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6 février 2015

Enfants du Honduras :
Des Gardiens de la patrie à statut constitutionnel ?

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

« Les enfants sont les gardiens de la patrie ou la patrie se doit de les défendre  »
Wilmer Vásquez
Directeur de Coiprodem


Le gouvernement de la République, les médias et les Forces Armées du Honduras célèbrent l’immense succès du programme des « gardiens de la patrie ». Un programme créé dans le but de soustraire les enfants des bidonvilles, quartiers et secteurs marginalisés de Tegucigalpa et des zones environnantes, aux gangs meurtriers et bandes organisées, responsables du trafic de drogue et d’enfants qu’ils livrent à la prostitution et vendent comme de vulgaires marchandises

Il s’agit de former garçons et filles à la discipline militaire et au travail (la journée de travail effectif des soldats et policiers est l’une des plus courtes ?), de leur inculquer des valeurs morales et éthiques, de les instruire et de leur donner une formation professionnelle pour travailler et défendre la patrie si elle est menacée par les forces du mal : lisez socialisme. Mais aucune formation au maniement des armes, car les activités se déroulent dans les espaces sociaux et récréatifs des bataillons de l’Armée, se défend le Colonel Gustavo Adolfo Amador Fúnez, Coordinateur du Programme.

Les porte-parole des FFAA affirment que le programme a déjà dépassé le nombre de 25 000 enfants et adolescents, de sorte qu’une nouvelle campagne d’appel a été lancée. On y voit des enfants et adolescents, arborant des chemisettes au motif de soldat et de drapeau dessinés en travers du torse, témoigner des métiers et des valeurs dont on ne parle pas dans les quartiers où ils vivent ; des parents viennent également raconter comment leurs enfants ont amélioré leurs résultats scolaires ou développé leurs compétences professionnelles.

À l’autre extrême, ce mirage du très court terme (transformer une réalité en quatre mois ?) atteste de chiffres alarmants. Selon Casa Alianza, une Organisation Non Gouvernementale (ONG) qui travaille avec des délinquants mineurs, en 2014, 9000 enfants ont été expulsés des États-Unis et 14 000 sont « sans domicile fixe » dans ce pays ; plus de 17 000 vivent de la mendicité au Honduras sans qu’aucune institution se préoccupe de ce fléau social. L’un des points positifs du programme est qu’il assure la subsistance de la famille, mais sa principale faiblesse réside dans le manque de suivi des actions après obtention d’un diplôme, et augmente d’autant le risque d’être de nouveau exposés aux approches des délinquants de droit commun qui vivent et cohabitent dans ces quartiers et discutent même avec eux des avantages du programme.

L’année dernière, toujours selon les sources de Casa Alianza, 1031 enfants ont été assassinés, chiffre supérieur à celui de 2013, sans que soit menée aucune action (ne parle-t-on pas d’une politique publique ?) conjointe du gouvernement et de la société civile afin d’enrayer cette escalade de meurtres dans les quartiers et zones défavorisées avec le concours des familles et organisations sociales et religieuses. Cela souligne plutôt le peu d’efficacité des programmes de protection sociale tels que le « bono diez mil », l’octroi de biens matériels (goûters scolaires, cartables, chaussures, nourriture) aux familles à risque, et la démission des pouvoirs publics responsables de la protection de l’enfance et de l’adolescence du Honduras.

En dehors des chiffres officiels du gouvernement, contestés par certaines organisations des Nations Unies, sur la réduction du taux d’homicides, il est de notoriété publique que San Pedro Sula est la ville la plus violente de toute l’Amérique Latine, et que Tegucigalpa arrive en cinquième position. À cela, le gouvernement répond par la militarisation de la société, ce qui laisse, dans les quartiers et zones défavorisés de ces villes, bien peu de place et de ressources budgétaires aux projets culturels ou de développement des compétences des enfants et des jeunes, dans des domaines comme la peinture, le chant, la poésie, le théâtre ou la musique. Une stratégie visant à imprégner le tissu social, où les militaires, en accord avec les enseignants de l’UNAH, de l’École des Beaux Arts et de groupes de théâtre comme Bambou ainsi qu’avec les familles, se portent garants de la réalisation de ces projets.

Ce programme des Gardiens de la Patrie, tout comme celui de protection des forêts et de contrôle des incendies forestiers, ampute les finances des institutions publiques ayant compétence en ce domaine, et peuvent donc disparaître à la demande du gouvernement, comme ce fut le cas de l’Institut Hondurien de Conservation des Forêts (ICF), et celui de l’Institut Hondurien de l’Enfance et la Famille (IHNFA). Cette course folle à la mise en pratique du credo néolibéral « moins d’État, plus de marché », nuit gravement aux institutions publiques pour le développement des enfants et des jeunes, que tôt ou tard, nous allons payer cher.

Les Forces Armées du Honduras ont tout intérêt à ce que ce programme perdure. Le gouvernement est en train de recueillir des signatures pour que le Congrès de la République autorise le Tribunal Suprême Electoral à légaliser une Quatrième Urne aux élections de 2017, afin que la population se prononce en faveur ou contre l’élévation au rang de principe constitutionnel de la Police Militaire de l’Ordre Public (PMOP) ; il ne serait pas surprenant que la question subsidiaire « Etes-vous d’accord pour élever le programme des Gardiens de la Patrie au rang de principe constitutionnel ? » soit également mise au vote. Dans le cas où le Congrès l’approuverait, que la Vierge de Suyapa nous pardonne ce péché moral.

Javier Suazo depuis le Honduras

Alai-Amlatina. Tegucigalpa, DC, 3 février 2015

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Florence Olier-Robine

El Correo. Paris, 6 février 2015.

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