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15 janvier 2010

Argentine.
Nous commençons l’année du Bicentenaire

 

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Nous commençons l’année du Bicentenaire. 200 ans après la Révolution de Mai 1810 qui a destitué le Vice-Roi espagnol, l’Argentine fête cette année son Indépendance. Que reste-t-il aujourd’hui de la souveraineté du pays ?

Cette année du Bicentenaire rend nécessaire la réflexion et l’analyse de la situation afin de savoir vers où va notre pays actuellement. Les faits sautent aux yeux ; on récolte ce que l’on a semé et nous savons bien que toute société est le résultat de ceux qui la composent.

Le peuple doit analyser les résultats des politiques imposées par l’Etat et par les provinces pour voir si elles sont vraiment au service de la population ou si, au contraire, elles correspondent plutôt aux intérêts économiques et politiques de certains en privilégiant les entreprises internationales comme, par exemple, les grandes entreprises minières qui saccagent le pays et provoquent la destruction de l’environnement et la pollution de l’eau dont elles font un usage irrationnel. Ces entreprises font une simple déclaration pour dire que tout est bien conforme à la loi et elles emportent l’or, l’argent, le cuivre et les minéraux stratégiques du pays en laissant derrière elles la misère, les maladies et le chômage pour la population.

Rien de tout cela ne serait possible sans la complicité des gouvernants. Le veto présidentiel contre la Loi pour la protection des glaciers en est un bon exemple.

C’est pourquoi il est urgent et nécessaire de réformer la loi sur les entreprises minières afin de pouvoir réglementer l’utilisation des ressources naturelles et afin de contrôler les exploitations pour qu’elles ne causent plus de dommages à la vie et aux droits de la Terre-Mère qui souffre de cette exploitation, de la destruction de l’environnement et de ce saccage sans pitié qui ne lui permet pas de retrouver sa vitalité.

Le gouvernement de Nestor Kirchner a recommencé à payer le remboursement de la dette au FMI (Fond Monétaire International) et aujourd’hui, on veut continuer à payer pour rétablir les bonnes relations avec cet organisme si néfaste pour les peuples. De plus, le gouvernement de Cristina Kirchner suit une politique aberrante en prétendant continuer à payer cette dette immorale et en partie illégitime avec les réserves de la Banque Centrale argentine. Il faut absoluement réclamer aux autorités de faire tout d’abord un audit sur cette dette extérieure du pays pour savoir qui a touché l’argent prêté et à quoi correspond la part légitime du remboursement de cette dette et la part illégitime.

Malheureusement le gouvernement manque de volonté politique pour faire cet audit. Il a peur de faire ressurgir toutes les négociations troubles des gouvernements de la dictature militaire jusqu’à ceux d’aujourd’hui.

Le Dr Alejandro Olmos a pourtant donné au tribunal tous les éléments nécessaires au jugement sur cette dette extérieure et le juge Balestero les a présentés devant le Parlement, mais le gouvernement a décidé de ne pas poursuivre les recherches et a empêché la réalisation de cet audit.

Un autre thème préoccupant, c’est qu’on ne trouve dans l’agenda des dirigeants politiques et sociaux actuels aucune intention de recherche sur le rôle joué par les forces armées au moment du retour à la construction démocratique.

Pourtant, ceux qui appartiennent aujourd’hui aux Forces Armées Argentines (FFAA) sont des citoyens et des citoyennes comme les autres. Ils ne sont pas extérieurs à la société argentine. C’est pourquoi il faudrait aussi prendre en compte leur participation.

La construction d’un projet pour l’ensemble du pays n’est pas possible si les forces armées en sont absentes. Je parle ici des FFAA démocratiques actuelles au service de la souveraineté nationale.

Nous devons tous savoir si, à l’occasion de ce Bicentenaire, nous sommes vraiment un pays souverain ou une simple colonie des transnationales.

Un pays qui ne contrôle pas ses ressources et n’a plus la capacité de disposer des industries de base et des secteurs stratégiques, est un pays sans souveraineté.

