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18 novembre 2002

L’Argentine face aux institutions financières internationales.

 

Par Christine Legrand,
Buenos Aires

L’Argentine se trouve au bord de la cessation de paiements vis-à-vis des institutions financières internationales après avoir refusé, jeudi 14 novembre, d’honorer une échéance de 805 millions de dollars à la Banque mondiale. Elle n’a versé que 79,5 millions de dollars, soit les intérêts dus à cette échéance. La Banque mondiale a aussitôt annoncé qu’elle cessait l’octroi de nouveaux prêts à l’Argentine.

"Nous ne payerons pas cette dette sans un accord préalable avec le Fonds monétaire international", a précisé le président argentin Eduardo Duhalde (péroniste), alors que son ministre de l’économie, Roberto Lavagna, à Washington, tentait désespérément de débloquer les négociations en cours depuis dix mois avec le FMI.

Après son spectaculaire effondrement financier, en décembre dernier, l’Argentine risque désormais d’être mise au ban de la communauté financière internationale, le FMI ne prêtant pas aux pays qui sont en cessation de paiement avec la Banque mondiale.

Le gouvernement a refusé de puiser dans les réserves de la banque centrale (BCRA) pour faire face à l’échéance du 14 novembre. "Si l’Argentine avait payé la Banque mondiale, les réserves seraient passées sous les 9 milliards de dollars, un chiffre recommandé par le FMI pour maintenir la solidité du programme monétaire", a fait valoir le chef de cabinet argentin, qui a rang de ministre, Alfredo Atanasof. Les réserves de la BCRA sont de 9,8 milliards de dollars, soit un tiers de leur montant d’il y a un an et demi. Elles étaient passées sous les 9 milliards de dollars en juillet à cause des injections permanentes de la banque centrale pour freiner la dépréciation du peso face au dollar (75 % depuis le début de l’année).

Convalescence

Ce nouveau bras de fer avec les institutions financières internationales intervient au moment où une brise d’optimisme souffle à Buenos Aires, avec un léger redressement de l’économie. En octobre, les rentrées fiscales ont augmenté de 35 % par rapport à la même période de l’an dernier, l’inflation a été ramenée à 2 %, la production industrielle reprend peu à peu et les exportations ont augmenté. Le puissant secteur agricole est particulièrement favorisé par la dévaluation du peso avec une main-d’œuvre devenue bon marché, des prix plus compétitifs et des exportations qui se font en dollars. Les récoltes ont atteint des niveaux records et notamment celles de soja, qui devraient rapporter quelque 500 millions de dollars de plus que l’an dernier. Après avoir touché le fond après quatre ans de récession, certains analystes estiment que l’Argentine est en convalescence. Face aux nouveaux réajustements exigés par le FMI, le gouvernement refuse de prendre le risque de mettre en péril les quelques acquis économiques mais aussi une fragile trêve sociale dans un pays où plus de la moitié des 37 millions d’habitants est tombée dans la pauvreté et a des problèmes d’emploi.

De nombreux économistes à Buenos Aires estiment que l’intransigeance des institutions financières internationales fait apparaître l’Argentine comme une victime des propres erreurs du FMI, dont elle fut le meilleur élève dans les années 1990, et que, tout compte fait, l’isolement financier international pourrait ne pas être aussi sévère. Le 5 novembre, la Banque interaméricaine de développement (BID) a octroyé à l’Argentine un prêt de 200 millions de dollars pour le financement d’œuvres publiques. Outre les immenses richesses naturelles du pays, "l’appareil productif n’a pas été détruit, avec d’excellentes capacités humaines et une bonne infrastructure", a souligné Bernardo Kosacoff, économiste de la Commission des Nations unies pour l’Amérique latine (Cepal), dans un récent entretien au quotidien La Nacion.

Le FMI critique le manque de consensus politique en Argentine. "Nous avons besoin d’être sûrs que ce que nous décidons avec Duhalde sera mis en pratique", aime à répéter Horst Kölher, le directeur général du FMI. Jeudi, M. Duhalde a convoqué, pour le 18 novembre, une réunion avec tous les gouverneurs de province et les responsables des groupes parlementaires pour débattre des mesures que le pays doit adopter. A Buenos Aires, les institutions, fortement ébranlées depuis des mois par la colère populaire, ont du mal à retrouver leur crédibilité aux yeux des citoyens.

Le futur politique reste incertain. Eduardo Duhalde, désigné en catastrophe et pour un mandat provisoire, le 1er janvier, a promis de quitter le pouvoir le 25 mai prochain. Mais après avoir annoncé l’élection présidentielle pour le 30 mars 2003, le gouvernement évoque désormais la possibilité de la repousser. Cet éventuel report s’explique par les luttes féroces qui déchirent le mouvement péroniste, qui reste, et de loin, la principale force politique du pays.

Le ministre de l’économie, M. Lavagna, dénonce les "erreurs" du FMI.

Le moratoire : l’Argentine observe depuis décembre un moratoire avec ses créanciers privés auxquels elle doit près de 50 milliards de dollars. Sa dette publique était estimée au 30 juin à 141 milliards de dollars. Cette année, l’Argentine a remboursé 3,4 milliards de dollars d’échéances de sa dette avec les organismes financiers multilatéraux.

Rééchelonnement de la dette : Buenos Aires n’espère pas d’argent frais du FMI, qui a suspendu son aide depuis décembre 2001, mais un rééchelonnement de sa dette, qui est estimée à 14 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année.

La directrice générale adjointe du Fonds, Anne Krueger, a annoncé, jeudi 14 novembre, que celui-ci s’apprêtait à approuver un délai pour une tranche de 140 millions de dollars dont l’échéance était fixée au 22 novembre.

Les responsables de la crise : tout en admettant que la responsabilité de la crise incombe en premier lieu aux Argentins, le ministre de l’économie, Roberto Lavagna, mentionne régulièrement les "graves erreurs" commises par le FMI. "Les déséquilibres étaient visibles dès 1994", a récemment souligné M. Lavagna devant la presse étrangère, à Buenos Aires, ajoutant que malgré cela les organismes financiers internationaux avaient continué à aider l’Argentine "de façon aveugle", soutenant ainsi "un modèle qui engendrait la faim et la pauvreté". En 2001, le dernier prêt de 9 millions de dollars du FMI a servi "à financer la fuite de capitaux et à précipiter l’écroulement du système financier", a-t-il précisé. Concluant que si les négociations avec le FMI échouent, "chacun devra assumer ses responsabilités".

Le Monde->http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3210--298322-,00.html]

ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 16.11.02

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