recherche
7 de diciembre de 2004

Infodominance et globalisation

 

Par Saïda Bédar
CIRPÉS. Les Cahiers du Numérique
Vol. 3 n°1-2002 "Guerre et stratégie"

L’analyse du paradigme stratégique américain de dominance informationnelle, ou infodominance, nous renvoie à l’évaluation de la relation entre la globalisation et la révolution de l’information dans la lecture des procès transformationnels de l’histoire récente et en cours. Le rapport entre la techné et le capital est une interaction rationalisante/légitimante qui investit le champ social - c’est le propre de la société industrielle. Or, les avancées de la techné informationnelle et communicationnelle (robotique, numérique, satellitaire, intégration industrialo-informationnelle des micro- et biotechnologies), y compris dans ses applications militaires (RMA, space/cyber power) ne sont qu’un facteur de la globalisation. Il s’agit dès lors de discerner le phénomène de l’extension du capital cum la techné à de plus en plus d’espaces sociaux via la marchandisation, la transnationalisation, la libéralisation du commerce et les nouveaux modèles entrepreneuriaux, des effets "civilisationnels" - nouveau rapport à l’espace-temps, nouveaux modes cognitifs et culturels, accroissement du "contenu informationnel" de l’économie et du monde du travail. Du mythe de "la prédominance de la machine sur l’homme" au nouveau mythe de "l’avènement de la société cognitive" globale si ce n’est universelle, l’idéologie positiviste néolibérale, tend à représenter la sociabilité industrialo-informationnelle comme un procès politiquement désincarné. La représentation du triomphe du "progrès" et de la "connaissance" masque les origines de l’accumulation du capital et de la puissance hégémonique. La stratification sociale, le contrôle social plus ou moins violent, la reproduction de l’échange inégal centre-périphérie, l’exploitation de la nature à outrance sont effacés par un modèle de la distribution de la connaissance en amont de la distribution des richesses, et du rapport de force/ligne de fracture (great divide) non plus entre les have et les have nots mais entre les winners et losers de la globalisation et de l’accès à la techné.

Face à cette représentation politiquement désincarnée des nouveaux espaces-temps de la globalisation (la fin du territoire serait la fin de la géographie, et la fin du politique serait la fin de l’histoire), il faut réévaluer les modes de la médiation politique - la centralisation nationale versus réseau local-régional/transnational. Dans un système globalisé, interconnecté et "complexifié", les fonctions "régulatrices" de l’Etat - garantie du droit à la propriété privée, obligations contractuelles, stabilité monétaire et sécuritaire, contrôle social y compris du capital "insoumis" - tendraient vers la garantie du libre accès et de la transparence (équilibre entre monopole de la violence et de l’information).

La globalisation comme démonstration de la supériorité technologique, organisationnelle, politique et stratégique du capital, trouve ses limites dans la multiplication des acteurs stratégiques et l’atomisation/autonomisation des sous-systèmes culturels et politiques différenciés, et leurs capacités asymétriques [1] de "nuisance" et potentiellement d’overextension du pouvoir hégémonique mondial. Ainsi, la garantie contre l’overextension n’est-elle non plus seulement la portée globale (global reach) mais aussi l’ubiquité par l’infodominance.

I/ La globalisation comme "grande transformation"

1 - La globalisation comme structure sociale dominante

La globalisation est un bouleversement social, une "grande transformation", une reconfiguration du mode de socialisation dominant, le capitalisme, qui entraîne des changements dans l’organisation des espaces sociaux. La globalisation et l’autonomie accrue du système économique mondial entraînent le déclin du système interétatique comme le lieu central du pouvoir mondial. Selon des temporalités différentes (post Bretton Woods/ post guerre froide, "élargissements" de l’OMC, de l’OTAN, de l’UE, etc.), le système économique mondial et le système politique mondial évoluent en parallèle vers de nouvelles configurations sociospatiales - régions, organisations supra-étatiques, réseaux translocaux, etc. En tant que structure sociale dominante la globalisation se définit aussi par des normes, des institutions, des mécanismes et des représentations qui tendent à l’hégémonisation ("universalisation ethnocentrée") d’une forme de civilisation à partir d’une position de puissance.

La globalisation/expansion du système capitaliste est due essentiellement: aux mutations techniques (la "révolution de l’information") qui permettent le transfert rapide de capitaux et la gestion industrielle flexible ; à l’extension des réseaux d’investissements et commerciaux établis par les firmes multinationales ; au développement des blocs commerciaux régionaux ; aux avancées des négociations sur la libéralisation du commerce international ; à la libéralisation des économies des pays en voie de développement (y compris ancien bloc soviétique). Mais la globalisation n’est pas seulement une mondialisation du système capitaliste due à la transnationalisation du capital et la délocalisation de la production. C’est un envahissement grandissant du champ social par le capital, avec d’une part la normalisation des réseaux économiques et périéconomiques (systèmes juridiques et politiques, sécurité, environnement, éthique, etc.), la "marchandisation" croissante des services, de la science et de la culture, et d’autre part l’apparition de nouveaux centres de pouvoir sociospatiaux non-étatiques et non-territoriaux, émancipés de la tutelle des juridictions politiques différenciées. Elle tend vers la superposition de normes institutionnalisées (issues du compromis politique et non de "la main invisible du marché") favorables aux acteurs/structures globales et transnationales sur des systèmes plus ou moins hiérarchisés et segmentés, réticulés et interconnectés.

