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15 décembre 2014

L’Agriculture Paysanne Indigène au Sommet de la COP 20

 

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Ouverture du « Vingtième Sommet des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements climatiques » (COP20) où l’on tente de trouver des arrangements pouvant se révéler lourds de conséquences face aux menaces climatiques.

Dans ces négociations, nous, Organisations Paysannes entendons bien que l’agriculture familiale indigène traditionnelle ne soit pas la grande oubliée, comme ce fut le cas par le passé, vue l’importance des répercussions du Changement Climatique sur nos systèmes agroalimentaires, encore aggravées, entre autres, par les modèles extractivistes imposés dans la Région qui conduisent à la privatisation des ressources naturelles et à la monopolisation des terres par quelques-uns pour la production de monocultures conventionnelles à grande échelle, destinées en grande partie à l’exportation.

Pour ce qui est des impacts du Changement Climatique sur les populations, il est clair que celles qui en pâtiront le plus seront aussi les plus pauvres, les plus vulnérables, parmi lesquelles, concrètement, nos communautés indigènes et paysannes. Pire encore, les conséquences du Changement Climatique et ses effets se font déjà ressentir dans l’agriculture, base de toute nourriture, l’économie et le mode de vie des peuples autochtones, indigènes et paysans.

Il est notoire que les familles paysannes indigènes qui se consacrent à l’agriculture familiale sont celles qui ont le plus besoin d’aide pour s’adapter au changement climatique, et bien peu de pays latinoaméricains mettent en œuvre des stratégies d’adaptation favorisant l’agriculture familiale et la Souveraineté Alimentaire. Dans le contexte régional la plupart des gouvernements appliquent des politiques de croissance économique et d’intégration sociale calquées sur des modèles dont on connaît la faible durabilité et la forte implication dans le phénomène du changement climatique tels que l’agro-exportation ou les méga-projets d’exploitation des ressources. De plus, ces politiques d’insertion sociale visant des populations à haut risque et extrêmement vulnérables, encouragent des schémas « béquille » de développement qui asservissent les communautés indigènes et paysannes, entravant leur vision du monde et d’eux-mêmes à devenir acteurs de leur propre développement.

En ce sens, ces politiques ont, d’ores et déjà, et à fortiori, auront des conséquences sur les droits des populations les plus démunies, qui vont être exposées à des risques accrus. En outre, ces retombées auront un coût (social, culturel, économique, sans parler de l’environnement), qui n’est pas pris en considération et devra cependant être assumé par ce même Etat qui ne fait rien pour l’anticiper. C’est pourquoi, le problème n’est pas seulement environnemental, mais réellement complexe dans la mesure où il affecte les individus et leur mode de vie, et qu’il devrait être abordé en tenant compte de toute cette complexité.

La réponse des organisations paysannes autochtones :

Les organisations appartenant à la CLOC-VC proposent une solution globale pour traiter des aspects structurels qui devraient être considérés au cœur du problème, le modèle et l’organisation de la production, la distribution et consommation au niveau mondial soutenus par des politiques nationales et internationales, typiquement industriels, délocalisés et aux mains de quelques multinationales agroalimentaires qui prônent, en outre, les cultures transgéniques comme solution ultime à la faim et aux conditions climatiques.

Autre sujet conflictuel dont nous devons débattre, celui de la production à grande échelle de biocarburants pour minimiser la consommation d’énergie fossile, ce qui, outre ne pas résoudre le problème climatique, affecte sérieusement l’utilisation des terres pour la production agricole destinée à la consommation humaine, aggravant de ce fait la crise alimentaire.

