Accueil > Les Cousins > Bolivie > Élections en Bolivie : qu’a réellement perdu Evo ?
par
Toutes les versions de cet article : [Español] [français]
Las elecciones regionales de Bolivia del domingo pasado muestran resultados interesantes. Desde ya, algunos medios comenzaron a instalar la exótica idea de que Evo Morales, quien fue votado por el 61% de los bolivianos en octubre pasado, repentinamente fue « noqueado » por esa misma sociedad. Sin embargo, una mirada comparada de los distintos procesos políticos de la región, muestra que el comportamiento electoral de las sociedades sudamericanas es más sofisticado y, al mismo tiempo, entendible.
Les élections régionales de dimanche dernier en Bolivie montrent des résultats intéressants. Depuis lors, certains médias s’en sont servis pour distiller l’idée que Evo Morales, plébiscité à 61% en octobre dernier, pourrait bien avoir été mis « au tapis » par cette même société qui l’avait hissé au sommet. Cependant, une étude comparative des différents processus politiques de la région, atteste d’un comportement électoral, dans les sociétés sud-américaines, à la fois plus sophistiqué et très compréhensible.
Deux aspects, au moins, ressortent de l’élection bolivienne. L’un d’eux étant la réaffirmation d’une dynamique de « nationalisation » du vote du MAS, amplifiée par rapport au résultat précédent, où il bénéficiait d’un appui assuré dans les hautes terres indigènes, mais d’une maigre adhésion dans l’est du pays, de population métisse au pouvoir d’achat plus important.
Plus précisément, le MAS l’a emporté dans 6 des 9 départements (provinces) du territoire, avec la particularité que parmi eux, deux, Beni et Pando, faisaient jusque-là partie du vieux « croissant » fief de l’opposition où les gouvernements locaux, conservateurs acharnés allèrent jusqu’à tenter de lancer un mouvement sécessionniste d’avec le reste du pays. Ce croissant n’existe plus désormais, le MAS l’a enfoncé, et pas uniquement dans ces deux départements : celui de Santa Cruz a voté la réélection du gouverneur de l’opposition Rubén Costas ; pour mémoire, en octobre dernier Evo Morales avait été le candidat à recueillir le plus de voix, avec 49% des suffrages.
Il ne s’agit nullement d’un hasard : après avoir vaincu les forces conservatrices du Croissant en 2009, réussi à faire approuver la nouvelle Constitution, négocié des réformes avec l’opposition, Evo a mené à bien de multiples projets positifs dans la région Est, comme par exemple des travaux d’infrastructure, y compris un rapprochement significatif avec l’entreprenariat de Vera Cruz. En d’autres termes, après les avoir battus en politique, il a fait en sorte qu’ils deviennent les vassaux de son objectif de pouvoir.
Mais cette nationalisation de l’électorat entraîne également une baisse relative de votes dans les bastions historiques, ce qui s’était déjà produit lors des élections d’octobre, et se vérifie cette fois encore, avec cependant une touche dramatique supplémentaire due à la perte de la ville de El Alto, où le MAS était invaincu depuis 2005.
C’est une dynamique subie aussi par d’autres, tel le PT au Brésil, qui, au fil des années de gouvernance a vu glisser ses bases de soutien, des traditionnelles masses ouvrières de la ceinture industrielle de San Pablo vers le nord-est. Cette modification signifie par là même la perte de points dans son berceau électoral.
En somme, si l’on regarde ces processus comme un film, il apparaît que la nationalisation des forces politiques est toujours profitable à la durabilité des projets de changement : comme moyen de faire adhérer des circonscriptions hostiles, de diversification des programmes gouvernementaux et de consolidation du pouvoir en place comme axe de l’échiquier politique, tandis que, d’ordinaire, les mouvements d’opposition se fragmentent et doivent se contenter de la gouvernance de quelques régions, se résumant ainsi, en fin de comptes, à une opposition « locale ».
L’autre élément important dans cette élection vient du fait que deux des leaders qui ont infligé une défaite au MAS dans le bastion de La Paz avaient été alliés de Evo Marales. Félix Patzi, qui a remporté le poste de gouverneur de La Paz, était ministre de l’Éducation durant le premier mandat de Morales. Après une plainte à son encontre pour conduite en état d’ivresse, qui déboucha sur une peine de travaux d’intérêt général, selon la loi indigène, monter mille briques en pisé, il fut banni du MAS.
Patzi est un sociologue Aymara qui accuse le gouvernement Morales « d’utiliser l’indigénéité comme un folklore, sans respecter ses institutions » et de privilégier une « vision traditionnelle de gauche, très fermée ». Par ailleurs, Luis Revilla, qui a remporté la mairie de La Paz, appartenait au Movimiento Sin Miedo (Mouvement sans peur), aujourd’hui disparu, emmené par Juan del Granado, allié de Morales les premières années de gouvernance.
La défaite la plus marquante et aux antipodes du système d’idées devenu majoritaire en Bolivie à partir de 2005 reste sans conteste celle de El Alto, forteresse non seulement du MAS, mais des luttes contre les privatisations de l’ère néolibérale qui ont conduit à la chute du gouvernement de Sánchez de Losada en 2002.
Le nouveau maire, Madame Soledad Chapetón, vient d’un parti nettement conservateur, l’Unión Nacional (Union Nationale), du chef d’entreprise Samuel Doria Medina, qui en octobre dernier était en lice aux présidentielles contre Evo Morales, finalement devancé de presque 40 points.
Plus que la remise en cause de l’autorité de Morales, les élections boliviennes semblent mettre clairement en évidence une division des rôles : d’un côté, le parti au pouvoir comme force hégémonique de l’échiquier national (contrôlant le gouvernement central et le Congrès), de l’autre, une opposition locale, au leadership renouvelé et idéologiquement divisé, qui trouve une clé pour redémarrer un lent processus de légitimité politique.
Tout comme le reste de l’électorat sud-américain, la Bolivie révèle un comportement beaucoup plus habile et subtil que l’étiquette collée hâtivement par certains analystes. Un vote massif et populaire quand il s’agit des élections générales où se décide le gouvernement (c’est-à-dire les politiques macro-économiques qui affectent les sources de main-d’œuvre, les infrastructures, la couverture sociale, etc) et la recherche d’une plus grande diversité, d’un contrepoids, et de sanctions ponctuelles dans la gestion locale à l’occasion des élections de même nature (locales). Somme toute, quelque chose d’assez simple et évident, sauf pour ceux qui imaginent à chaque élection, nationale ou régionale, la si souvent proclamée « fin de cycle ».
Federico Vázquez pour Télam.
Télam. Buenos Aires, le 2 avril 2015
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Florence Olier-Robine
El Correo. Paris, le 14 avril 2015.
Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported. Basée sur une œuvre de www.elcorreo.eu.org.