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22 novembre 2002

Connaître le FMI pour mieux le combattre.

 

Par Antoine Gendreau-Turmel,
CMAQ
Dimanche, 17 novembre 2002.

Le Fond Monétaire International (FMI) est un des plus puissants acteurs de la globalisation économique. Créé lors des accords de Bretton Woods en 1944, cette institution a largement dépassée son mandat initial de régler les difficultés des pays pris avec des problèmes financiers à court terme. Le FMI s’attaque maintenant à de nouveaux sujets tels que les systèmes bancaires et financiers ainsi que la bonne gouvernance, ce qui inclut des secteurs aussi importants que les réformes agraires, juridiques et les dépenses du secteur public. De plus, les pays les plus riches du monde - le groupe des sept (G-7) - ont donné au FMI le pouvoir d’administrer un « sceau d’approbation » au sujet des économies des pays ayant besoin d’aide financière. Ce sceau d’approbation est nécessaire aux pays pauvres pour recevoir un allègement de la dette des pays créditeurs, et influence les décisions des investisseurs privés ainsi que des agences d’aide humanitaire à investir ou non dans ces pays. En bref, le FMI a un immense pouvoir sur la vie de milliards d’individus sur notre planète.

Le pouvoir du FMI est surtout confiné aux pays sous-développés, et depuis la dernière crise financière globale, aux pays en voie de développement. Les pays industrialisés n’ont pas emprunté du FMI depuis plus de vingt ans et les politiques du FMI n’ont aucun impact sur leurs bourses et émissions d’obligations respectives. Par contre, ce sont les pays riches et industrialisés qui dominent, par leur pouvoir de cotiseurs majeurs au sein du FMI, la prise de décision et les politiques de cette institution. De plus, l’opinion des citoyens est largement ignorée, rendant le FMI carrément antidémocratique.

Ce présent document se veut un outil de vulgarisation et de formation sur le Fond Monétaire International, dont le but est de parvenir à vous démontrer que le FMI est une organisation qui prône la suprématie du capital et de la loi du marché sur les aspects politiques, sociaux et environnementaux de nos vies, et ce avec de graves conséquences pour nous tous. Mon but est donc de démystifier la nature, les activités et les politiques du FMI, ainsi que leurs conséquences, afin de vous aider, en tant que citoyens, à dénoncer cette institution et ses pratiques.

La présente crise financière globale a allumé un débat sans précédent sur la portée et l’utilité des politiques du FMI. Le mouvement citoyen mondial qui dénonce les excès de notre économie globalisée et qui demande l’annulation de la dette des pays pauvres est la preuve que les citoyens peuvent, et sont en train de s’éduquer et de se mobiliser sur des sujets tels que la justice économique. Toutes ces critiques ont forcé le FMI à admettre quelques unes de ses erreurs et à changer légèrement sa politique, mais il faut pousser encore plus. Comme le dit Carol Welch de friends of the earth « Avec les portes du FMI qui sont maintenant débarrées, la société civile a la chance de les ouvrir complètement. »

L’évolution du FMI

En juillet 1944, les représentants de 45 pays se sont rassemblés à Bretton Woods, aux États Unis, pour fonder les bases d’un système économique global qui serait stable et éviterait les calamités comme la grande dépression et ses effets secondaires - qui culminèrent indirectement par la deuxième guerre mondiale. De cette rencontre sont nés le FMI, la Banque Mondiale et le GATT : l’accord général sur le commerce et les tarifs, qui est l’ancêtre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ce sont les pierres angulaires de l’accord de Bretton Woods, et donc de l’ordre économique mondial actuel. Il importe de noter que la plupart des pays sous développés et en voie de développement n’ont joué aucun rôle dans la création de ces accords et institutions, dû à la petitesse de leur économie et au fait que plusieurs n’étaient même pas encore indépendants.

La tâche première du FMI était de gérer un système de taux d’échange stable dans lequel toutes les monnaies du monde étaient basées sur l’or et le dollar américain. Pour assurer la stabilité de ce système économique, le gouvernement américain garantissait la valeur du dollar US à un taux fixe de 35$ l’once d’or. Ce système devait devenir la base du commerce international qui lui, devait assurer la croissance économique et la prospérité. La deuxième tâche du FMI était d’assurer des prêts aux pays avec des problèmes financiers à court terme. Ces prêts viennent de chacun des pays membres, qui contribuent selon la grosseur de leur économie.

