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29 juillet 2014

Economie : Qui a tiré sur l’Argentine ?

Une affaire mystérieuse digne d’enquête à Washington

par Mark Weisbrot *

 

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Quand en 2007 Cristina Fernández de Kirchner était candidate à la présidence de l’Argentine, son équipe de campagne a présenté une annonce à la télévision, où quelques enfants adorables répondaient à la question : « qu’est-ce que c’est le FMI (Fonds monétaire international) ? » Dans l’annonce, les enfants donnaient des réponses charmantes et un peu surprenantes comme « le FMI est un lieu où il y a beaucoup d’animaux » et la phrase finale du narrateur était « nous avons réussi à ce que tes enfants et les enfants de tes enfants n’aient pas la moindre idée de ce qui signifie le FMI ».

Voir la version originale en anglais :
Who Shot Argentina ?

Jusqu’ à aujourd’hui, il n’y a pas une grande affection entre le FMI et l’Argentine, depuis que le Fonds a présidé au terrible effondrement économique de l’Argentine entre 1998 et 2002, ainsi que les nombreuses politiques ratées au cours des années précédentes. Mais quand la Cour d’Appels des États-Unis d’Amérique du Deuxième Circuit s’est prononcé en faveur des fonds vautours et de leur intention de toucher la valeur totale de la dette argentine qu’ils avaient acquise au prix de 20 centimes par dollar, même le FMI fut contre la décision. De manière que beaucoup d’observateurs ont été surpris le lundi 16 juin quand la Cour suprême US s’est refusé même à examiner la décision de la Cour d’Appels, qui était en faveur des fonds vautour.

La Cour a besoin seulement de quatre des juges pour approuver une pétition decertiorari (évocation), ou de révision, et c’était un cas extrêmement important. La majorité des experts concordent sur le fait que ce dossier a des implications sérieuses pour le système financier international. Peut-être le plus important est que la Cour d’Appels a décidé que l’Argentine doit payer aux fonds vautour la totalité de ce qu’ils réclament, bien que le pays ait trouvé un accord dans les restructurations de 2005 et 2010 pour une remise de dette avec plus de 90 pour cent des détenteurs de bons.

Qu’est-ce que cela signifie ? Au milieu d’une récession profonde et sans pouvoir financer d’énormes remboursements de dette, l’Argentine s’est déclarée cessation de payement de sa dette à la fin de 2001. Ne pas payer fut la décision correcte : l’économie a commencé une reprise solide à peine trois mois après. Mais c’était en 2005 que les 76 pour cent des détenteurs de bons se sont mis d’accord pour accepter une restructuration qui a inclus une « coupe » de près de deux tiers de la valeur des bons. Vers 2010, plus de 90 pour cent des détenteurs avait accepté cet accord, à travers lequel ils ont reçu de nouveaux bons en échange des bons en défaut de paiement.

La décision de la Cour signifie qu’un fond vautour, ou tout créancier qui refuse de participer, peut empêcher ou détruire un accord en vigueur, négocié avec le reste des détenteurs de dette. Compte tenu qu ‘il n’existe pas de lois de banqueroute pour des emprunteurs gouvernementaux, cela limiterait sévèrement la capacité des créanciers et des débiteurs à obtenir un accord ordonné en cas de crise de dette souveraine. C’est quelque chose de très important pour le fonctionnement des marchés financiers internationaux.

Donc : pourquoi la Cour suprême a-t-elle décidé de ne pas entendre le cas ? Il est possible que la Cour ait été influencée par un changement de position de la part du gouvernement US, ce qui a pu l’avoir convaincue que ce dossier n’avait pas tant d’importance. À la différence de la France, du Brésil, du Mexique et l’économiste et prix Nobel Joseph Stiglitz, le gouvernement US n’a pas présenté d’écrit en qualité d’amicus curiae (« ami de la Cour ») devant la Cour suprême, bien qu’il l’ait fait dans le dossier en appel. Et, c’est ici que le grand mystère réside, le FMI ne l’a pas fait non plus, alors même qu’il avait publiquement exprimé son inquiétude quant à l’impact de cette décision.