La globalisation est également une idéologie, rationaliste-positviste néolibérale, qui reproduit le consensus hégémonique autour des "croyances" en la modernité et au progrès. Permettant de concevoir l’ordre étatique le moins chargé de violence et l’établissement de normes et régimes rationalisant/légitimant le mode de socialisation dominant, la globalisation annoncerait la fin de la guerre entre nations "démocratiques", normalisées et intégrées au système-monde. La globalisation résoudrait la contradiction entre la translocalisation nécessaire à l’accumulation du capital et le territorialisme de l’Etat, alors que l’hégémôn assurerait la fourniture des "biens publics" internationaux que sont la sécurité et le libre échange. La dualité système américain/système-monde rend ainsi la position de puissance hégémonique des Etats-Unis "bénigne", voire bénéfique. Par ses capacités économiques, technologiques, militaires, normatives et symboliques, l’hégémôn américain offre la confiance nécessaire pour le maintien des institutions et des régimes libéraux régulant le système monétaire et les relations commerciales internationaux, il assure le libre accès aux matières premières, aux marchés et aux sources majeures de capitaux. Déterritorialisant les représentations sociales de l’identité et de l’intérêt, la globalisation se fonde sur la symbolique de la Gesellshaft mondiale.

2 - Les ruptures sociospatiales de la globalisation : fin de la sanctuarisation et du panoptisme

La globalisation entraîne la nécessité de la transformation stratégique de l’hégémôn, de ses moyens de contrôle social global - le "métacontrôle". Les Etats-Unis fondent leur hégémonie sur la supériorité techno-capacitaire (économique, technologique et militaire) et la normalisation ethnocentrée (shaping the world) [2], comme modes d’insertion dans le système mondial à moindre risque et à moindre coût (rapport intérêts nationaux/intérêts globaux). C’est l’infodominance qui désormais cristallise ces modes, selon une configuration sociospatiale globalisée et "désenclavée" - idéalement ubiquitaire - de flux et réseaux qui ne sont plus contrôlables par les moyens d’endiguement social traditionnels. La "fin" de la fixité historique des frontières déclasse la sanctuarisation et le panoptisme comme paradigmes centraux de contrôle social (de la violence, de l’illégalité, de l’insoumission). Alors que la transnationalisation des acteurs, des vulnérabilités, des risques et conflits, rend vaine la sanctuarisation, le panoptisme - en tant qu’exercice du pouvoir spatialement organisé pour assurer le contrôle social par la surveillance à partir d’un point central ou nodal - a peu d’emprise sur la virtualité des espaces informationnels et communicationnels, sur l’invisibilité permise par les moyens de dissimulation et camouflage, ou encore face à la difficile discrimination des adversaires dans les "zones grises". La sanctuarisation et le panoptisme constituaient une configuration stratégique issue de la capacité des Etats à fixer les segments sociaux différenciés dans des espaces délimités par la coercition, la taxation, le droit et les infrastructures géographiques (transportuaires, communicationnelles, industrielles, urbanisantes, etc.), mais aussi par des réseaux sociaux, notamment par une interpénétration de l’Etat et de la société civile pour endiguer les réseaux sociaux identitaires "concurrentiels" (locaux, régionaux, transnationaux, religieux, ethniques, etc.).

L’infodominance compense la fin de la sanctuarisation et du panoptisme en optimisant les capacités économiques, militaires et idéologiques de portée globale (global reach) de l’Etat, et en permettant l’ubiquité et le maintien de la profondeur stratégique temporelle (le temps réel). La stratégie de l’infodominance permet l’intégration de tous les acteurs et facteurs du contrôle social, au-delà des moyens de maîtrise/mise en forme logistique des espaces de l’Etat. Selon une approche "hypersystémiste" (l’intégration par le "système des systèmes" [3]) le contrôle social des réseaux et espaces "stratégiques" n’est plus essentiellement géopolitique (l’État assurant la garantie/extension du "droit à la propriété" à l’extérieur des frontières) mais plus directement logistique "tous azimuts", privé ou public, civil ou militaire, national ou transnational. Les facteurs et acteurs non-étatiques deviennent des acteurs stratégiques que l’État peut utiliser comme relais. Ainsi, les États-Unis ont désormais recourt à des voies et moyens de type "zones grises" qui contournent le principe de souveraineté nationale et effacent les frontières territoriales (interne/externe) et systémiques (public/privé, civil/militaire). Cela peut renvoyer aussi bien à la transnationalisation du FBI, qu’au recours à la diplomatie et la sécurité privées, à l’intégration systémique des ONG dans les "opérations de paix", ou encore l’intervention des firmes multinationales dans la reconstruction des "Etats faillis" (failed states).

3 - L’infodominance conforme à l’idéologie hégémonique américaine : l’unilatéralisme ethnocentré "post-libéral".

On peut nommer "idéologie hégémonique" américaine, celle qui domine et résulte de l’expérience historique, qui est issue des rapports de force sociaux et des influences culturelles diversifiées, et s’est hégémonisée (consensus asymétrique du "bloc historique", et communautarisme). Influencée par les "mythes fondateurs" (l’Amérique terre promise, la "frontière", la "destinée manifeste"), l’idéologie américaine est conforme à l’idéal communautaire, à la démocratie comme mise à l’épreuve publique des idées individuelles, à la réussite comme test de la valeur des idées, et au "messianisme", l’idéologie américaine étant appelée à devenir l’idéologie du monde de demain. Instrument stratégique multidimensionnel (projection de puissance économique, technologique, militaire et symbolique), l’infodominance est un produit de l’idéologie américaine. Elle procède, en effet, de la capacité de contrôle du sens, des valeurs, des normes, et de l’esthétique, qui permet la consolidation, la reproduction et l’extension du pouvoir hégémonique. Elle est à la fois en amont et en aval de la métastratégie du shaping the world, qui selon une approche fondamentalement anthropologique, tend à refonder l’interprétation du monde (nouvelle rationalité/légitimité) sur une base ethno-culturelle et normative.

