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5 février 2003

Colombie, internationaliser la résistance

par Stéphane Fernandez

 

En Colombie, un régime fasciste est en train de s’installer dans l’indifférence générale. Seules quelques voix s’élèvent pour protester contre la militarisation complète de la société. Elles proviennent de citoyens et de quelques parlementaires qui risquent quotidiennement leur vie dans un pays où l’État de droit a complètement disparu.

"Résistants de l’intérieur", des Colombiens, invités à Porto Alegre par le Secours catholique sous l’égide du Centre de recherche et d’information pour le développement, sont venus expliquer la situation de leur pays et crier avec force leur désir de paix. Lundi 20 janvier 2003, Piedad Cordoba, a échappé, une fois de plus à une tentative d’assassinat. Enlevée une première fois en 1999, on lui a, cette fois, tiré dessus. Piedad Cordoba est sénatrice en Colombie. Dans l’opposition à l’intérieur de son propre parti qu’elle considère « comme responsable de la situation actuelle », elle crie haut et fort que la Colombie est en train de détruire les libertés publiques, que le président Alvaro Urribe, élu en août dernier grâce à une habile campagne médiatique, transforme son pays en une dictature plus dure que celle du Chili de Pinochet.

Trop haut, trop fort. Sa campagne contre le futur référendum qui prévoit en outre de transformer le mode électoral et le nombre de parlementaire lui vaut de nombreuses inimitiés. « Avec la politique de sécurité démocratique, le gouvernement supprime petit à petit tous les libertés individuelles, tonne-t-elle. Dans les zones dites de "réhabilitation" les mesures policières et militaires prennent le pas sur les autorités civiles. » Création d’armée d’informateurs paysans, incorporation de 15.000 nouveaux militaires, détention arbitraire de leaders politiques ou syndicaux d’opposition comme le chef syndical du pétrole, Hernan Hernandez, assassinats ciblés, la Colombie se "para-militarise" alors que le gouvernement affiche un début de négociations avec les Auto-défences unies de Colombie, groupe para-militaire, responsable de plus de 60 % des exactions, meurtres, massacres, viols commis en Colombie durant ces dernières années (voir les rapports de Human rights watch).

Appuyé et encouragé par les Etats-Unis et le plan Colombie qui prétend éradiquer les cultures de coca et le narco-trafic, mais qui ne fait que légitimer, renforcer et préparer l’intervention militaire des Etats-Unis dans la région, le gouvernement d’Alvaro Urribe prépare le terrain avec zèle.
Pour résister et sortir de l’isolement, Piedad Cordoba propose un accord intégral humanitaire car « la situation est devenue très grave ». C’est aussi à cause de cette situation qu’elle va retourner en Colombie. « Et arrivera ce qui arrivera », indique-t-elle.

Mettre la paix au cœur des préoccupations politiques
La recherche de la paix est également au cœur des propositions des organisations citoyennes qu’elles soient associations de femmes ou institutions de défenses des droits de l’homme. Appuyée par des associations internationales comme le Secours catholique, la société civile veut s’emparer du thème de la paix. Jorge Rojas du comité de liaison des initiatives de paix en Colombie explique que désormais « la participation citoyenne doit absolument se transformer en une participation politique car si nous travaillons uniquement sur les incidences du conflit, sur le gouvernement ou sur la guérilla, nous n’arriverons pas à changer à changer la conception même du débat. Nous voulons remettre la paix au cœur des propositions politiques pour ce pays. »
Et de dénoncer les propositions de réponse uniquement guerrière du nouveau gouvernement : « Le gouvernement actuel est issu de l’effondrement des partis traditionnels qui n’ont pas de stratégie, pas de propositions de paix à formuler. Tout le monde sait que la guérilla ne sera pas vaincue militairement. Pourtant la Colombie reçoit chaque jour 1,4 millions de dollars pour faire la guerre. Le gouvernement n’a qu’une solution à proposer : militariser la société. En cela, la guerre s’institutionnalise en Colombie. À côté de cela, la guérilla n’a pas compris aujourd’hui qu’il était plus révolutionnaire de faire la paix que de faire la guerre. » Entre le marteau et l’enclume, sans oublier les para-militaires, la société civile se retrouve quasiment seule à assumer les actions pour la paix.

La sénatrice Piedad Cordoba ajoute sa pierre à l’édifice. Son combat rejoint celui de Jorge ou d’autres personnes comme Gloria Florez qui a fait partagé son expérience, lors de différents ateliers sur la situation en Colombie organisés au Forum social mondial. Elle aussi explique que « les Colombiens sont bien conscients que si la société civile ne participe pas au débat, la paix que nous voulons ne sera jamais possible ». L’association qu’elle a créée en 1992, Minga appuie les communautés touchées par le conflit. « Minga effectue un travail de dénonciations et de prévention des violations des droits de l’homme. Nous assistons les personnes juridiquement. »

Intervenant dans la région frontalière avec le Venezuela, Minga apporte son soutien aux personnes réfugiées de l’autre côté de la frontière. D’autres associations prennent conscience de cette urgance d’une mobilisation citoyenne contre la guerre. « Mais nous n’y arriverons pas tout seul, concède Jorge Rojas. Nous avons besoin d’appui à l’intérieur et à l’extérieur. » Piedad Cordoba en est également convaincu : « La société civile peut faire avancer les propositions mais elle ne peut pas gagner la paix toute seule. Il faut qu’elle puisse s’unir à d’autres forces, notamment dans les partis politiques. »

Elle a déjà trouvé un appui en la sénatrice « aux sept vies » comme l’a surnommée un hebdomadaire latino-américain. À l’occasion des débats organisés au sein du Forum social mondial, elle a réussi à tisser des liens avec des organisations des pays voisins. La société civile s’est mise debout. Elle lutte car elle n’a pas d’autre choix. « Notre seule possibilité est d’arriver à gagner un appui international auprès des pays amis, indique Piedad Cordoba. Nous y travaillons et nous assumons les risques. »

Crid, 28 janvier 2003

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