recherche

Accueil > Argentine > Économie > Décélération de l’économie argentine. Crise internationale ou des erreurs (...)

2 juillet 2012

Décélération de l’économie argentine.
Crise internationale ou des erreurs internes ?

par Tomás Lukin

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

L’économie argentine vit depuis ces derniers mois une forte décélération. Quel est impact de la crise dont l’ épicentre est en Europe, quel est celui du coup d’arrêt du Brésil et celui de l’impact de la politique économique menée par le Gouvernement argentin auparavant.

APPROFONDIR LE MODÈLE
Par Gustavo Ludmer et Ariel Lieutier *

L’Argentine vit depuis ces derniers mois, une décélération de la croissance de son économie. A savoir quelles en sont les causes, les opinions des économistes sont divisées, schématiquement, en deux groupes. D’un côté, se trouvent, ceux qui remarquent que ce phénomène est principalement associé à l’impact local de la crise internationale. Sur les derniers trimestres la récession s’est aggravée au Portugal, en Italie, en Grèce et en Espagne et touche aussi les autres pays de l’Eurozone, même le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France. De l’autre se trouvent des économistes pour lesquels la décélération découle principalement des phénomènes internes, à propos desquels le contexte externe se serait avéré une bonne excuse pour le Gouvernement.

De notre point de vue, la crise économique internationale est une donnée incontournable qui génère un impact décisif dans l’ articulation économique actuelle, surtout (bien que pas uniquement) à travers le soi-disant « canal Brésil » : notre principal associé commercial a souffert d’un très fort ralentissement de croissance de son économie. Pendant le premier trimestre de 2012, le PIB du Brésil a eu une croissance interannuelle de seulement 0,8 %, valeur qui contraste avec l’augmentation de 4,2 % qu’il a sur la même période de l’année précédente.

Cette situation tient une importance de premier plan, puisque 20 % des exportations argentines totales (et 40% de nos exportations industrielles) a pour destination le Brésil. Dans plusieurs secteurs, l’interdépendance est encore plus grande ; par exemple, dans la branche automobile, les exportations ont subi une baisse interannuelle de 46% en mai (ce n’est pas un hasard que les suspensions de personnel de ces derniers jours furent chez les constructeurs d’automobiles). Cela ne doit pas mener à réduire le sujet sur le fait que la chance de notre économie se trouve déterminée par celle du Brésil, mais oui il est important de souligner que les deux économies se trouvent étroitement liées.

Donc, la question qui s’ouvre face de cette situation, est ce qui devrait être fait pour « s’adapter » à nouvelle réalité internationale. Nous avons délibérément évité de parler de « s’ajuster », bien que l’Académie de la langue espagnole définit le verbe « ajuster » comme « adapter quelque chose à une autre chose ». Cependant, l’orthodoxie économique a doté ce verbe d’une signification unique et sans appel : diminuer/réduire.

En revanche, pour l’hétérodoxie économique le pire qui peut être fait devant des épisodes récessifs est de réaliser des « ajustements » (dans le sens « orthodoxe »), tels que les impose chaque jour au Portugal, à l’Irlande, à la Grèce et à l’Espagne, la Troika formée par le FMI, la Commission Européenne et la banque Centrale Européenne.

L’Argentine a affronté la crise en 2009 à partir de politiques fiscales actives, parmi lequeles s’est distinguée l’Attribution Universelle par enfant (AUH en esp), qui garantit un revenu à plus de 3,5 millions d’enfants et d’adolescents, d’enfants de travailleurs chômeurs ou travailleurs non déclarés. Actuellement le chemin choisi va dans la même direction, avec le lancement récent de la Ligne de Crédits pour les Retraités et du Plan pour les Logements, une mesure ambitieuse et d’un impact potentiel notable, en particulier dans le secteur ralenti de la construction et de ses industries connexes.

Dans la même direction iraient les augmentations dans le montant de l’AUH et des retraites. Toutes politiques économiques qui ont non seulement un effet positif sur le PIB qui compensent les effets négatifs de la crise internationale, mais aussi génèrent des effets importants distributifs, en particulier pour les secteurs les plus vulnérables.

La question est alors comment une stratégie expansive et distributive est financée dans un cadre de décélération de l’activité, qui implique, entre d’autres choses, un dynamisme moindre dans la recette. C’est dans ce contexte que doit être encadrée la discussion sur le minimum non imposable de l’Impôt sur les revenus. Mais aussi ce qui est positif, c’est qu’il ouvre le débat sur la nécessité que l’État capte une partie des différentes rentes des oligopoles de notre économie. Pour ce faire, il semble nécessaire d’avancer dans des actions qui participent à la modification structurelle de notre économie (comme fut la nationalisation de 51 % du paquet d’actions d’YPF). C’est pourquoi la question de la corrélation des forces et l’organisation de celle-ci devient centrale. Parfois la meilleure manière de résoudre des problèmes de conjoncture , c’est à partir de transformations de fond. S’il est vrai que les crises génèrent des opportunités, peut-être l’épisode actuel sert-il à approfondir ces transformations.

