comme au Kosovo, les militaires US se sont sentis limités par la lenteur de la prise de décision politique autour des actions militaires.

Alors, pourquoi entreprendre l’expansion de l’OTAN au lieu de sa dissolution ? Cela a eu à voir de nouveau avec la politique intérieure de l’Europe et avec le désir des Etats-Unis d’Amérique de contrôler ses alliés supposés. C’était sous le régime de Bush que le secrétaire de l’époque de la Défense, Donald Rumsfeld, parlait d’une vieille et d’une nouvelle Europe. Pour la vieille Europe il se référait notamment à la répugnance française et allemande à être d’accord avec les stratégies US. Il voyait que les pays de l’Europe occidentale relâchaient leurs liens avec les US. Sa perception était, en fait, correcte. En réponse, les US ont choisi de couper les ailes aux Européens occidentaux en introduisant les États de l’Europe orientale dans l’OTAN, que les US considéraient comme des alliés de plus de confiance.

Le conflit autour de l’Ukraine éclaire le danger de l’OTAN. Les États-Unis ont cherché à créer de nouvelles structures militaires, en pointant évidemment la Russie, sous l’excuse qu’elles étaient pensées pour une hypothétique menace iranienne. Ils ont avancé le conflit ukrainien, ont réhabilité le langage de la guerre froide. Les États-Unis utilisent l’OTAN pour faire pression sur les pays de l’Europe occidentale pour qu’ils soient d’accord avec des actions anti-russes. Et au sein des États-Unis, le président Barack Obama est sous une forte pression pour bouger « fortement » contre dite menace russe à l’Ukraine. Cela se combine avec l’énorme hostilité au sein du Congrès US devant tout accord avec les iraniens au sujet du développement nucléaire.

Les forces qui aux États-Unis d’Amérique et en Europe occidentale cherchent à éviter la folie militaire périlleuse, courent le risque d’être dépassées par ceux qu’on peut seulement appeler le parti de la guerre. L’OTAN et ce qu’il symbolise aujourd’hui représente un danger sévère, puisqu’il renferme la demande des pays occidentaux d’interférer où que ce soit au nom des interprétations occidentales des réalités géopolitiques. Cela peut seulement conduire à des conflits ultérieurs hautement dangereux. Renoncer à l’OTAN comme structure serait le premier pas vers la santé mentale et la survie du monde.

Immanuel Wallerstein pour la Binghamton University.

Original : « NATO : Danger to World Peace ». Commentary No. 389, November 15, 2014.

Commentary No. 389, November 15, 2014

* Immanuel Wallerstein est un sociologue US. Il travailla en outre comme directeur du centre Fernand Braudel pour l’Étude de l’Économie, des Systèmes historiques et des Civilisations.

Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 25 novembre 2014.

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