Si l’on considère que la stratégie a pour préalable la restitution du sens - comprendre, interpréter, représenter, "façonner" le monde pour le dominer - on peut appréhender l’infodominance comme un processus d’exercice et de diffusion des catégories de pensée spécifiquement américaines. Il s’agit essentiellement :

 de la conception de l’univers, l’environnement en terme darwinien, comme un ensemble organique en perpétuelle transformation, et du sujet comme un carrefour de transaction en continuité avec l’environnement ;

 du rejet de la rationalité naturelle et transculturelle au profit d’une rationalité pratique fondée sur l’ethnocentrisme (médiation de la communauté en tant que finitude humaine) et sur la recherche de la vérité en tant que recommandation des croyances justifiées pour la communauté (est vrai ce qui est bon pour la communauté );

 de la primauté de l’action, l’idée trouve sa vérité dans l’action et toute pensée, toute connaissance, est par nature provisoire. La pensée américaine rejette la contemplation et l’appréhension intuitive du réel. L’être ne se saisit pas par l’intuition mais par l’action et l’interprétation des signes que renvoie le réel.

Opposé à la tradition culturelle occidentale (philosophie grecque, Renaissance, les Lumières) fondée sur la recherche de la vérité, l’objectivité et le transculturalisme, le système de pensée américain s’organise autour de l’engagement communautaire (pragmatisme et ethnocentrisme). Ce système de pensée produit une vision du monde holistique et antireprésentationnaliste : le référentiel communautaire local, "nous", agit sur l’environnement selon les principes de la continuité (pas de séparation dualiste entre l’homme et la nature, l’individu et le social, le privé et le public...), et de transaction (évolution permanente de la substance), et s’adapte aux évolutions de l’environnement, éventuellement en le reconstruisant. Le rejet de la tradition philosophique européenne équivaut au refus de la présupposition d’un but commun à toute l’humanité pour dépasser le scepticisme.

L’ethnocentrisme, l’anti-universalisme, l’anti-humanisme de l’idéologie américaine revendiquent la solidarité communautaire comme un mode de socialisation historique qui n’aurait pas de justification philosophique particulière. Et c’est dans la mesure où elle n’a aucune prétention à l’exception philosophique (ni éthique ou scientifique), que la civilisation occidentale libérale globalisée permettrait aux êtres de se réinventer sans cesse, de créer de nouvelles images d’eux-mêmes, de nouveaux lexiques et de nouveaux instruments. Ainsi, l’ethnocentrisme pragmatiste américain se présente comme une option post-libérale (ou libérale post-moderne?), qui ne serait pas l’imposition de normes culturelles ethnocentrées au reste du monde mais la diffusion d’un modèle américain fondé sur la rationalité instrumentale - la globalisation de modèles institutionnels efficients.

II - L’infodominance comme instrument de métacontrôle et de puissance hégémonique

"Cependant un nouvel espace tend à se former, à l’échelle mondiale, en intégrant et désintégrant le national, le local. Processus plein de contradictions, lié au conflit entre une division du travail à l’échelle planétaire, dans le mode de production capitaliste - et l’effort vers un autre ordre mondial plus rationnel. Cette pénétration de et dans l’espace a eu autant d’importance historiquement que la conquête de l’hégémonie par la pénétration dans l’institutionnel. Point capital sinon final de cette pénétration : la militarisation de l’espace... qui parachève la démonstration, à l’échelle à la fois planétaire et cosmique."
Henri Lefebvre, La production de l’espace.

L’infodominance est le paradigme qui codifie le nouveau rapport espace/pouvoir/savoir impliqué par la grande transformation qu’est la globalisation. L’espace occidental moderne, le produit social des modes de production et de pensée dominants et codifié depuis la Renaissance, à partir de l’héritage grec (géométrie euclidienne et logique), comme un lieu abstrait et ordonné par le perspectivisme (art, architecture, philosophie) et le technicisme (réseaux logistiques et de télécommunications), est aujourd’hui remis en cause par la "compression du temps". Le "temps réel", modifie la relation espace/savoir/pouvoir et remet en cause les représentations "astratégiques" de l’espace et du temps comme des phénomènes "naturels" et "culturels" inertes, fragmentant ou homogénéisant les segments sociaux. L’infodominance, en tant qu’exercice de l’hégémonie par la supériorité, voire le monopole, de l’information à des fins de contrôle sociospatial optimal (pour l’exploitation des ressources naturelles, l’accumulation du capital, le contrôle social), révèle le statut hautement stratégique de l’espace-temps : il est inséré dans des stratégies sociales, normé, planifié, produit.

1 - L’infodominance permet la "révolution militaire" : la profondeur stratégique par la compression du temps

Le déclassement de l’approche de la fixité spatio-temporelle du contrôle social incarnée par la sanctuarisation et le panoptisme, laisse place à des approches stratégiques de la fluidité et de l’ubiquité spatio-temporelle. A un niveau militaire, l’infodominance permet la RMA [4] et à terme l’accès à l’ubiquité, la connaissance situationnelle (situational awareness) sur le champ de bataille, la vitesse, la synchronisation nécessaires à la neutralisation des crises et conflits par la "préclusion" stratégique. La préclusion, rendue possible par la "numérisation" des forces armées et l’organisation du combat en réseaux informationnels (network centric warfare) synergiques et intégrés, s’élabore autour du paramètre de la compression du temps qui permet la "suspension de l’acte de guerre", le facteur-temps technique de "modération" et d’évitement de l’escalade surdéterminant les ou se substituant aux temporalités politiques [5]. L’intégration informationnelle permettra la réduction du temps du déploiement, de la manoeuvre tactique, de la traversée de la killing zone, du tir, et du soutien logistique. Elle favorisera la rapidité dans la prise de décision et l’exécution des opérations, et favorise l’intégration interarmes, interagences, interalliés, la "civilianisation" [6], la synergie industrialo-militaire, en somme l’intégration du "système des systèmes". Dès lors l’objectif "zéro-mort" n’est pas tant le résultat d’un processus d’acculturation guerrière (ou de la couardise) que l’objectif de la conclusion rapide de la crise et/ou du conflit (y compris par le recours à la force écrasante - overwhelming and decisive force selon la doctrine Powell [7] - et hyperlétale pour l’adversaire).

