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30 juillet 2013

Argentine contre Fonds Vautours :
Soutien de la France, ambigüité du FMI sous pression US

par Estelle Leroy-Debiasi *

 

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Dans l’affaire qui oppose l’Argentine aux fonds vautours, ces derniers jours ont été marqués par deux faits d’importance. Le soutien au titre de la procédure Amicus Curiae devant la Cour suprême des Etats Unis, de la France, au titre du Club de Paris. Et la volte face – sous pression- du FMI dont on attendait une prise de position dans cette même procédure.

L’attaque des fonds vautours qui vise l’Argentine aujourd’hui pourrait se renouveler demain pour n’importe quel pays dont la dette aurait déjà renégociée à grande échelle… En fait, c’est la peur d’un chaos financier qui motive ces soutiens au-delà des créanciers directement concernés, la peur de créer un précédent qui permette de remettre en cause les accords de restructuration de dette souveraine...

« La démarche française vise à alerter la Cour Suprême des Etats-Unis des implications potentielles de sa décision sur le bon fonctionnement du système financier international », souligne d’emblée le communiqué du Ministère français de l’économie. « Le principe même de restructurations ordonnées et négociées des dettes souveraines, menées en particulier dans le cadre du Club de Paris, pourrait en être affecté. La décision de la Cour pourrait en effet dissuader la participation des créanciers de bonne foi à toute résolution de crises d’endettement, et avoir ainsi des implications significatives pour de nombreux pays en développement et à faible revenu ».

Rappelant que la démarche « n’est pas liée au cas spécifique de l’Argentine. Elle est motivée par l’attachement de la France à la préservation de la stabilité financière internationale et à son rôle au sein du sein du Club de Paris, dont elle assure la Présidence et le Secrétariat depuis sa formation en 1956 ». Depuis, « le Club de Paris » a conclu quelque 429 accords avec 90 pays, et a traité un montant de dettes de 573 milliards de dollars !

Dans cette procédure de Amicus Curiae, s’ajoute le soutien réitéré de Caja de Valores argentina, 93% des détenteurs d’obligations qui ont rejoint l’accord d’échange de 2005 et 2010, Exchange Bondholder Group, Fintech et les Euro Bondholders. Des milliers de détenteurs qui seraient affectés par la décision de la Cour d’Appel de New York du 26 octobre 2012 (Voir sur le sujet : Ces coups bas du FMI à l’Argentine qui ne trompent personne ; et aussi : L’Argentine defie les manoeuvres de decredibilisation)

Est mis en avant le conflit existant entre la sentence de la Cour d’Appel et les précédentes jurisprudences, mais aussi avec les limites imposées par le FSIA, Foreign Sovereign Immunities Act, puisque « une Cour des Etats-Unis tente d’imposer à une autre nation d’utiliser ses ressources souveraines à des fins interdites par ses propres lois locales et par ses principes d’ordre public, la privant ainsi du contrôle de ses propres ressources » comme l’explique un représentant des créanciers ayant acceptés l’échange. L’application de la décision du juge Griesa ferait vaciller toutes les restructurations futures de dettes, c’est pour cela que Wall Street s’en est ému il y a déjà plusieurs mois. Ainsi que le gouvernement Obama.

Mais curieusement, et c’est le second fait d’importance de ces derniers jours, celui-ci se montre moins pressé de faire entendre sa voix dans la procédure de Amicus Curiae. Et du coup le FMI dont on pensait qu’il allait y participer reste pour le moment en retrait, au nom du fameux « principe de neutralité ». Alors qu’on s’attendait à une prise de position de FMI démontrant « les implications négatives d’un tel jugement pour la finance internationale », comme cela avait été reconnu à plusieurs reprises.

Y a t-il eu pression de la part des Etats-Unis, ceux-ci étant l’un des principaux membres du FMI ? Le changement de position des Etats-Unis a-t-il obligé le FMI à changer ses plans vis-à-vis de l’Amicus Curiae, alors que l’organisme voulait mettre en garde la Cour Suprême sur les conséquences dramatiques de la décision ? Beaucoup de questions sont restées sans réponse. Le porte parole du FMI, William Murray, a déclaré qu’il n’aurait pas été approprié « à cette étape » de témoigner sans l’appui des Etats-Unis, car l’organisme international a un « devoir de neutralité dans les affaires qui impliquent les gouvernements membres, et que le soutien des Etats-Unis pourrait mettre potentiellement le FMI au milieu d’un conflit entre deux membres ».

Reste que ce changement subit d’attitude des Etats-Unis et du FMI a surpris plus d’un membre du G20, à commencer par le Brésil. Est-ce le fruit de l’intense lobby mené par l’ATFA (voir El correo Bras de fer entre l’Argentine et les fonds vautours : Le dangereux lobby de l’ATFA), auprès de plusieurs représentants, notamment Républicains, du Congrès étasunien ? Probablement.

Cette volte-face –qui a surpris tout le monde- n’efface en rien la position publique prise, il y a déjà plusieurs mois, par le gouvernement des Etats-Unis sur le jugement en première et deuxième instance : « ce jugement pénaliserait les relations économiques internationales des Etats-Unis et altérerait la confiance dans le marché new-yorkais comme place mondiale dans les opérations de restructuration de dettes ». Ni la position de Christine Lagarde, sur l’action des fonds vautours et le dit jugement, dont « les implications seraient négatives sur la finance internationale et de façon systémique » comme cela a été publié dans un document du mois d’avril.

Un membre du département du Trésor a déclaré, selon le Wall Street Journal, Imf explains itself on argentine debt case but questions on us role remain que la décision d’apporter son soutien au brief du FMI est une simple question de procédure et de temps, en l’occurrence pas avant que la Cour Suprême n’ouvre le dossier.

Pour d’autres, comme Anna Gelpern, professeur de droit à l’American University, l’enjeu est autre pour l’administration Obama : c’est celui de la participation des Etats-Unis au financement du FMI et du transfert de pouvoir à d’autres pays membres comme la Chine , le Brésil, qui sont l’objet de discussion au Congrès…. Les Républicains -dont certains sont des soutiens ouverts des fonds vautours- demandent des comptes sur cette question, et font pression sur l’administration pour qu’elle reste en dehors de ce conflit, condamnant les politiques économiques menées par l’Argentine.

Selon le Wall Street Journal, toujours, dans une lettre du 10 juillet, adressée à l’Attorney General Eric Holder, une douzaine de cabinets (house law makers) presse le ministère de la Justice d’empêcher l’Argentine d’obtenir quelque soutien juridique supplémentaire dans ce dossier.

Reste qu’évidemment du coté des fonds vautours, on se frotte les mains de ce changement d’attitude du Fmi, qui laisse la voie libre, pour toutes opérations de déstabilisation notamment sur les marchés contre l’Argentine, même si tant le FMI et le Trésor ont admis qu’une prise position ultérieure devant la Cour Suprême n’était pas à écarter.

Estelle Leroy-Debiasi pour El Correo

El Correo. Paris, le 30 juillet 2013.

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* Estelle Leroy-Debiasi. Journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune.

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