En 1971, à cause de l’inflation et des coûts économiques de la guerre du Viêt-nam, le gouvernement américain décida de délaisser le standard de l’or, ce qui laissa les monnaies dans un système « flottant », où leur valeur est fixée selon les lois du marché. Le FMI perdit donc sa première mission. De plus, on assistait à une augmentation de la privatisation du financement à court terme des pays en ayant besoin, ce qui devait être assumé par le FMI.

Ayant perdu ses deux missions de base, le FMI était en crise. Au lieu de fermer ses portes, le FMI commença a remodeler ses fonctions et a rediriger ses activités. La crise des prix du pétrole du début des années 70 lui donna une chance inespérée de justifier son existence. Une fois de plus, des pays eurent absolument besoin des immenses ressources financières du FMI, mais ce coup-ci, il s’agissait des pays non-producteurs de pétrole. L’augmentation des coûts du pétrole a fait augmenter le prix des biens de consommation pour les pays industrialisés, augmentant par le fait même l’inflation. Pour baisser l’inflation, on augmenta les taux d’intérêts, ce qui a réduit la croissance économique, a fait baisser la consommation et augmenter le coût des emprunts globalement, causant ainsi une grande récession mondiale. Avec une seconde augmentation des prix du pétrole en 1978-79, certains pays étaient si endettés que les banques privées ne voulaient même plus leur faire de prêts. De plus en plus de pays furent obligés de se tourner vers le FMI pour les aider à contrer leur manque de liquidités.

La crise s’est aggravée et a culminée quand le Mexique, en 1982, dû arrêter le paiement de sa dette. Le FMI fût alors appelé, avec le Mexique en premier, puis avec plusieurs autres pays, pour soutenir les manques de paiement à court terme et organiser des négociations avec la communauté bancaire. L’objectif était de relever ces pays pour qu’ils repaient leur dette le plus vite possible. La condition aux arrangements financiers du FMI devint donc que le pays en question se soumette à des mesures d’ajustement économique draconiennes.

Les plans d’ajustement structurel (PAS) devinrent vite le fer de lance de la nouvelle mission du FMI de restructurer les économies lourdement endettées. Ces PAS ont été créés pour réduire la consommation domestique et augmenter les exportations ainsi que les investissements, dans le but de fournir beaucoup de liquidités à ces pays. En gros, les PAS obligent les pays à orienter leur économie vers l’exportation, à réduire les dépenses publiques (dont l’éducation, la santé et l’environnement) et la présence de l’état dans l’économie et finalement, à augmenter les taxes. Les PAS ont également pour but d’augmenter la compétitivité de commerce des pays en gardant les salaires bas et en dévaluant leurs monnaies. Leur champ d’application a également élargi, car maintenant les PAS touchent maintenant les politiques financières et bancaires et les enjeux de la « bonne gouvernance ».

La crise financière des années 1990 a donné encore plus de pouvoir au FMI. Quand le peso mexicain s’est effondré, le FMI a fait un prêt d’urgence pour augmenter la valeur de la monnaie. Le fond a fait pareil avec la Thaïlande en 1997, puis avec l’Indonésie, la Corée, la Russie et le Brésil. Le FMI a profité de cette opportunité pour avancer dans son agenda d’ultra-libéralisation et a exigé de ces pays des changements majeurs dans leur système bancaire, dans leurs lois sur le travail et dans les dépenses publiques.

La crise des années 1990 est différente de celles des années 80 de plusieurs façons : La principale étant que dans les années 90, la crise impliquait le secteur privé qui prêtait de l’argent aux compagnies des pays en voie de développement plutôt qu’aux pays eux-même. Ce n’était pas des pays qui risquaient de faire manquement de paiement, mais des compagnies privées. Le FMI utilisa malgré tout le même traitement qu’une décennie au paravant. Il força les pays à assumer les dettes que le secteur privé avait contracté. Bref, le FMI socialisa les dettes privées et les fit payer par les citoyens.

Cette catastrophe financière globale à allumé plusieurs débats sur l’efficacité et l’utilité même du FMI. Le principal intéressé a, quant à lui, rejeté la faute sur la mauvaise gestion des pays emprunteurs. Il est facile de rejeter la faute des problèmes sur les autres, mais avec 1800 milliards de dollars qui traversent les frontières à chaque jour, est-ce que le FMI est toujours capable de superviser et de régulariser l’économie globale et les politiques monétaires ?

De plusieurs façons, le pouvoir de faire et défaire les économies est passé dans les mains des marchés financiers et de la spéculation. Le FMI reconnaît ce fait indirectement en adoptant des politiques qui visent à satisfaire les marchés financiers, même si cela passe avant d’autres buts strictement économiques comme la création d’emplois et l’augmentation de la demande domestique.