A travers la nécessité de l’alerte avancée et de la supériorité décisionnelle qui permettent la préemption et la préclusion, l’infodominance implique l’asynchronie, c’est à dire l’acquisition de la profondeur stratégique non plus par de l’espace mais par du temps (telle la quasi-simultanéité de la réponse nucléaire). Idéalement l’acquisition de la profondeur stratégique par le "temps réel" favorise le repli logistique sur le continent américain (déploiement des troupes terrestres en 96 heures, systèmes d’armes à longue portée, flexible basing, etc.). Le repli sur le continent s’accompagne d’un déploiement dans l’espace pour la projection aéroterrestre plus efficace. Les Etats-Unis deviendraient une puissance continentalo-spatiale, maîtres d’un nouvel espace (orbital et cyber) produit par leurs normes et leur système de représentations, codifié comme un lieu de flux permanent, hors de la portée de la fixité historique et politique (souverainetés, droit, frontières...).

2 - L’espace comme medium de l’infodominance

Le spacepower devient l’instrument privilégié du global reach de l’hégémonie américaine sur le système-monde. L’espace est une nouvelle frontière qui recule les limites de l’exploitation de la nature. Les programmes d’exploration, d’exploitation et de colonisation de l’espace visent en effet à accroître les possibilités d’acquisition des moyens de la supériorité informationnelle (C4ISR [8], navigation, surveillance environnementale, météorologie, géodésie et cartographie) et à terme l’accès à des moyens de production d’énergie et autres "industries spatiales" (laboratoires et technopoles spatiaux, exploitations minières sur Mars et la Lune, tourisme) [9]. L’exploitation de l’espace demeure largement géocentrée [10] et déterminée par le souci du retour sur investissement scientifique. L’extension de la "géospatialité" humaine implique l’extension des projections de puissance géopolitiques et géoéconomiques. Ainsi le spacepower, qu’on peut définir comme l’exercice de la puissance par l’exploitation industrielle civile (scientifique et commerciale) et militaire de l’espace - la militarisation étant à la fois une conséquence de l’exploitation commerciale (trade follows the flag) et une cause (expansion spatiale du complexe militaro-industriel) - peut être considéré comme une nouvelle "production" du système hégémonique américain, la "mise en forme" impériale (shaping the world) s’étendant à l’espace (shaping space [11]).

Aujourd’hui les industries spatiales relèvent largement de l’infodominance, à savoir de l’intégration informationnelle (haut débit, compression des données, rapidité et précision du traitement, représentations virtuelles et simulation) de tout système de production, à des fins d’exploitation optimale des ressources naturelles et humaines et de rationalisation (réduction des coûts, amélioration des performances et de la productivité) [12]. Dans un avenir proche les Etats-Unis seront en mesure de déployer des pico satellites de quelques centimètres cubes pouvant être lancés du sol au canon ou répartis dans l’espace par milliers à partir d’une navette. A terme, le recours aux nanotechnologies, ultra miniaturisation, permettrait la "vaporisation" de satellites à partir des véhicules orbitaux. La miniaturisation permettra la redondance et donc la sécurisation des satellites et la réduction des coûts de lancement et d’assurance.

L’espace comme medium de l’infodominance a été conceptualisé par les stratèges américains selon quatre approches, quatre doctrines implicites, chacune ayant prédominé à un moment donné mais toutes étant considérées comme des options depuis le début l’ère spatiale (les années 1950) : le sanctuaire, la survivabilité, le contrôle, et le high-ground [13]. La doctrine du sanctuaire était celle des années 1950-1960 qui considérait l’espace comme la position privilégiée pour "vérifier" et surveiller les activités militaires des Soviétiques, ainsi que pour assurer l’alerte avancée en cas d’attaque nucléaire par ICBM (missiles balistiques intercontinentaux). Fondée sur la logique de la dissuasion, et le libre survol des territoires adverses (open skies), cette doctrine implique l’interdiction du déploiement de systèmes d’armes dans l’espace et du déploiement de systèmes antimissiles sur terre ou dans l’espace. La doctrine de la survivabilité, qui émerge à la fin de la guerre froide (effet guerre du Golfe) envisage l’emploi des systèmes spatiaux à des fins de sanctuarisation stratégique mais également à des fins d’utilisation tactique comme soutien aux combats "terriens" (air, mer, terre). Elle remet en cause la doctrine de la sanctuarisation en reconnaissant les vulnérabilités des systèmes spatiaux face au développement des systèmes anti-satellites (ASAT). La doctrine du contrôle spatial fait de l’espace un environnement commercial et militaire majeur et donc de combat potentiel. Elle préconise le développement de capacités offensives et défensives au delà des moyens de surveillance. C’est une doctrine essentiellement post-guerre froide, en concurrence avec la doctrine du high-ground qui préconise les mêmes options mais envisage également une "verticalisation" (recours aux moyens spatiaux) de la guerre terrienne plus importante et le recours à des systèmes antimissiles dans l’espace et sur terre. Cette doctrine, qui est monté en puissance ces cinq dernières années sous la pression des lobbies industriels de l’aérospatial et face aux demandes en moyens spatiaux des industries des télécommunications [14], est celle avancée par l’Administration Bush, en particulier l’équipe Rumsfeld issue de ces lobbies [15]. Ainsi, en mai dernier un plan de réorganisation du programme spatial américain centré sur "la protection des satellites d’une attaque ennemie" a été mis en place [16].

