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29 septembre 2013

L’Amérique Latine n’aurait pas du bien réussir

par Emir Sader *

 

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L’Amérique Latine ne pouvait pas fonctionner. Elle a été créée par les colonisateurs pour ne pas fonctionner, pour être éternellement subordonnée au monde « civilisé ». Elle a été faite pour lui fournir des matières premières et sa force de travail surexploitée à la mercie du ses seigneurs Européens. L’Amérique Latine a été colonisée pour être une colonie et pour se sentir colonisée ; pour se subordonner aux métropoles et à l’empire.

Plus encore quand les alternatives semblaient disparaître, il restait seulement à l’Amérique Latine d’imiter mécaniquement, le modèle unique consacré par le capitalisme central. Et il en fut ainsi un temps : L’Amérique Latine a été la zone avec le plus de gouvernements néolibéraux et leurs méthodes extrêmement radicales.

Ce fut une vague dévastatrice qui a mis fin, entre autres, à l’état social chilien, à l’autosuffisance énergétique de l’Argentine, en plus de laisser le continent comme une région peu importante sur plan international, faisant profil bas , subordonnée aux puissances du centre du système, intensifiant encore plus l’inégalité et la misère entre nous.

Tout d’un coup, l’échec des gouvernements néolibéraux a généré une série de gouvernements qui ont été élus avec l’engagement de dépasser ce modèle et de construire des sociétés plus justes moins inégales, souveraines sur le plan international.

C’est ainsi que la région est devenue l’unique au monde ayant des gouvernements anti-néolibéraux qui, en plus de cela, se sont mis à construire des processus autonomes d’intégration régionale par rapport aux États-Unis [d’Amérique]. Même quand la longue et profonde crise économique a surgi – qui vient d’avoir cinq ans – dans les pays centraux du capitalisme, ces nations n’ont pas arrêté de faire progresser leurs économies et, surtout, de combattre la misère et l’inégalité.

Au sein de ses adversaires – de la droite et de l’« ultra » gauche le phénomène a initialement déconcerté. Il n’était pas possible qu’avec la récession mondiale, qui avait toujours entraîné tous nos pays vers le manque de développement et la récession – l’Argentine, le Brésil, la Bolivie, l’Uruguay, l’Équateur et le Venezuela – résistent à la crise.

Après avoir « dénoncé » ces gouvernements comme des propagateurs d’illusions, ils ont du accepter que notre situation était différente de celle des pays centraux du système et de ceux de la région dont les gouvernements gardaient des orientations néolibérales. Il ne leur était plus possible de dire que les conditions favorables à nos pays découlaient d’un contexte international positif parce que celui-ci avait radicalement changé avec la crise.

Il y avait, ceux qui fermaient les yeux sur les grandes avancées sociales de pays du continent le plus inégal au monde, voulant disqualifier leurs politiques, en réduisant les orientations de ces gouvernements à ce que considéraient « des modèles exportateurs basés sur la destructions des ressources naturelles ». En conséquence, ceux qui ont défendu les dites approches ont été rejetés par les peuples de ces pays, qui les ont réduits à des forces sans aucun appui populaire ni expression politique.

Cependant, les oiseaux de proie continuaient d’espérer des signes des problèmes qui pourraient – après une décennie de succès des politiques postnéolibérales de ces gouvernements – confirmer encore leurs prévisions funestes. Une coalition internationale s’est formée entre des forces de droite et d’extrême gauche pour attaquer les gouvernements progressistes d’Amérique Latine, parce que, entre autres, les réussites de leaders comme Hugo Chávez, Lula, Dilma, Néstor et Cristina Kirchner, Evo Morales, Rafael Correa, Pepe Mujica rendent leurs positions insoutenables.

Il suffisait qu’émerge un problème dans un de ces pays, - quelle en soit la raison- y compris les pressions continuelles depuis le centre du système, pour que réapparaissent les articles dans la presse ou les prévisions d’adversaires sans appui populaire, disant que finalement le modèle alternatif de croissance avec une distribution de rente de ces gouvernements s‘épuisait .

Il leur semblait insoutenable que Carlos Andrés Pérez, Action Démocratique et Copei échouent et que Chávez fasse mouche. Que Fernando Henrique Cardoso rate et Lula non. Que leurs chers Carlos Menem et Fernando de la Rúa échouent lamentablement et Néstor et Cristina s’en sortent bien notés. Que Sánchez de Losada laisse le gouvernement expulsé par le peuple pour se réfugier aux USA et qu’Evo Morales soit un président réélu. Que les gouvernements de droite en Uruguay tombent désarticulés et ceux du Frente Amplio continuent. Que la même chose se passe en Équateur, avec les triomphes de Correa.

Ce ne sont déjà plus des gouvernements éphémères : tous ont étés réélus ou ont choisi des successeurs et continuent d’avoir la possibilité de continuer leurs mandat, promouvant la deuxième décennie post néolibérale en Amérique Latine.

Cependant, selon la recette néolibérale et celle de l’ « ultra » gauche, ces gouvernements ne pouvaient pas être durables, ils devaient échouer pour prouver la réalité de leur « pensée unique » et du Consensus de Washington ; que les gouvernements populaires avec de vastes alliances politiques ne pouvaient pas se consolider et obtenir un grand appui populaire parce qu’ils seraient dirigés par des leaders qui auraient « trahi » la confiance populaire, quand en réalité, les peuples les ont confirmés pour être leurs dirigeants.

Cette situation s’est consolidée de telle manière que les oppositions de chaque pays ne trouvent pas d’espaces, de leadership, ni des plateformes alternatives : ou ils se taisent sur ce qu’ils feraient en cas de triomphe, ou avouent qu’ils reviendraient aux formules néolibérales, avec moins l’État, un dur réajustement fiscal, des privatisations, le retour à une politique externe subordonnée aux États-Unis [USA].

Les gouvernements post néolibéraux ont réussi à devenir hégémoniques dans nos pays. De là leur légitimité et leur capacité face aux problèmes qu’ils ont devant eux, de même qu’ils ont trouvé des formes de renouvellement pour donner une continuité à leurs programmes prioritaires de politiques sociales, de processus d’intégration régionale et sur le rôle de l’État comme inducteur de la croissance économique et de la garantie des droits sociaux « de tous », en démentant tous ceux qui croyaient que l’Amérique Latine ne pouvait bien fonctionner comme région indépendante.

Emir Sader pour La Jornada

Traducción del portugués para La Jornada de : Ruben Montedónico

La Jornada. Mexique, le 28 septembre 2013.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 29 septembre 2013.

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* Emir Sader il est philosophe et professeur de sociologie à l’université de l’Etat de Rio de Janeiro (UERJ) et à l’Université de São Paulo (USP).

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