Quel est le problème avec le FMI ?

Ne voulant pas faire de ce document une thèse universitaire, et vu la complexité des structures et des programmes du FMI, je ne rentrerai pas dans les détails du fonctionnement de cette institution, mais je me concentrerai plutôt à souligner les problèmes majeurs du FMI.

Il serait simpliste d’affirmer qu’il n’y a que quelques problèmes dans le fonctionnement du FMI et que l’on pourrait les régler plutôt facilement. Il existe de multiples problèmes au sein du FMI, qui sont reliés entre eux, et surtout, attachés à des causes extérieures. Voici toutefois les principaux problèmes de la structure et du fonctionnement du FMI :

Le manque de transparence

Le FMI est critiqué depuis longtemps pour le haut niveau de secret qui entoure tous ses programmes. Par contre, depuis quelques années, le FMI a fait des efforts significatifs pour rendre certaines informations plus accessibles. Cette institution a par contre un long chemin à faire avant de pouvoir se qualifier de transparente.

Il serait beaucoup trop long d’expliquer toutes les informations importantes qui sont cachées ou juste partiellement dévoilées, mais en guise d’exemple, le FMI dévoile les documents de prêts incomplètement, et ce, après que ses directeurs aient approuvés les prêts. Sans avoir accès aux documents avant qu’ils soient approuvés, la société civile du pays qui emprunte ne peut avoir un impact sur les arrangements qui sont faits avec les gouvernements. Les parlementaires ne peuvent voir les documents de prêts qu’après qu’ils aient été approuvés, et ce même s’ils sont partiellement responsables pour leur implantation. Cacher l’information des conditions de prêts est un puissant moyen de restreindre une participation plus large aux programmes économiques et, de plusieurs façons, une menace à la souveraineté des nations et à la démocratie.

Ceci n’est qu’un exemple.

Le manque de participation publique

Les organisations non gouvernementales demandent de plus en plus fort la participation du public dans la fabrication des programmes de développement économique. Les technologies de communication aidant, de plus en plus de citoyens mettent au défi les coûts et les bénéfices des politiques économiques internationales. Ces demandes sont largement ignorées par le FMI, qui se cache derrière le fait que, comme institution offrant de l’aide financière à court terme, la consultation est difficilement faisable. S’il est vrai qu’une large participation publique est difficile dans le cas des prêts d’urgence, il ne faut pas oublier que la majorité du temps passé par le personnel du FMI est avec des pays ayant des difficultés financières chroniques. Dans ces circonstances, il est plus que temps d’avoir une participation significative de la société civile dans la prise de décisions, ne serait-ce que parce que celles-ci ont des impacts sociaux et environnementaux majeurs pour nous tous.

Le non-respect des travailleurs

Comme les plans d’ajustement structurels sont devenus de plus en plus interventionnistes, le FMI a joué un rôle majeur dans la reconstruction du marché du travail des pays emprunteurs. Même si les conditions du marché du travail ne sont pas dans le mandat du FMI, la majorité des présents PAS exigent des changements au sein des lois du travail. Le FMI dit que la « flexibilité du marché du travail » (un autre terme pour dire déréglementation) va rendre les pays plus compétitifs et encourager les investissements étrangers.

Le FMI fait la promotion de la déréglementation des marchés du travail parce qu’il croit que les marchés du travail sont surchargés de législations, décourageant les employeurs d’engager plus de personnel. Même si cela est vrai pour certains secteurs de certaines économies, la réalité est que la déréglementation fait plus de tort que de bien. Un rapport de l’ONU stipule même que les compagnies utilisent la déréglementation pour renvoyer les travailleurs de « surplus » afin d’augmenter leurs profits, plutôt que pour augmenter leur capacité de production en créant de l’emploi.

La déréglementation affecte les travailleurs de plusieurs façons. Un des impacts les plus significatifs de la déréglementation est l’abolissement des lois du salaire minimum et de négociation collective. Par exemple, en Haïti, le gouvernement a subi d’énormes pressions pour exploiter sa main d’œuvre à bas prix et pour geler les salaires. Le gouvernement a également été dicté de réécrire son code du travail pour éliminer les augmentations du salaire minimum lorsque l’inflation augmente de plus de 10%. Le résultat est qu’en 1997, le salaire minimum était d’uniquement 2,40$ par jour, ce qui vaut 19,5% (!!!) du salaire minimum en 1971.