La domination du champ stratégique par le paradigme de l’information s’est traduite par la collusion de l’espace orbital et du cyberespace. Cette collusion des deux espaces informationnels est certes le fait d’une rationalisation technique, le flux informationnel utilisant les deux supports, mais aussi la manifestation d’une volonté politique forte de soutenir un nouveau cycle de la reproduction industrialo-informationnelle de la puissance américaine. Alors que le nouveau concept opérationnel de l’Air Force est fondé sur "l’optimisation de la synergie des systèmes terriens, atmosphériques, spatiaux, et cybernétiques" [17], le Space Command s’est vu attribuer la mission de la défense et de l’attaque des réseaux informatiques [18].

Le spacecontrol devient un élément central de la doctrine américaine dans ses aspects stratégiques (antimissiles, nucléaire, infodominance) et opérationnels de la projection de force (manoeuvrabilité et opérationalisation des systèmes spatiaux, notamment par le développement des avions spatiaux et des microsatellites). La militarisation de l’espace se justifie par la nécessité à la fois de compenser et de garantir le "non-droit" international [19]. Il s’agit de protéger des systèmes commerciaux et militaires mais aussi de produire un espace (à la manière des "routes maritimes" et des great commons plutôt que des "eaux territoriales" marquées du sceaux de la souveraineté) par le "balisage" techno-militaire plutôt que par du droit. Le non-droit n’est pas anomique mais stratégique, l’espace doit demeurer largement une zone de non-droit dans la mesure où la rapidité des progrès technologiques ne permettrait pas un ajustement à la temporalité juridico-politique. Le droit international (en particulier l’établissement de souverainetés nationales et l’interdiction de la weaponization) risquerait de devenir un frein aux développements technologiques et un obstacle à la puissance américaine.

3 - L’intégration des nano- et biotechnologies aux technologies informationnelles

L’infodominance implique le développement de nouveaux modes d’évaluation et de perception de l’environnement, par la multiplication des capteurs, l’amélioration du traitement des signaux, de l’analyse des données, de la transmission. L’optimisation de la perception permet l’optimisation de l’intervention sur l’environnement. Le développement de la micro-électro-mécanique (MEMS, MicroElectroMechanical Systems) et ses applications diversifiées, au cours des années 1980-1990, sont à l’origine de la numérisation croissante de l’environnement des sociétés développées (informatique, télécommunications, automobile, aéronautique, génie biomédical, etc.). La technologie des MEMS est aujourd’hui le moteur de la recherche et développement industrialo-informationnelle aux Etats-Unis (avec en pointe les secteurs de l’informatique et de l’automobile, Hewlett-Packard, Texas Instruments, Analog Devices, Motorola, Delco, Ford Microelectronics...), demain se seront les biotechnologies. A la révolution de l’information succède la "révolution des matériaux" - les MEMS, les matériaux intelligents (qui s’adaptent à l’environnement, qui identifient, etc.), les nano-semiconducteurs (senseurs ubiquitaires multifonctionnels) - puis la "révolution du vivant" - la biotechnologie (le génie génétique appliqué, tel le clonage, le "codage" génétique, la thérapie génétique, les OGM, et l’interfaçage homme/machine, tel la biométrie ou l’implantation de "puces"). Les technologies issues de la combinaison de ces trois révolutions créeront des moyens de multiplier les facteurs puissance dans l’exploitation et le contrôle de la nature et des collectivités humaines.

L’avenir de ces technologies dépendra des poussées systémiques qui s’exerceront dans un quasi-vide juridique et éthique, si ce n’est le droit à la propriété intellectuelle et le brevetage. Les logiques application-driven et market-driven s’opposeront aux logiques technology- et science-driven, et le développement concurrentiel cadré par la suprématie américaine et la tendance oligopolistique dans certains domaines, surdétermineront les avancées scientifiques au profit de la rentabilité et du retour sur investissement. Une prédominance des effets hiérarchiques sur les effets collectifs de la diffusion de la techné entraînera son lot d’inégalités, de déstructuration, et de violence. Par ailleurs la logique de marché aggravera les effets d’envahissement de la vie privée par la tendance à l’accès direct au consommateur ("cookies" espionnant les modes de consommation de chacun, "profilage", etc.), alors que la culture du renseignement (intelligence économique, surveillance sécuritaire ubiquitaire) s’étendra à l’ensemble de la société civile.

4 - La pénétration institutionnelle et sociétale du renseignement

La nouvelle "gouvernance" impliquée par la globalisation a entraîné de nouveaux rapports entre Etat et société civile, entre le public et le privé et entre le civil et le militaire, effaçant des frontières systémiques dans le domaine de la sécurité. La "sécurité nationale" devient ternaire et renvoie désormais aussi bien à la projection de puissance à l’extérieur qu’à la sécurité territoriale et à l’action transnationale. La transformation des appareils de sécurité de l’Etat par l’intégration informationnelle pour la supériorité décisionnelle et stratégique n’implique pas uniquement des options technologiques mais avant tout des réajustements organisationnels et institutionnels. L’option favorisée par les Etats-Unis peut se résumer à: "privatisation de la sécurité, militarisation des agences de police et gendarmification du militaire" [20]. Les agents du FBI sont habilités à mener des enquêtes et à procéder à des arrestations à l’étranger [21]. Le FBI est devenu l’instance juridique américaine transnationale, alors que les agences de renseignement militaires la NSA et le NRO [22] sont impliquées dans les opérations de protection des systèmes informationnels civils. [23]

