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1er mai 2011

Changer le paradigme du modèle économique de l’Union Européenne.

par Alfredo Zaiat

 

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La Grèce paye des intérêts pour le renouvellement de sa dette qui témoigne qu’elle est au bord la cessation de paiements, qui dans une tentative pour préserver la réputation de l’Union Européenne est mentionné comme restructuration de passifs. L’Irlande, le Portugal et l’Espagne se trouvent devant cette même urgence avec des intensités différentes.

De grandes puissances comme la France et l’Italie sont aussi noyées par une dette volumineuse qui pèse sur leurs budgets. La réponse à cette urgence fut l’application de recettes classique de l’ajustement néolibéral. Par d’autres expériences semblables, dont l’Argentine, on sait que par cette voie on ne fait qu’approfondir la crise d’une dette qui est impayable dans ces conditions. Alors que sont faites des coupes radicales dans les dépenses publiques et dans la protection sociale, cette crise provoque une révision générale de la pensée économique dominante. Malgré la résistance des secteurs du pouvoir économique, des finances et des conservateurs en général, les économistes chaque fois plus nombreux se rebellent devant le modèle néolibéral, dominant une grande partie du monde universitaire, et s’étendant au sens commun de la société. Un millier d’économistes de 53 pays, parmi lesquels on trouve Jeffrey Sachs, Paul Krugman, Joseph Stiglitz, ont demandé aux ministres d’Économie du G-20 d’établir un impôt sur les transactions financières.

Dans cette tâche de changer ce paradigme, a émergé en septembre de l’année dernière le groupe « Economistes atterrés », qui a rassemblé l’adhésion immédiate de 630 professionnels de la science obscure, nombre qui a ensuite augmenté, qui depuis la France alertent sur le destin européen s’il se persiste dans la voie de l’ajustement uniquement pour protéger le monde des finances. Dans leur page web www.economistes-atterres.blogspot.com , ils ont présenté un document qui est un bon guide pour encourager la discussion sur les alternatives aux politiques actuelles de l’Europe acculée, qui a un sens hors de ces frontières.

Les « économistes atterrés », conduits par Philippe Askenazy, Thomas Coutrot, André Orléan et Henri Sterdyniak, ont élaboré le manifeste « Crise et dette en Europe : 10 fausses affirmations, 22 mesures à débattre pour sortir du point mort ». Ils considèrent que la majorité des économistes qui interviennent dans le débat public le font pour justifier ou rationaliser la soumission des politiciens aux exigences des marchés financiers. « Le software néolibéral est toujours le seul qui est reconnu comme légitime, malgré ses échecs clairs » signalent-ils .

Ce « software », basé sur l’efficience des marchés financiers, recommande de réduire les dépenses publiques, de privatiser les services publics, d’assouplir le marché du travail, de libéraliser le commerce, les services financiers et les marchés des capitaux, d’augmenter la concurrence dans tous les domaines. Devant ces recommandations, qui sont mises en pratique avec des conséquences sociales dévastatrices, l’énumération de ces fausses affirmations est parlante, parce qu’elle met en discussion des vérités considérées absolues dans le débat économique.

Ce décalogue est le suivant :

1. Les marchés financiers sont efficaces.
2.
Les marchés financiers sont favorables à la croissance économique.
3. Les marchés sont de bons juges de la solvabilité des États.
4.
La hausse spectaculaire des dettes publiques est le résultat d’un excès de dépenses.
5.
Il faut réduire les dépenses pour réduire la dette publique.
6. La dette publique transfère le coût des actuels excès aux futures générations.
7. Il faut tranquilliser aux marchés financiers pour pouvoir renouveler la dette publique.
8. L’Union Européenne défend le modèle social européen.
9. L’EURO est un escudo contre la crise.
10.
La crise grecque a permis d’avancer vers une véritable solidarité européenne.

Les trois derniers points se réfèrent spécifiquement à la situation européenne, mais les autres offrent un condensé des postulats avec lesquels le néolibéralisme continue à lutter malgré la chute du « Mur de Wall Street ». Comme indiquent les « Economistes atterrés », la crise a laissé à découvert le caractère « dogmatique et sans fondement » de la majorité de ces affirmations réitérées jusqu’à la satiété pour ceux qui prennent les décisions dans le monde de l’entreprise et pour une partie des politiciens. Ils mentionnent de façon opportune qu’ « encore aujourd’hui le G-20 persiste dans l’idée que les marchés financiers sont le bon mécanisme d’allocation du capital. La primauté et l’intégrité des marchés financiers sont encore les objectifs finaux que poursuit la nouvelle régulation financière ». Cette conception prédominante dans les gouvernements des puissances interprète la crise non comme un résultat inévitable de la logique des marchés déréglés, mais comme l’effet de la malhonnêteté et l’irresponsabilité de quelques acteurs financiers mal surveillés par les pouvoirs publics.

La crise s’est chargée de démontrer que les marchés ne sont pas efficaces et qu’ils ne permettent pas une allocation efficace du capital, ce qui est venu confirmer les différents travaux critiques qui avaient mis cette proposition en doute. Le monde des finances déréglé et globalisé ne produit pas la stabilité économique, mais tout le contraire : il gonfle les prix des actifs de manière excessive et irrationnelle en produisant des bulles financières. Une des affirmations les plus habituelles qui circule dans l’espace public se réfère au fait que la taille excessive de la dette publique est la conséquence d’un gaspillage effectué au détriment des générations futures (postulat 6). Les « Economistes atterrés indiquent que « c’est une autre fausse affirmation, qui confond économie domestique et macroéconomie ».

Ils affirment que la dette publique est, en réalité, un mécanisme de transfert de richesses des contribuables vers les rentiers . Ils expliquent que la réduction d’impôts aux secteurs ayant un plus grand pouvoir d’achat, installée par l’administration de Ronald Reagan aux Etats-Unis au début de la décennie des années 80, qui a été ensuite étendue à l’Europe, a été une politique fiscale de redistribution régressive qui a aggravé de manière croissante les inégalités sociales et les déficits publics.

Cette politique fiscale a obligé les administrations publiques à s’endetter sur les marchés pour ainsi financer ces déficits créés. On appelle cette politique économique « l’effet jackpot » : « avec l’argent économisé de leurs impôts, les riches ont pu acquérir des titres de la dette publique émise pour financer les déficits publics provoqués par les réductions des impôts… », expliquent-ils. Ils mettent comme exemple que le service de la dette publique en France représente 40.000 millions d’EURO, presque autant que la collecte de l’impôt sur le revenu. Et ils achèvent : « tour de force d’autant plus brillant qu’on a réussi à faire croire à la société que le coupable de la dette était les dépenses publiques à cause des fonctionnaires, retraités et la santé publique » pour justifier l’ajustement dans ces rubriques.

Interpeller ces fausses affirmations et montrer qu’il existe d’autres options possibles et désirables en matière de politique économique requiert d’indiquer, d’abord, les pressions du monde de la finance sur les gouvernements, pour ensuite orchestrer des mesures qui dévoilent l’inefficacité économique et le potentiel destructif sur le plan politique et social de la stratégie de l’ajustement.

Página 12. Buenos Aires, le 30 avril 2011.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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El Correo. Paris, 2 mai 2011

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