Souvent, les citoyens finissent par travailler plus d’heures pour un salaire plus faible. Même économiquement les effets sont négatifs, car on assiste à un rétrécissement de l’économie locale et à une diminution de l’établissement de petites et moyennes entreprises. L’approche du FMI, pour justifier ces politiques, est purement basée sur la loi du marché : plus de flexibilité du marché du travail va créer plus d’investissement, ce qui va inévitablement finir par augmenter les salaires et les conditions de travail, au fur et à mesure que le pays se développe. Mais en réalité, après des décennies de PAS, au moins un milliard d’adultes (un tiers de la main d’œuvre mondiale) sont sans emploi ou sérieusement sous employés. Même aux USA, les conditions salariales sont descendues de 1% par année depuis les vingt dernières années.

Voici quelques statistiques peu réjouissantes :

 Au Mexique, le salaire minimum achète maintenant le tiers de ce qu’il achetait en 1981, principalement à cause des politiques du FMI.

 En Hongrie, les salaires réels sont tombés de 24% entre 1989 et 1996.

 En Croatie, on rapporte que le FMI a fait pression sur les syndicats pour qu’ils abandonnent les conventions collectives qu’ils ont signées avec le gouvernement et qu’ils acceptent des augmentations de salaires plus faibles.

Sur le dos des pauvres

Même si le FMI affirme que la réduction de la pauvreté dans le monde est une de ses priorités, ses politiques et ses PAS frappent trop souvent les pauvres le plus durement et vont même, parfois, augmenter la pauvreté et l’inégalité sociale. Presque tous les pays pauvres et en voie de développement ont eu ou sont sous des PAS et leurs populations sont durement touchées.

Quoique les PAS ont un certain mérite quant à la réduction des déficits budgétaires, de l’inflation et au maintien des paiements de la dette, ils ont échoués dans la réduction de la pauvreté et dans l’installation d’un développement économique local et durable. Par exemple, dans la recherche de l’équilibre budgétaire, le FMI pousse les pays à couper leurs dépenses, notamment en réduisant ou en éliminant l’accès gratuit à l’éducation et aux services sociaux, les rendants hors de portée des plus démunis. De plus, dans la course aux capitaux, les pays sont poussés privatiser les entreprises d’états, qui deviennent des monopoles privés servant les intérêts étrangers plutôt que les intérêts locaux. Finalement, les pré-requis à la hausse pour le crédit et les taux d’intérêts élevés rendent a peu près impossible l’investissement par les particuliers et les petites entreprises.

Les contraintes salariales, le renvoi des employés gouvernementaux, les taux d’intérêts élevés, les dépenses réduites du gouvernement et la fermeture d’entreprises locales contribuent au rétrécissement du marché domestique, qui lui, aggrave les conditions socio-économiques. Même si l’on peut remarquer un nouveau dynamisme dans certains secteurs d’élite, l’insécurité économique empire pour la majorité de la population dans les pays qui sont sous les PAS.

Sur le dos des femmes

Les PAS affectent les hommes et les femmes différemment, mais le FMI et la Banque mondiale ne se préoccupent pas de ceci. Les PAS, encore aujourd’hui, frappent les femmes plus durement que les hommes, car ils limitent l’accès aux ressources nécessaires pour l’enfantement, mais aussi pour le soin de la famille, pour la maintenance du domicile et pour la production alimentaire, des rôles souvent exclusivement réservés aux femmes. Par exemple, en dévaluant la monnaie, le FMI décroît le pouvoir d’achat des citoyens, rendant plus difficile l’achat de biens essentiels. Cette situation financière précaire, combinée avec la déréglementation du marché du travail, favorise le travail des femmes, qui sont plus exploitées et moins bien payées que les hommes. Et quand il y a des congédiements, résultants de privatisations ou de ralentissement économique, c’est les femmes qui y goûtent le plus car elles sont souvent les dernières à être engagées et les premières à être renvoyées.

De plus, les coupures budgétaires du gouvernement font particulièrement mal aux femmes. Quand les coûts de scolarité augmentent, les jeunes filles sont les premières à être retirées des bancs d’école. Quand on coupe dans la santé, ce sont elles qui sont les plus touchées. Quand les pays passent de l’agriculture de subsistance à l’agriculture industrielle d’exportation, la capacité des femmes à produire de la nourriture pour leur famille et communauté est souvent mise en jeu.