L’attaque du 11 septembre a entraîné une institutionnalisation accélérée de pratiques entérinées progressivement par la lutte contre "les nouvelles menaces" (terrorisme, crime organisé, narcotrafic, prolifération) qui ont été codifiées comme des nouveaux critères sécuritaires dans les dernières années de la guerre froide, succédant au critère de l’anticommunisme. En effet, la demande en matière de renseignement s’est considérablement accrue (entre 1980 et 1986, au moment de l’augmentation sans précédent de 40% des budgets de la défense, les budgets du renseignement ont augmenté de 125%). Le renseignement, soumis aux impératifs de la prévention et de l’alerte avancée, de la protection des forces américaines à l’étranger et de la connaissance situationnelle (situationnal awareness) sur le champ de bataille, se voit attribuer des nouvelles missions "grises". L’intégration entre le FBI, la CIA et le Pentagone est aujourd’hui assurée par un processus interagences mis en place pour la lutte anti-terroriste, la lutte anti-mafias et le contre-espionnage, et institutionnalisé fin 2000 par le plan Counter-Intelligence 21 (CI-21). Ce plan donne les bases constitutionnelles à une refonte du renseignement selon un abaissement des frontières entre l’application du droit américain (american law enforcement) la collecte du renseignement à l’étranger (foreign intelligence gathering) et l’état de préparation de la défense (defense preparedness). Le renseignement investit de plus en plus le champ stratégique au détriment de la culture diplomatique et du débat politique. Ainsi, le sénateur Patrick Moynihan, membre de la commission sur le renseignement, s’inquiétait : "Le renseignement a pris une telle importance qu’il est entrain d’éclipser le Département d’Etat" [24].

Les instruments de l’infodominance sont aussi juridiques et politiques. La limitation des libertés civiques et du contrôle démocratique des pratiques "grises" entre répression de la criminalité et renseignement, risque de devenir une option dominante dans l’après 11 septembre. On peut citer quelques mesures prises (par voie législative du Congrès ou ordres exécutifs présidentiels) : la création de tribunaux militaires spéciaux pour juger les personnes soupçonnées de terrorisme, la détention illimitée et la déportation des immigrés clandestins soupçonnés de collusion avec une entreprise terroriste, la recevabilité des preuves recueillies par la CIA devant les tribunaux, l’extension du droit du FBI à obliger un serveur d’Internet à communiquer les informations contenues dans les e.mails, la possibilité de qualifier rétroactivement toute condamnation pour troubles à l’ordre public d’actes terroristes, etc. Si l’attaque du 11 septembre constitue à la fois un échec et une "zone d’ombre" pour le renseignement américain, la réponse à l’attaque annonce l’ère du renseignement et de l’infodominance triomphante. La "guerre au terrorisme" légitime les critères globaux de la transparence et du libre accès, notamment par l’abaissement des barrières du droit et de la souveraineté, aussi bien au centre qu’à la périphérie.

Par ailleurs l’après 11 Septembre a formalisé le nouveau droit à et de la guerre (jus ad bellum et jus in bello). En effet, la guerre peut se justifier et être légitimée internationalement désormais par des informations tenues secrètes et recueillies par le renseignement, qui est par excellence un domaine "gris" en interaction permanente entre le légal et les réseaux criminels. [25] L’infodominance qui permet la monopolisation du savoir (celui qui sait, produit et domine les espaces sociaux) et du sens (celui qui produit et domine les espaces a le pouvoir de restituer du sens), conforte l’ordre hégémonique contre les possibilités de la spatialisation transformative, non plus par le maintien de l’illusion de la stasis historique, et politique, mais par la représentation du risque transnational, de la menace de mort/perturbation permanente sur l’habitat et l’être.

Conclusion

L’infodominance devient l’arme stratégique par excellence (l’information "ça sert d’abord à faire la guerre"... et à accumuler le capital). La dissuasion nucléaire obtenait son statut "métastratégique" par son effet "vitrificateur" de l’ordre de l’équilibre des puissances dans la phase ultime de l’ère westphalienne. La globalisation détrône le système interétatique comme le centre du pouvoir mondial et "socialise" de plus en plus d’espaces (extension du système capitaliste, state/space and war making...). L’infodominance, qui s’exerce par la normalisation/shaping, la dissuasion, la préemption et la coercition, garantit la maîtrise du continuum stratégique savoir/espace/pouvoir.

Fondement du cycle de la reproduction industrialo-informationnelle de l’hégémonie américaine, l’infodominance, alliée au contrôle des marchés et des flux énergétiques, et à terme des sources de la biodiversité, assure à la fois un mode de "développement durable" et un mode de métacontrôle social global plus ou moins violent. Or, les limites de ce cycle hégémonique ne résident-ils pas dans le développement - en marge, en "niche" ou en interaction concurrentielle - de modes communicationnels et cognitifs autonomes qui donnent aux adversaires systémiques des capacités asymétriques techniques, doctrinales, symboliques et éthico-politiques, de contourner voire d’annuler les effets de puissance hégémonique ? Sans doute faut-il éviter la téléologie catastrophiste de type "l’infodominance est son propre fossoyeur", mais plutôt considérer les effets de l’ajustement hégémonique permanent, justement permis par les nouvelles capacités logistiques ubiquitaires de métacontrôle social.

Saïda Bédar

Notas

[1Pour une analyse de l’asymétrie cf. Saïda Bédar "Le paradigme de l’asymétrie - Vers une stratégie du contrôle social global ?", in Saïda Bédar (dir.), Vers une <> stratégique américaine ?, Cahier d’études stratégiques N° 31, CIRPES, novembre 2001.

[2Shaping the world est la terminologie officielle qui désigne la stratégie américaine post-guerre froide. Cette terminologie est apparue dans les textes officiels de la Maison Blanche et du Pentagone en 1997. Il s’agit concrètement de "façonner" (ordonner) le monde par l’harmonisation des pratiques et des normes internationales sur le modèle américain - des standards, des réseaux économiques et informationnels, des systèmes militaires. L’enjeu est la garantie du libre accès et de la transparence, à des fins d’investissements économiques, d’intervention militaire, et de "métacontrole" social, mais également une certaine garantie contre l’asymétrie par la diffusion conséquente des vulnérabilités du système américain à l’ensemble du système mondial. Pour une analyse du shaping the world/globalization cf Saïda Bédar "La globalisation comme paradigme de la stratégie américaine", in Saïda Bédar (dir.), La globalisation : <> du leadership américain ?, Cahier d’études stratégiques N° 28, CIRPES, octobre 2000.

