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19 novembre 2015

Elections présidentielles argentines : tous unis nous triompherons

par José Steinsleger *

 

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Buenos Aires.

Un. Le péronisme est sorti lessivé des élections présidentielles et a été obligé à un deuxième tour. Daniel Scioli, candidat de la majorité du Front pour la Victoire (FPV), a devancé avec trois petits points Mauricio Macri, leader de la coalition de droite Cambiemos [Changeons].

Dans la stratégique province de Buenos Aires (PBA), bastion électoral du péronisme, gouvernée par Scioli (et où il n’y a pas de ballotage), les choses sont devenues couleur de fourmi [noire]. Le candidat au poste de gouverneur pour le FPV, Aníbal Fernández (chef de cabinet de Cristina), a subi un échec cuisant face à la candidate cool de Macri, Marie Eugenia Vidal (43).

À la perplexité initiale, se sont multipliées les conjectures, et un commentaire énigmatique d’Anibal : « Il y a eu un tir ami ». Il n’a pas dit plus.

Deux. Une observation : quelque chose dans la campagne péroniste a attiré mon attention. Dans les rues, la vie quotidienne et le silence contrastant avec la stridence d’autres époques. Dans les medias, la propagande électorale écrasante. Orgueil triomphaliste ou politique délibérée ?

L’hymne de combat du Parti Justicialiste n’est plus entonné avec la ferveur d’antan : To-dos-los-mu-cha-chos-pe-ro-niiiiiis-tas ! To-dos-uniiiii-dos-triunfareeee … ! Le soixante-dixième anniversaire du péronisme a été célébré à peine par quelques feux d’artifice sur la Place de Mai.

Le temps passe. Ceux qui en 1949 entendaient Hugo del Carril entonner La petite marche pour la première fois dans des disques en vinyle de 78 tours dissimulent mal leur ennui après l’avoir entendu dans des versions tango, jazz, heavy métal. La majorité rend des comptes au général dans la dimension céleste, et les plus heureux tendent l’oreille quand leurs petits-fils leurs annoncent, à tue tête, qu’ils ont été bisaïeuls.

Trois. En 1945, le mouvement spontané de masses qui ne s’appelait pas encore « péroniste » a coupé la société transversalement. L’année suivante, Perón gagné les élections, et le vieux pays excluant a fait un pas à côté. Sauf que, à la différence des gauches idéologiquement correctes et politiquement nulles, il a su apercevoir que le péronisme enfermait une dichotomie explosive : « Patrie oui, colonie non ».

Perón a nationalisé l’État néocolonial, a élargi les droits des travailleurs et conçu la souveraineté nationale dans le cadre de l’intégration latinoaméricaine. Jusqu’à ce qu’en 1955, il soit renversé par un coup d’État sanglant auquel ont participé tous : curés, militaires, propriétaires terriens libéraux et conservateurs « progressistes », communistes, socialistes, intellectuels sartriens et troskos de parole qui, comme toujours, voient tout ... clair, clair, clair, comme l’eau de roche ! Bon … pas tous. Le peuple humble et le mouvement ouvrier organisé ont décidé de résister, en se subordonnant à la conduite stratégique de leur leader.

Quatre. En octobre 1973, à la suite de luttes antidictatoriales tenaces qui seulement dans le dernier volet ont compté avec l’appui des gauches et des étudiants, Perón a récupéré le pouvoir. Quelques mois plus tard il meurt, et en mars 1976 les militaires du Plan le Condor ont mis de « l’ordre » dans le pays.

Certains ont livré bataille et les autres se sont repliés en attendant de meilleurs vents politiques. Parmi ceux-ci, Néstor Kirchner, Cristina Fernández et … : attention ! Avec eux, un jeune homme discret de filiation maoïste qui, après avoir subi quatre ans de prison et de tortures, deviendrait la pierre angulaire des grandes lois qui ont jalonné les trois gouvernements du kichnerisme : Carlos Zannini.

Cinq. Le péronisme a perdu les élections présidentielles en une seule occasion, à la suite de quoi, l’ensemble de la société a émergé traumatisée du terrorisme de l’État et de la folle guerre des Malouines. Des tragédies que le radical Raúl Alfonsín a pu à peine conjurer (1983-89), touchant le péroniste Carlos Menem et le radical Fernando de la Rúa (partenaires du Consensus de Washington), mettant le pays aux bords de la désintégration nationale.

Pendant la crise terminale de décembre 2001, De la Rúa a accusé Eduardo Duhalde des débordements et des pillages des supermarchés. L’ex-gouverneur de la Province de Buenos Aires, Duhalde était (il continue de l’être) le chef de la droite péroniste. Et en 2002 il avait sauté du Sénat à la Présidence, par application de la loi d’acéphalie.

La « logique politique » a induit à croire, alors, que les argentins avaient clairement vu, finalement, les causes profondes de ses faussetés politiques. Mais lors des élections présidentielles de 2003, Menem fut à nouveau celui qui a eu le plus de voix. Et seulement parce qu’il a flairé que le ballotage jouerait contre lui, est arrivé à la Présidence celui qui se trouvait en seconde position : Néstor Kirchner.

Six. Dans une société sans espérances et sans horizons, Kirchner a eu en face de lui trois options :

  • 1) régler les comptes avec les responsables de la catastrophe nationale ;
  • 2) contracter plus de dette pour « croitre », en multipliant la souffrance populaire ;
  • 3) fixer de nouvelles règles dans la répartition du revenu, en pariant sur le marché interieur, l’emploi, le crédit, l’éducation, la santé, les services publics.

Les Kirchner ont choisi la troisième option. Douze ans après, l’Argentine est un autre pays. Un pays insolite en comparaison des gouvernements précédents. Un pays ordonné et avec une économie relativement assainie. Mais aussi un pays hyperpolitisé et sans culture politique, en plus d’être captif des trois pieds qui soutiennent toutes les droites du monde entier : le pouvoir médiatique, le pouvoir financier et le pouvoir judiciaire.

Un pays qui dimanche prochain pourrait donner la victoire à la formule Scioli-Zannini … ou à celle du plus abject et servile des hommes politiques argentins : Macri.

José Steinsleger* pour La Jornada

La Jornada. Mexique, le 18 novembre 2015.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

* José Steinsleger Ecrivant et journaliste argentin. Editorialiste de La Jornada de México. Resident au Mexique.

El Correo de la diaspora latinoamericaine. Paris, le 19 novembre 2015.

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