* Economistes-UBA. Chercheurs de la Société Internationale pour le Développement, Buenos Aires.

***
LA VOIE DE L’ÉTATISATION
Par Martín Harracá *

Une façon d’exprimer synthétiquement les traits de notre économie, largement acceptée parmi les économistes locaux, est qu’elle est formée d’ une structure productive déséquilibrée. Sans être pleinement d’accord avec cette description, nous croyons qu’elle met en relief un aspect central : les conséquences que génère le potentiel inégal d’exploitation du secteur primaire par rapport à l’industriel.

Tant les conditions de fertilité – presque sans égal – du sol pampéen et du littoral, l’énorme richesse métallifère des Andes et des réserves de ressources énergétiques fossiles et gazifières de la Patagonie, supposent l’existence d’une grande masse potentielle de rente d’origine primaire. Ces ressources sont apropriées par ceux qui tiennent le monopole d’accès à leur exploitation, bien que l’État puisse intervenir ici, en captant une partie de la rente grâce à des rétentions, ou d’autres impôts, en plus de par le biais du contrôle direct de l’exploitation. Au cas où elle n’est pas appropriée par l’État, loin d’avoir pour destin le développement productif, la rente a l’habitude de trouver sa finalité dans la consommation somptuaire (le boom de la 4x4 dans des localités du soja), la fuite des capitaux, ou dans des placements qui reproduisent la logique rentière, comme des investisements immobiliers (qui peuvent générer des bulles spéculatives dans des secteurs comme la construction résidentielle).

En contrepoint, nous trouvons un secteur industriel qui, à l’exception de quelques situations très spécifiques, présente des capacités productives inférieures à celles en vigueur au niveau international. Cela implique que son développement à une échelle compétitive dépend de la possibilité d’être subventionné grâce aux ressources dérivées de la rente primaire, processus qui peut seulement survenir par l’intermédiaire de l’État. De la même manière, les capitaux qui ont des conditions les plus compétitives étant ceux d’origine étrangère, finissent par acquérir des entreprises de capital local, ce qui s’ajoute à la longue histoire qui consiste à confier l’exploitation de nos ressources à des capitaux étrangers (spécialement dans les années 90), nous avons une étrangéisation progressif de l’économie.

Quelques données montrent que ce schéma de base primaire et étrangéisation n’a pas été modifié dans sa substance, malgré le modèle de développement : les exportations du secteur du soja en 2011-germes, huile et graines de soja – atteignent 20 000 millions de dollars, presque 25 %. À son tour, cette situation abouti à un prix (très volatil) du soja variable d’instabilité possible pour notre économie, en particulier pour les revenus étatiques puisque dès 2002 les droits d’exportation représentent à peu près 10 % des recettes fiscales. Par ailleurs, à propos de l’étrangéisation, il suffit de remarquer que dans les 500 plus grandes entreprises du pays, la participation de celles d’origine étrangère grandit sans arrêt depuis les années 90, en passant de 44 % en 1993 à 68 % en 2002, en se stabilisant à 67 % pour la moyenne 2003-2010. Plus significatif, il ressort que, en moyenne, les profits des entreprises étrangères sont le quadruple des entreprises locales, et que les profits et dividendes sortis du pays en 2011 ont atteint les 8500 millions de dollars, ce qui est quatre fois supérieur à la moyenne de la convertibilité.

En mettant en débat le modèle de développement, nous comprenons que les limites ne sont pas une question de « dessin » de la politique, mais des alliances qu’il suppose nécessaires, et qui requiert comme acteur principal un secteur patronal national vigoureux. Notre interprétation est que ce secteur non seulement n’ a pas cette force – étant donné qu’il peut seulement se developper sous l’appui étatique – mais que, fondamentalement, il n’est pas motivé pour un « développement national », mais plus par la maximisation du profit. Des exemples abondent, mais ils restent nettement modelés avec les cas récents des Eskenazi dans YPF, et plus dramatiquement encore, celui de Cirigliano et la tragédie ferroviaire de Onze.

Après avoir posé ces limites au développement, nous voyons dans l’étatisation une voie plausible pour les dépasser, pour un changement profond de cette société. Mais puisque personne ne se laisse exproprier gratuitement, et la répercussion médiatique locale et internationale qu’ a eu le cas YPF le démontre. Dans ce contexte, un cadre régional d’alliances peut être un facteur déterminant, clef sur le « terrain de jeu » possible ds dites politiques (clairement, ce n’est pas lea même chose pour cela que ce soit l’Unasur, l’ALBA ou le Mercosur). Mais en même temps, après avoir pensé l’État comme une arène de et en dispute, nous devons rappeler que c’est toujours un terrain désavantageux pour les secteurs populaires. Seulement sur l’organisation de ceux-ci , peut se scimenter les attentes de l’apport de ces politiques aux perspectives émancipatrices.

* Diplômé en Économie. Enseignant FCE-UBA.

 Production : Tomás Lukin

Página 12. Buenos Aires, le 2 juillet 2012.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 2 juillet 2012.

Contrat Creative Commons
Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported
.

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site