En fait, l’Argentine est un pays sans souveraineté. Dans cette situation, la question est de savoir ce que pensent les forces armées au sujet de cette souveraineté nationale alors que le pays a perdu toutes ses ressources en les faisant passer dans des mains privées ? Qu’en est-il des valeurs et de la souveraineté du peuple ? Que faut-il comprendre quand on parle de souveraineté : s’agit-il de la souveraineté territoriale ou de la souveraineté du peuple ?

On devrait débattre de ces interrogations au niveau national pour savoir qui nous sommes et vers où nous allons.

La réalité nous montre que les ressources naturelles, minérales et énergétiques du pays sont dévastées et saccagées avec une totale impunité. Nous parlons souvent des pauvres mais est-ce que nous nous demandons pourquoi il y a tant de pauvres ? Pourquoi dans un pays aussi riche que l’Argentine nous avons 10 millions de nos compatriotes qui sont pauvres et pourquoi chaque jour 25 enfants y meurent de faim ?

En réalité, l’augmentation de la pauvreté est la conséquence directe des politiques imposées. Les raisons sont variées pour ne pas résoudre ce grave problème de l’augmentation de la pauvreté, quand les paysans et les indigènes sont expulsés de leurs terres et qu’on ne leur accorde pas de crédits, quand il n’existe pas de programme de développement qui les prennent en compte et qu’ils sont obligés de se déplacer vers les banlieues pauvres des grandes villes.

Leurs terres sont vendues à des entreprises internationales, à des grands propriétaires pour l’exploitation minière ou industrielle ou à des producteurs de soja transgénique qui pratiquent la monoculture et provoquent la destruction de la biodiversité en déboisant les forêts naturelles.

Pour ce Bicentenaire, il faut que le peuple s’auto-convoque lui-même pour réfléchir, pour comprendre la situation actuelle et pour savoir vers où nous allons.

On trouve beaucoup de force et de résistance dans l’espérance du peuple et dans sa capacité de trouver de nouveaux chemins pour la vie et pour le développement.

Vouloir célébrer ce Bicentenaire sans analyser la situation et sans être convaincus que nous devons être un pays libre et souverain, c’est ne pas voir la réalité.

Nous devons aussi tenir compte des événements actuels qui présagent des périodes tourmentées, comme le coup d’Etat civico-militaire au Honduras, comme les tentatives de coup d’Etat dénoncées par le Président de l’Equateur, Rafael Correa, ou comme l’instabilité et les bruits de bottes au Paraguay contre le Président Fernando Lugo, ou encore le malaise des militaires du Brésil quand le Président Lula essaye de mettre en place une "Commission de la Vérité" pour savoir enfin ce qui s’est vraiment passé pendant la dictature militaire brésilienne ou encore la "Loi de Caducité" en Uruguay qui ne peut être abrogée malgré deux plébicites.

Les bases militaires nord-américaines dans tout le continent, dont les sept nouvelles bases établies en Colombie et la 4ème Flotte Maritime nord-américaine dans l’Atlantique pour la surveillance continentale, tout cela met bien en évidence que les intentions du président des Etats-Unis, Barak Obama, se décolorent peu à peu et que sa politique ressemble de plus en plus à celle de George W. Bush.

Les fantômes de la Maison Blanche sont très puissants et ils savent que le pouvoir peut se domestiquer et devenir comme un mîme du pouvoir précédent.

Il faut, malgré tout cela, résister dans l’Espérance. Les signes de cette résistance et du changement sont dejà présents dans le continent.

En Bolivie avec Evo Morales, au Vénézuela avec Hugo Chavez, à Cuba avec la résistance révolutionnaire et les propositions de Fidel et de Raùl Castro, en Equateur avec Rafaël Correa et en Uruguay avec le nouveau gouvernement de Pépé Mujica.

Nous espérons qu"en Argentine, Cristina aura assez de clarté de vue et de cohérence pour avancer aussi dans cette intégration continentale et nous espérons aussi que les nouvelles émergences sociales, culturelles et politiques du pays s’ajouteront à celles des autres pays du continent afin de construire ensemble de nouveaux espaces d’intégration, de liberté et de souveraineté.

Par Adolfo Pérez Esquivel
Buenos Aires, le 9 janvier 2010.

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