En tant que travailleurs et travailleuses de la terre, nous nous déclarons en faveur de modèles alternatifs ayant pour axe central la Souveraineté Alimentaire. Par Souveraineté Alimentaire, nous entendons le droit des populations à définir nos propres politiques et stratégies durables dans les domaines de la production, distribution et consommation d’aliments permettant l’accès à une alimentation adéquate pour tous, basée sur la petite et moyenne exploitation familiale, dans le respect de nos cultures et de nos différents types d’activités, de l’agriculture, de la pêche et des communautés indigènes de production agricole, de commercialisation, de gestion de nos territoires, dans lesquels la femme joue un rôle primordial.

A cet égard, nous manifestons clairement notre opposition aux grandes entreprises de l’agrobusiness et exigeons leur complet démantèlement. En effet, elles occupent une position hégémonique dans le système agroalimentaire mondial et leurs pratiques nuisent gravement à l’agriculture indigène et paysanne. Elles sont le moteur du système agroalimentaire actuel, mondialisé et responsable de la production d’aliments standardisés de mauvaise qualité, la destruction de l’environnement par l’usage incontrôlé de produits agrochimiques ou la déforestation sauvage pour repousser les limites des terres cultivables. De surcroît, elles attentent à nos droits fondamentaux tels que l’accès à nos propres territoires et le droit de tous à l’alimentation.

En revanche, nous proposons un modèle d’agriculture paysanne indigène basé sur des principes de durabilité tant au niveau de la production que de la distribution et la consommation. Nous, les populations devons en être les principaux acteurs, au titre de productrices et producteurs.

Pour ce faire, il convient donc de mettre en évidence et de valoriser les coutumes, savoirs et cultures ancestraux que nos communautés ont fait perdurer au fil des siècles, comme point de départ à l’essor de politiques et stratégies modérées, par le biais de technologies culturellement adaptées.

Nous réclamons également le libre accès et contrôle des ressources nécessaires à la culture et à la distribution d’aliments tels que le territoire, les semences, la technologie ou le financement. C’est pourquoi nous rejetons en bloc la privatisation et la commercialisation des aliments, les services publics de base, les connaissances, les territoires, l’eau, les semences et le patrimoine naturel et nous revendiquons le respect de nos droits individuels et collectifs.

Face aux règles actuelles de l’Organisation Mondiale du commerce, qui empêchent les pays de renforcer leur propre système de production, distribution et consommation d’aliments et d’accorder la primauté aux intérêts de la population locale, nous exigeons des politiques et positionnements publiques favorables au développement de mécanismes qui protègent la production nationale et locale vis à vis des importations et des capitaux étrangers destinés à l’agro-exportation, pour garantir des prix justes tant pour les producteurs que pour les consommateurs.

Nous défendons l’agriculture paysanne indigène comme solution réelle au réchauffement climatique, car elle propose des systèmes agroalimentaires durables, qui améliorent la qualité de vie dans les zones rurales et urbaines, augmente les possibilités d’adaptation au Changement Climatique et atténue ses effets en restaurant et maintenant l’équilibre des territoires.

Par conséquent, les négociations internationales sur le changement climatique ne doivent pas se borner à la seule réduction quantitative des gaz à effet de serre et à l’analyse du problème en termes de ressources naturelles. Elles doivent porter sur l’adaptation et la modération dans un processus de transformation vers des façons de vivre équitables et durables, en utilisant des financements contrôlés de manière souveraine par nos peuples, qui sont les plus affectés étant aussi les moins polluants.

En tant qu’organisations paysannes et indigènes, nous encourageons des modèles intégraux de développement du Bien Vivre, qui comprennent des actions et propositions à tous les niveaux, local, régional et mondial.

La crise climatique, comme nous l’avons démontré, n’est pas seulement un problème d’environnement, mais un problème social, culturel, technologique, économique et politique qui exige un changement radical d’orientation vers des modèles plus respectueux de la durabilité de la vie et des droits fondamentaux de tous les êtres humains.

Confederación Nacional Agraria -CNA-, CLOC/Vía Campesina

CLOC/Vía Campesina, 9 décembre 2014

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Florence Olier-Robine

El Correo. Paris, 15 décembre 2014.

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