[3Le "système des systèmes" renvoie à l’intégration des systèmes de C4ISR (commandement, contrôle, communications, computer et renseignement, surveillance, reconnaissance) et des sous-systèmes qui conditionnent leur fonctionnement : armements -R&D, production, acquisition- mais aussi structures de forces, logistique, infrastructures et facteurs humains, i.e. la doctrine, la culture stratégique, voire les systèmes politico-juridiques. cf Saïda Bédar "La réforme stratégique américaine: vers une Révolution militaire ?... opus cité.

[4La RMA (Revolution in Military Affairs) englobe trois niveaux :
 1) le technologique : intégration des nouvelles technologies de l’information dans les systèmes d’armes existants et intégration du C4ISR (commandement, contrôle, communications, computer et renseignement, surveillance, reconnaissance) ;
 2) le doctrinal et l’opérationnel : la technologie doit être expérimentée pour donner lieu à de nouvelles formes de combat ;
 3) l’organisationnel : il n’y a pas de RMA possible sans changement institutionnel profond (intégration interarmes, révolution entrepreneuriale de la gestion du Pentagone, intégration civilo-militaire). cf Saïda Bédar "La réforme stratégique américaine: vers une Révolution militaire ?, in Saïda Bédar, Maurice Ronai, Défis asymétriques et projection de puissance, Cahier d’études stratégiques 25, CIRPES, 1999.

[5Selon Clausewitz, la contradiction entre la guerre absolue (selon son pur concept) et la guerre réelle est résolue par la nature politique de la guerre, sa subordination à l’intelligence politique qui empêche la montée aux extrêmes. Les facteurs techniques de modération inhérents à la guerre et les contingences diverses - les frictions - qui mènent à la "suspension de l’acte de guerre", ne peuvent selon Clausewitz expliquer la non-manifestation de la guerre absolue Le "milieu non-conducteur" qui empêche une décharge complète de la guerre absolue est constitué par des forces et des circonstances dominées par les idées et les sentiments du moment. Karl Von Clausewitz, De la guerre, Les éditions de minuit, Paris, 1955.

[6La civilianisation renvoie 1)à la Revolution in Business Affairs - la réforme de type entrepreneuriale de la gestion du Pentagone par le recours aux acteurs et modèles privés, et 2) à l’intégration civilo-militaire qui évite la duplication des systèmes infrastructures et réseaux. cf Saïda Bédar "La réforme stratégique américaine: vers une Révolution militaire ?... opus cité.

[7La doctrine Powell est la doctrine d’emploi de la force codifiée par Colin Powell quand il était chef d’état major interarmes pendant l’administration Bush (le père). La diversité des adversaires potentiels contraint à envisager le combat selon un modus operandi flexible et versatile, apte à s’adapter aux réactions de l’adversaire et à l’environnement. L’interaction de l’action réciproque n’étant plus prévisible sur le champ de bataille (les tactiques et les systèmes d’armes soviétiques expérimentés lors des wargames, les forces US entraînées pour une "troisième guerre mondiale high-tech" en centre-Europe) et dans ses fins politiques (cadre interétatique "néo-westphalien" de la bipolarité et de la sécurité collective), la doctrine d’emploi de la force privilégie l’action décisive et discriminante. Alors que l’intervention en force combine effet de surprise et effet de force décisive (overwhelming force), les phases pré- et post-combats impliquent la restriction dans les règles d’engagement et l’action civilo-militaire. Panama a été un moment d’expérimentation opérationnelle de cette doctrine.

[8C4ISR : commandement, contrôle, communications, computer et renseignement, surveillance, reconnaissance.

[9Les programmes américains de recherches d’exploitation énergétique spatiale visent d’une part à l’acquisition d’énérgie spatiale (solaire, mini-réacteurs nucléaires, micro-ondes, cryogénie, etc.) afin d’assurer l’autonomie et la longue portée de l’exploration (humaine et robotique), de l’exploitation et de la colonisation, et à terme afin de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement terrestre. D’ores et déjà le recours à des "batteries atomiques" pour les sondes exploratrices est une réalité. D’ici 2011-2012 les premières expérimentations de transmission d’énergie solaire de "l’espace à l’espace" et dans une moindre mesure de l’espace à la terre auront lieu, alors que le transfert conséquent d’énérgie de l’espace à la terre est envisageable après 2050. Cf. John C. Mankins "Technology Strategies that May Enable Affordable Human Exploration and New Space Industries in the 21st Century", in Yoji Kondo, Charles Sheffield, Frederick C. Bruhweiler (eds), Space Access and Utilization Beyond 2000, American Astronautical Society, 2000.

[10Est considéré comme "géographique" tout ce qui concerne l’étude de la terre et de son environnement, ainsi l’étude du système solaire fait partie de la géographie (la géographie mathématique). On peut dire également que tout ce qui se cartographie est géographique (donc y compris le cyberespace).

[11Expression de l’ancien commandant en chef du Space command, le général Meyers, in General Richard B. Meyers, Achieving the Promise of Space - The Next Step, Air Force Association Warfighting Symposium - Orlando, Florida, 4 February 1999, www.spacecom.af.mil/usspace/speech12.htm

[12Les industries spatiales accroissent au rythme annuel de 20%, d’ici 2010 il y aura près de 2000 satellites opérant en orbite (600 aujourd’hui, dont 50% appartiennent aux compagnies et gouvernement américains). En 2010 les investissements cumulatifs américains dans l’espace atteindront entre 500 et 600 milliards de $. En 2020 l’industrie spatiale américaine produira entre 10 et 15% du Produit Intérieur Brut américain. In James E. Oberg, Space Power Theory, US Space Command, p.16

[13Ces quatres approches ont été conceptualisées par David E. Lupton, in Lt Colonel David E. Lupton, On Space Power Doctrine, Air University Press, June 1988.

