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24 août 2022

Comment la violence s’incube avec la Guerre juridique contre Cristina Kirchner

par Luis Bruschtein *

 

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Tout ce que Cristina Kirchner a dit pour sa défense fut ce qui a été entendu pendant les trois années où les témoins ont déposé, notamment ceux que l’accusation avait convoqués. Toute la plaidoirie du procureur contredit ce que ses propres témoins ont déclaré. Cela est vraiment indiscutable et pas un récit auquel nous devons croire par préjugé, comme nous invitent à le faire les procureurs et certains journalistes « indépendants » ou d’une Corée qui n’existe pas.

Ce procès et tous ceux qui ont été mené comme persécution politique contre des dirigeants populaires devraient être suspendus. Rasez-les car ils sont pleins d’irrégularités comme les cahiers de note qui n’existaient pas ou l’extorsion de témoins.

Je ne suis pas avocat pour fournir des éléments techniques sur ce qui est possible ou non sur ce terrain. Mais en tant que citoyen, j’ai vécu la manière dont la violence politique s’est fabriquée dans ce pays lorsque le péronisme a été interdit après le coup d’État de ’55. Et maintenant, ils tirent trop fort sur ce même fil très, très fin. Le retour à cet enfer qui a culminé avec le coup d’État de 1976 serait l’holocauste civilisationnel de l’Argentine.

Ce film ressemble trop à l’autre antérieur. Elisa Carrió deviendrait le pendant d’un personnage dérangé adoré par les cacatoès du Barrio Norte [quartier chic de Buenos Aires. Le Carrió de l’époque était un psychopathe qui se faisait appeler Capitaine Gandhi et gardait le crâne de Juan Duarte, le frère d’Evita, dans un tiroir de son bureau. Ce n’est pas un mythe, le gars l’a montré fièrement. Il était chargé d’enquêter sur les supposés actes de corruption qui avaient été commis pendant les présidences de Juan Perón.

Tous ces déchets idéologiques, infectés de préjugés contre les secteurs populaires, ont nourri le germe de la violence. Une réaction qui ne s’est pas fait attendre. Comme ils avaient interdit qu’ils s’expriment en démocratie, ils s’exprimaient d’une autre manière.

Il y a eu des soulèvements de soldats fidèles qui ont été fusillés. Il y a eu des grèves, et il y a eu des répressions, et plus de protestations et plus de répressions. Et des prises de contrôle d’entreprises et des manifestations et des élections annulées et plus de protestations et un état de siège. Et les bombes ont commencé. Et il y a eu des coups d’État militaires. Et la répression s’est poursuivie avec des enlèvements et des tortures. Et il y eut des insurrections populaires dans toutes les grandes villes du pays. Et il y avait des soulèvements de guérilla et il y avait des groupes d’autodéfense et plus de coups d’État militaires avec des disparitions et des camps de concentration clandestins.

Peut-être que l’expérience que nous vivons en tant que génération me rend pessimiste quant à cette tentative grotesque d’interdire Cristina Kirchner et d’atomiser le péronisme. Le sentiment que nous revenons au point de départ est très fort, comme l’âne qui fait tourner la roue.

Mais plus pessimistes devraient être ceux qui applaudissent à cette offensive judiciaire de la droite. Ils convoquent de vieux fantômes qui se paieront avec la douleur de tous, pas seulement du peuple, de ses militants et de ses dirigeants. La droite paie aussi un coût et risque tout. La démocratie est toujours meilleure. Si les règles du jeu sont respectées.

J’insiste. Je ne suis pas avocat et je crois que nous sommes tous égaux devant la loi. Mais si un dirigeant comme Cristina Kirchner, qui est une référence incontestable pour des millions de citoyens, doit être jugée, il faut que les procédures soient transparentes, que le droit à la défense soit pleinement garanti et qu’il y ait même des observateurs internationaux pour garantir que le procès ne soit pas infecté par les passions politiques conjoncturelles.

Il n’y a rien eu de tout cela dans ce procès et dans les autres qui ont été organisés arbitrairement. Le Tribunal, la Cassation et même la Cour Suprême ont rejeté tous les pourvois des défenses et accepté comme bonnes les irrégularités commises par l’accusation. Sans exception dans les deux cas, cela s’est produit avec l’expertise de seulement cinq des 51 travaux en question, avec la relation intime entre le Juge et le Procureur qui favorise l’accusation, ou avec les visites de ces personnages à la maison de campagne de Mauricio Macri, son adversaire politique et promoteur du lawfare [Guerre juridique], ou l’intégration de preuves venues d’autres affaires qui ont été présentées le dernier jour de plaidoirie, sans laisser à la défense le temps d’y répondre.

Si les règles du jeu sont enfreintes, les juges et les procureurs sont manipulés et l’information est manipulée pour interdire une force politique de premier plan, les groupes sociaux qui font partie de cette force politique chercheront d’autres moyens pour défendre leurs intérêts et présenter leurs idées. Si les règles du jeu sont enfreintes, la coexistence démocratique est rompue et l’avenir devient incertain.

Luis Bruschtein* pour Página 12

Página 12. Buenos Aires, le 24 août 2022.

* Luis Brushtein , est un journaliste argentin, rédacteur en chef adjoint du journal Página 12, qui a vecu en exil au Mexique après la disparition forcée de ses trois frères et de son père. Il est le fils de Laura Bonaparte, l’une des fondatrices de l’organisation Mères de la place de Mai.

[Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo de la Diaspora. Buenos Aires, le 24 août 2022.

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