La dégradation environnementale

L’environnement planétaire est une autre des victimes du FMI et de ses politiques. Les prêts et PAS du FMI, dans la foulée de la libéralisation et de la déréglementation, pavent le chemin pour une exploitation des ressources naturelles tenant uniquement compte des critères économiques.

Les politiques de libre-échange et de croissance économique par l’exportation ont des conséquences environnementales très graves. Les PAS traitent les ressources naturelles comme de simples marchandises d’exportation. Pour augmenter leurs exportations, les pays qui ont des dettes envers le FMI (et/ou d’autres institutions) exploitent leurs ressources naturelles à des rythmes non-durables, car ils doivent payer leurs dettes en monnaies étrangères, généralement en $US, ce qui les obligent d’accumuler des quantités colossales de liquidités. Pour faire cela, la façon la plus facile et rapide est de liquider leurs ressources naturelles (forêts, denrées agricoles, minéraux, pétrole etc.) et des les envoyer vers les pays riches, véritables marchés de surconsommation. N’oublions pas que 20% de la planète (les pays riches) consomme 80% des ressources naturelles mondiales.

Les programmes du FMI placent beaucoup d’importance sur le fait d’être compétitif pour attirer les investissements étrangers, ce qui encourage les pays à réduire les réglementations environnementales, qui trop souvent sont déjà trop peu sévères. De plus, les coupures gouvernementales pour « équilibrer le budget » affectent inévitablement le ministère de l’environnement en premier et le plus durement.

Le FMI ne tient pas compte des impacts environnementaux de ses politiques. De toute façon, le FMI n’a même pas de système crédible d’évaluation environnementale. De plus, les ministères de l’environnement sont systématiquement écartés des discussions entourant les prêts et les PAS. Les ONG environnementales ne sont même pas consultées.

Finalement, sous le régime des PAS, les pauvres deviennent plus pauvres, ce qui peut représenter un grave danger pour l’environnement : En tentant de survivre, ils coupent des arbres pour se construire des logements et se chauffer, étant déplacés de leurs terres par l’agriculture industrielle, ils se tournent vers des terres marginales et des écosystèmes fragiles pour s’alimenter ou rasent la forêt pour subsister. Tout ça contribue encore à la déforestation, à l’érosion, à la perte de biodiversité et à la désertification.

Encore quelques chiffres peu reluisants :

 Les 33 pays africains les plus endettés ont des pertes de forêts de 50% supérieures aux pertes de forêts des autres pays du continent.

 Le Bénin, sous un PAS depuis 1993, a quadruplé ses exportations de bois entre 1992 et 1998.

 Sous un PAS depuis le milieu des années 80, la Guyane équatoriale compte maintenant 32 compagnies minières étrangères actives sur son territoire et les exploitations minières à grande échelle couvrent maintenant 10% de son territoire. L’installation des mines a requis la destruction de plusieurs forêts et a pollué les rivières, entraînant le déclin des poissons, si importants pour l’alimentation locale.

 En Tanzanie, entre 1980 et 1993, un quart des forêts du pays ont été coupées à blanc.

 Au Brésil, les dépenses publiques pour les programmes de protection de l’environnement ont été réduites de 2/3 pour atteindre les objectifs fiscaux fixés par le FMI.

L’enchaînement de la dette

Le poids de la dette des pays pauvres est un facteur majeur de la crise économique et humanitaire qui touche les pays sous-développés et en voie de développement de nos jours. La dette totale des 41 pays les plus endettés est passée de 50 milliards en 1980 à 215 milliards en 1995, et elle continue d’augmenter pour la plupart des pays. De ce fait, les gouvernements ont été forcés à transférer le peu de ressources financières disponibles pour l’éducation, la santé et la protection de l’environnement vers le paiement de cette dette impossible à rembourser. Certains pays africains dépensent présentement plus d’argent pour rembourser la dette que pour la santé et l’éducation mis ensembles. Comment peut-on alors prétendre vouloir lutter contre la pauvreté ?

Quoique les origines des dettes nationales sont variables, allant de la corruption gouvernementale aux projets d’état d’envergure mal dirigés, les conséquences sont toujours semblables : les citoyens, qui n’ont pas de responsabilité dans la contraction de la dette, finissent par servir la dette.