[14Il s’agit du développement des "grands systèmes de communications en orbite basse" (big Low-Earth Orbit systems), tels Iridium et Teledesic qui vont considérablement augmenter la capacité mondiale de télécommunications (pagers, cellulaires, services Internet). Iridium, un système de Motorola de 66 satellites pour la télécommunication cellulaire a été le premier à être opérationnel en septembre 1998, mais a déclaré faillite en août 1999. Teledesic, une joint-venture (9 milliards de dollars) avec pour participants principaux Craig McCaw et Bill Gates, est un système de 288 satellites qui fournira d’ici 2004 des services de télécommunication de "qualité fibre optique" (64 millions de bits par seconde) et un accès à large bande à Internet. cf. Peter L. Hays, James M. Smith, Alan R. Van Tassel, and Guy M. Walsh, "Spacepower for a New Millennium - Examining Current US Capabilities and Policies", in Peter L. Hays, James M. Smith, ... opus cité, p.29.

[15Le budget spatial du gouvernement américain n’est pas entièrement rendu public, les estimations sont : la NASA reçoit environ 14 miliards de dollars, le NRO plus de 6 milliards, les agences du Pentagone entre 5,5 et 7 milliards. Les agences militaires et de renseignement qui prennent part à la politique spatiale sont le Pentagone, la Navy, l’Army, la Air Force, le NRO et les agences de renseignement, le US Space Command (créé en 1985) et le Air Force Space Command. On estime que 90% du personnel et des fonds alloués au spatial militaire sont contrôlés par la Air Force. Peter L. Hays, James M. Smith,... opus cité p. 10 et p. 25.

[16Donald H. Rumsfeld, in "Rumsfeld Announces Revamping of US Space Program, American Forces Information Service News Article, May 10, 2001, www.defenselink.mil/news/

[17John G. Roos, "CONOPS 2020", Armed Forces Journal International, June 2001.

[18En octobre 1999 le Spacecom s’est vu attribuer la responsabilité de la Computer Network Defense (CND) et en octobre 2000 de la Computer Network Attack (CNA). Pour une analyse de cette intgration systémique et organisationnelle cf. cf. Saïda Bédar "La révision de la doctrine stratégique américaine - De la bipolarité à la dominance globale", in Saïda Bédar (dir.), Vers une <> stratégique américaine ?, Cahier d’études stratégiques N° 31, CIRPES, novembre 2001.

[19Le traité international de 1967 "Treaty on Principles Governing the Activities and Use of Outer Space, Including the Moon and the other Celestial Bodies", affirme la liberté de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extraatmosphérique, y compris la lune et les corps célestes, l’impossibilité de l’appropriation nationale et souveraine (art. I et II), et se limite à l’interdiction de la mise en orbite d’armes nucléaires et de destruction massive, de l’établissement de bases militaires et d’expérimentation d’armes dans l’espace (art.IV).

[20Robert David Steele, "The Asymetric Threat: Listening to the Debate", Joint Forces Quarterly, Autumn/Winter 1998-99. L’auteur suggère la répartition public/privé suivante : dans les opérations conventionnelles 75% public, 25% privé ; dans les conflits de basse intensité/lutte contre le crime transnational, 50/50; dans les opérations humanitaires, 50/50 ; dans les opérations informationnelles, 25/75.

[21Par un amemdement au National Security Act, l’Intelligence Authorization Act (PL 104-293) de 1997. Cet amemdement autorise également la NSA, le NRO et la NIMA a collecté des informations sur des personnes non américaines à l’étranger à des fins de répression de la criminalité. Cf Richard A. Best, Jr, Intelligence and Law Enforcement: Countering Transnational Threats to the US, CRS Report for Congress, Congressional Research Service,January 16, 2001.

[22Pour une analyse du contrôle informationnel global exercé par la NSA et le NRO, notamment à travers le programme Echelon, cf. Alexis Bautzmann, "Globalisation et leadership cyberspatial américain", in Saïda Bédar (dir.), La globalisation : <> du leadership américain ?, ...opus cité.

[23Depuis la fin de la Guerre civile aux Etats-Unis toute implication des militaires dans la répression de la criminalité (law enforcement) à l’intérieure des frontières est interdite par les statuts du Posse Comitatus (en cas d’attaque nucléaire, le Posse Comitatus est levé, et les militaires, en cas de désordre majeur ou de catastrophe naturelle, peuvent être appelés dans le rôle de soutien aux forces civiles). Par ailleurs, l’impératif d’exclure toute forme d’espionnage des citoyens américains est inscrit dans le National Security Act de 1947 qui interdit à la CIA de prendre en charge quelque responsabilité que se soit en matière de répression de la criminalité et de sécurité interne. Le débat de l’époque fait état d’un souci de l’Executif et du Congrès de ne pas créer "une Gestapo américaine". Cf Richard A. Best, Jr, Intelligence ...opus cité.

[24James Kitfield, "Looking for Trouble", National Journal, 5/18/96.

[25Bin Laden aurait été en contact avec la CIA en juillet 2001. Quant au rôle des services saoudiens il est particulièrement confus si on en juge par la démission du chef des sercives saoudiens, le prince Turki (en place depuis un quart de siècle) 10 jours avant les attentats. Cf. Richard Labevière, "Ben Laden a reçu un agent de la CIA à Dubaï", RFI Actualité, mercredi 31 octobre 2001. www.rfi.fr

Retour en haut de la page

Objetivo

|

Trigo limpio

|

Mapa del sitio