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6 juillet 2014

Des BRICS à l’alliance anti-dollar

 

Une fois bouclée la Coupe du Monde, le Brésil reçoit les BRICS, les 14-16 juillet, pour un sommet qui est présenté en général comme très important. La Russie, depuis l’arrivée à maturité de la crise ukrainienne, en a fait (des BRICS comme de ce sommet) un de ses chevaux de bataille dans son offensive générale pour tenter de réorganiser les relations internationales en dehors du diktat permanent (depuis 1945) des USA. C’est dire si l’on parlera évidemment du dollar, et de son remplacement comme monnaie d’échange et de réserve. On a pu lire à de nombreuses reprises, sur ce site, que la Russie s’active très précisément sur ce thème.

Le 28 juin 2014, nous résumions cette perspective Russie-BRICS-« dé-dollarisation », en la plaçant dans un cadre absolument politique, et dans un cadre crisique qui conduit, sinon force à des orientations et à des décisions absolument politiques, avec de très fortes conséquences...

« En échange de l’avis qu’ils ont reçu de l’UE concernant les accords d’association, les Russes ont parlé à leurs interlocuteurs de la prochaine réunion des BRICS en juillet. Cette réunion apparaît d’une extrême importance, selon les Russes, et un travail intense est en cours à cet égard. Les BRICS travaillent sur deux accords fondamentaux, celui, déjà connu, d’une banque d’investissement, et celui, nouveau d’un pool de monnaies de réserve pour leurs échanges. Ce dernier point est une étape fondamentale dans la concrétisation de la dynamique de « dé-dollarisation » dont nous avons déjà beaucoup parlé...

« La chose a été présentée avec modestie aux délégués de l’UE, – lesquels ont l’habitude de traiter avec le plus parfait mépris les initiatives russes, et en général non-bloc BAO, de cette sorte. Les Russes ont présenté ce projet comme étant le produit d’une situation qui les a forcés à y venir. Ce n’est pas à notre sens une précaution oratoire tactique mais bien une réalité ... Cette attitude correspond à ce que nous écrivions le 21 juin 2014, avec pour la compréhension du texte l’extension du « système de l’américanisme » à l’ensemble du bloc BAO :

« Nous écrivons ‘pour conduire sinon forcer...’, parce que nous pensons qu’en l’absence d’une crise d’une telle intensité que l’ukrainienne, la Russie n’aurait pas choisi la voie qu’elle a choisie, de crainte de paraître trop dans une posture de confrontation avec ses ‘partenaires’ du bloc BAO, des USA. Le système de l’américanisme, dans son aveuglement habituel, ne mesurera jamais la position de sûreté qu’il a perdue en poussant la Russie à la confrontation, notamment depuis la réélection de Poutine et, ouvertement, depuis le début de la crise ukrainienne. Le système de l’américanisme n’a jamais compris durant toutes ces années, qu’il avait, avec Poutine, un centriste ouvert à une coopération équilibrée, dont l’ambition n’était nullement de défier le Système, voire de chercher à le frapper. Mais on ne peut attendre le moindre éclair de finesse dans le jugement d’un système, celui de l’américanisme, dont on peut dire sans crainte d’être démenti que ‘la seule chose qu’il attend de la Russie, c’est que la Russie n’existe plus’ (phrase fameuse de Leonid Chebarchine, ancien chef des SR russes). »

Ces différentes orientations sont confirmées dans un texte de Valentin Mandrasescu, pour The Voice of Russia, ce 3 juillet 2014, fait à l’occasion de déclarations de la directrice de la banque centrale russe, Elvira Nabiullina, qui se rend à Pékin la semaine prochaine pour travailler à l’établissement de l’accord rouble-yuan réglant la méthodologie des transactions hors-dollar entre Russie et Chine. Nabiullina a rencontré Poutine et l’on voit que la discussion s’est élargie au schéma de constitution d’une alliance anti-dollar, – on emploie désormais plus volontiers ce terme que celui de « dé-dollarisation », et cela a un sens... Voici l’essentiel du texte de Mandrasescu (souligné de gras dans le texte original) :

« ... On June 10th, Sergey Glaziev, Putin’s economy advisor published an article outlining the need to establish an international alliance of countries willing to get rid of the dollar in international trade and refrain from using dollars in their currency reserves. The ultimate goal would be to break the Washington’s money printing machine that is feeding its military-industrial complex and giving the US ample possibilities to spread chaos across the globe, fueling the civil wars in Libya, Iraq, Syria and Ukraine. Glaziev’s critics believe that such an alliance would be difficult to establish and that creating a non-dollar-based global financial system would be extremely challenging from a technical point of view. However, in her discussion with Vladimir Putin, the head of the Russian central bank unveiled an elegant technical solution for this problem and left a clear hint regarding the members of the anti-dollar alliance that is being created by the efforts of Moscow and Beijing :