Reconnaissant que les dettes nationales menaçaient la viabilité du système économique mondial, les gouvernements des pays riches, la banque mondiale et le FMI se sont finalement entendus en 1996 pour mettre en place l’initiative pour les pays pauvres hautement endettés. Quoique qu’initialement prometteuse car il s’agissait d’une première, cette initiative est un cuisant échec car il n’y a pas suffisamment de financement, les conditions pour l’allègement de la dette sont trop difficiles à atteindre et les PAS sont nécessaires pour y avoir droit. Plusieurs intellectuels et ONG argumentent - avec raison - que le FMI et ses PAS créent eux-mêmes des dettes et que de tenter de réduire la dette dans le contexte des PAS est contre-productif. Une étude de Development GAP a même démontré que plus un pays était sous les PAS longtemps, plus sa dette risquait d’être élevée.

Conclusion

La récente crise financière des pays en voie de développement combinée à l’inacceptable pauvreté et exclusion des pays sous-développés, ainsi qu’à la destruction environnementale planétaire, prouvent le besoin de changements radicaux au sein institutions financières internationales et de leurs politiques économiques.

Les propositions sont multiples, et au risque de généraliser, on peut les regrouper en deux camps : celui de la volonté de réformer les institutions comme le FMI et celui de carrément les abolir. Personnellement, je suis plutôt de l’avis que les institutions financières internationales sont irréformables et qu’il serait préférable de les abolir. J’y reviendrai.

Certaines critiques du FMI et de la banque mondiale croient que ces institutions, qui ont l’appui de puissants gouvernements et ministères des finances, sont ici pour y rester et que la solution politique la plus réaliste est de tenter de réformer ces institutions. On veut réformer ces institutions pour qu’elles aident vraiment les pauvres de ce monde, et ce par deux moyens : limiter leurs pouvoirs actuels et rediriger leurs opérations.

Personnellement, je crois que ces solutions ne sont pas réalistes, car même si elles apportent des changements positifs à court terme, elles ne touchent pas les problèmes fondamentaux que sont la structure dominée par les intérêts de quelques acteurs puissants et l’idéologie néo-impérialiste du FMI. Je crois que le FMI, tout comme la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale du Commerce sont des institutions fondées sur des principes malsains et ont de toute façon dépassés la limite de toute possibilité de réforme. Elles doivent donc être abolis. Le FMI est ses institutions sœurs fonctionnent sur le principe que les seuls rôles légitimes pour un gouvernement sont de protéger son territoire et d’assurer l’ordre à l’intérieur. Or, sans m’étaler sur le sujet, ce principe est incompatible avec les valeurs de la majorité de l’humanité et est - surtout - très dangereux sur le plan social et environnemental.

Il faut également noter que les politiques du FMI reflètent les intérêts - de pouvoir et de contrôle des banques et des corporations multinationales et que tant que le FMI est dominé par ces intérêts, toute réforme sera inutile et ne servira qu’à redorer l’image publique du FMI.

De toute façon, la structure à partir de laquelle le FMI opère tant à l’extérieur (utiliser la conditionnalité des prêts pour imposer des réformes) qu’à l’intérieur (mauvaise représentation des pays, principe du : un dollar = un vote plutôt que du : un pays = un vote) est fondamentalement antidémocratique, sans respect pour la souveraineté nationale et les droits des citoyens. Le contrôle étranger des questions nationales empêche les pays et leurs citoyens de faire leurs propres décisions et de se responsabiliser, alors que ces derniers sont souvent les meilleurs pour savoir ce qui marche et ne marche pas pour leur pays. Ce n’est pas les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et les grandes banques internationales qui sont les mieux placés pour comprendre et régler les problèmes de la Mozambique et de Haïti. Chaque pays est unique et les peuples ont des besoins et valeurs différents, alors le fait d’appliquer une méthode unique - comme les PAS - pour résoudre les problèmes des pays en difficulté financière ne fonctionne tout simplement pas.

Si, par lucidité, nous abolissions la dette des pays pauvres, ces pays pourraient rediriger leurs ressources financières et humaines vers la santé, la lutte au SIDA, l’éducation, la protection environnementale et la sécurité alimentaire. Ces programmes seraient beaucoup plus efficaces pour contrer la pauvreté des pays sous-développés que les PAS du FMI.

Il faut absolument discréditer le FMI, ses institutions sœurs (BM et OMC) et leurs politiques, ainsi que mettre au grand jour les horreurs qu’elles causent. Il faut se mobiliser, informer la population, en commençant par ceux autour de nous, et agir afin que nos gouvernements ne puissent plus ignorer nos revendications.

Après tout, il s’agit de la vie de nos frères et sœurs qui est en cause.

Paix, justice et liberté pour tous !

Antoine Gendreau-Turmel antoinegt@sympatico.ca

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