Le 17 juillet 2013, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a présenté un écrit devant la Cour suprême en déclarant que le FMI présenterait un amicus. Mais ensuite le Directoire du FMI s’est réuni et, d’une manière un peu embarrassas et à cause des objections des États-Unis, a décidé de ne pas présenter le dit écrit. Cela pourrait être la raison pour laquelle la Cour suprême n’a pas invité le procureur général des États-Unis à présenter un écrit et a finalement décidé de ne pas entendre le cas. Mais qui est responsable du changement de position de Washington ?

Aussi comme dans un roman d’Agatha Christie, plusieurs suspects existent qui auraient pu avoir commis le fait. Le groupe de pression des fonds vautour – un groupe avec de bonnes connections et dirigé par des ex-fonctionnaires du gouvernement Clinton – connu comme l’American Task Force Argentina, a dépensé plus d’un million de dollars pour le cas en 2013. Ensuite les suspects habituels sont au Congrès, dans sa majorité néoconservateurs et la délégation de la Floride qui désirent avoir un parti politique différent au pouvoir en Argentine après les prochaines élections.

De plus, ces individus ont des alliés au sein du gouvernement Obama, lequel a principalement adopté une stratégie de type guerre froide envers les gouvernements de gauche en Amérique Latine, même vers l’Argentine. Dans ce dosssier, le gouvernement a accordé la priorité à ses intérêts stratégiques sur les marchés financiers internationaux, comme son écrit d’amicus le montre devant la Cour de New York, jusqu’à ce que quelqu’un l’ait fait changer d’opinion. Mais, qui ?

Il est possible que tous les suspects aient été impliqués, comme dans le Crime de l’Orient Express. Mais l’une des clefs peut être l’interrogatoire serré du secrétaire du Trésor des États-Unis, Jacob Lew, par le congressiste de la Floride Mario Díaz-Balart. Un neveu de la première épouse de Fidel Castro, ce parlementaire fait partie d’un groupe de pression du noyau dur anti -Cuba, qui, aussi comme les néoconservateurs en général, voit tous les gouvernements de gauche en Amérique Latine comme les ennemis qui seraient bien mieux vus hors du pouvoir.

Donc, il est assez clair que le Mexique n’aurait pas présenté un écrit d’amicus devant la Cour suprême sans avoir reçu un signe d’approbation de la part du Trésor. Dans un interrogatoire agressif à la Chambre des Représentants, Díaz-Balart a essayé de faire que Lew admette que le Trésor était coupable du crime d’avoir fait que le Mexique ait présentait un écrit en faveur de l’Argentine.

Lew a réussi à éviter de donner une réponse directe, mais l’épisode montre justement combien était intéressée cette faction politique pour que la Cour suprême se refuse à examiner le cas. Cela indique aussi que le Trésor lui même était divisé au moins devant la décision de réduire au silence le FMI. Aussi je chercherais au Congrès, et spécialement dans le groupe de Díaz-Balart, les coupables. Historiquement, le Congrès a causé des problèmes au Trésor et au FMI après avoir retardé le financement du FMI. Bien qu’enfin ils aient toujours obtenu l’argent, parfois, cela a été sous conditions. En plus, il existe une opposition sans précédents à la Chambre des Représentants face l’augmentation du financement du FMI que le gouvernement d’Obama a déjà promis aux autres pays du G-20.C’est probablement là où l’arme du crime est enterrée.

Après le vote du directoire du FMI, contre le fait de présenter un écrit devant la Cour suprême, un journaliste dans une conférence de presse a demandé au porte-parole du FMI, Bill Murray, pourquoi le Fonds avait changé d’avis. « Allez au Trésor des États-Unis et demandez leur d’expliquer leurs décisions », a-t-il répondu. Mais personne ne l’a fait.

Mark Weisbrot pour le CEPR

Traduit de l’anglais pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

*Mark Weisbrot il est co-director du Center for Economic and Policy Research à Washington, D.C. Et il est aussi président du [Just Foreign Policy.

El Correo. Paris, le 28 juillet 2014.

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