« We’ve done a lot of work on the ruble-yuan swap deal in order to facilitate trade financing. I have a meeting next week in Beijing », she said casually and then dropped the bomb : « We are discussing with China and our BRICS parters the establishment of a system of multilateral swaps that will allow to transfer resources to one or another country, if needed. A part of the currency reserves can be directed to [the new system]. » (source of the quote : Prime news agency)

« It seems that Kremlin chose the all-in-one approach for establishing its anti-dollar alliance. Currency swaps between the BRICS central banks will facilitate trade financing while completely bypassing the dollar. At the same time, the new system will also act as a de facto replacement of the IMF, because it will allow the members of the alliance to direct resources to finance the weaker countries. As an important bonus, derived from this « quasi-IMF » system, the BRICS will use a part (most likely the « dollar part ») of their currency reserves to support it, thus drastically reducing the amount of dollar-based instruments bought by some of the biggest foreign creditors of the US.

« Skeptics will surely claim that a BRICS-based anti-dollar alliance will not manage to deprive the dollar of its global reserve currency status. Instead of arguing against this line of thought, it is easier to point out that Washington is doing its best to enlarge the ranks of the enemies of the dollar. Asked by the Russia 24 channel to comment on Nabiullina statements, Andrei Kostin, the president of the state-owned VTB bank and one of the staunchest supporters of anti-dollar policies, offered an interesting perspective on the situation in Europe :

« I think the work on ruble-yuan swap line will finalized in the nearest future and the way for ruble-yuan settlement will be open. Moreover, we are not the only ones with such initiatives. We know about the statements made by Mr. Noyer, chairman of the Bank of France. As a retaliation for what Americans have done to BNP Paribas, he opined that the trade with China must be done in yuan or euro. »

« If the current trend continues, soon the dollar will be abandoned by most of the significant global economies and it will be kicked out of the global trade finance. Washington’s bullying will make even former American allies chose the anti-dollar alliance instead of the existing dollar-based monetary system. The point of no return for the dollar may be much closer than it is generally thought. In fact, the greenback may have already past its point of no return on its way to irrelevance. »

Il est absolument essentiel d’observer encore une fois, – dans ce cas, la répétition est une vertu, – combien cette opération s’effectue dans un cadre fondamentalement politique. Il y a bien sûr les observations de Glaziev, selon qui il s’agit de « casser » la machine déstructurante de la politique-Systèmedes USA (c’est-à-dire, il faut bien le comprendre, une attaque contre le Système). Mais il y a aussi les circonstances très concrètes et immédiates, évoquées d’une façon ouverte... Les Russes ne s’avanceraient pas à évoquer le cas français si les relations de la Russie avec la France n’étaient pas en cours d’amélioration depuis la valse diplomatique de la commémoration du D-Day (voir le 7 juin 2014 et le 26 juin 2014), cela dans un cadre de plus en plus structuré d’entente Russie-Allemagne-France pour faire évoluer diplomatiquement l’aspect intérieur de la crise ukrainienne (accord pour un nouveau cessez-le-feu hier à Berlin, entre les trois pays et l’Ukraine, – voir Russia Today, le 2 juillet 2014). L’on doit évidemment remarquer que ce travail de résolution de la crise interne ukrainienne se fait sans les USA, et avec, du côté français, l’ombre très pesante de l’amende imposée par l’administration Obama à Paribas, – et cette amende décrite par Poutine comme pur chantage lié à la vente à la Russie des porte-hélicoptères classe Mistral... (Discours de Poutine devant le corps diplomatique russe, le 1er juillet : « We know about the pressure that our American partners put on the French so that they would not deliver the Mistral ships to Russia. And we know that Washington hinted that if the French don’t deliver Mistral, sanctions on the French bank will be minimized or removed. What is this, if not blackmail ? »)

Ainsi prêtons-nous une grande attention à parler ici, très précisément, de la résolution « de la crise interne ukrainienne », pour mieux mettre en évidence que cette crise ukrainienne, dans sa dimension extérieure, internationale, sinon globale, se poursuit et ne cesse de grandir en importance. Si elle n’avait pas eu lieu, nous n’aurions pas cette opération d’« alliance anti-dollar » (décidément, l’expression convient mieux que celle de « dé-dollarisation »). Si l’opération s’étend au BRICS, ce qui est en cours effectivement, si elle intéresse des pays européens, – comme la France, citée ici, et probablement l’Allemagne, qui y verrait en plus d’un assez bon œil une façon également « élégante » de riposter aux entreprises de la NSA, – alors il s’agit bien d’un « alliance » dont le contenu politique est évident, – et explosif, d’ailleurs. Comme disait fameusement Lénine, « pas d’omelette sans casser des œufs » : une « dé-dollarisation » sera nécessairement vue par les USA, quand ils s’en apercevront, comme une « alliance anti-dollar », c’est-à-dire une alliance contre les USA... Et alors, puisque c’est exactement le cas ? On appelle cela une « vérité de situation ».

Defense.org. Belgique, le 3 juillet 2014.

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