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9 février 2004

Amérique latine : La tendence à la stagnation revisitée

par Pierre Salama

 

Dans les années quatre vingt, les principales économies latino-américaines rompent avec le trend de croissance forte des années cinquante à soixante dix et connaissent des difficultés de grande ampleur. Le service de la dette externe s’élève à plusieurs points du PIB et se traduit par un transfert net de capitaux de ces pays vers les banques des pays développés. Même non assuré intégralement, ce service de la dette, à partir d’un terreau inflationniste, provoque une accélération de la hausse des prix et, dans plusieurs pays, l’hyperinflation se développe, per-siste tout en évitant, à de rares exceptions près, de prendre un caractère explosif. La croissance par tête sur la période est soit négative, soit proche de zéro. Le taux d’investissement chute et on assiste à une montée en puissance des activités financières concentrées dans l’achat de bons du trésor. La distribution des revenus, de plus en plus inégale, se traduit par une bipolari-sation des revenus au détriment des couches les plus modestes et des deux tiers des couches moyennes. La pauvreté et la pauvreté extrême augmentent. L’ensemble de ces caractéristiques s’inscrit dans un contexte de poursuite du protectionnisme, d’inefficacité croissante de l’Etat, de perte de crédibilité de ses politiques économiques, de paiement d’une part significative du ser-vice de la dette externe.

Dans les années quatre vingt dix, ces économies connaissent un processus soudain et rapide de libéralisation de l’ensemble des marchés : libéralisation brutale du compte marchandises et du compte capital de la balance des paiements ; retrait de l’Etat de l’économique (réduction substantielle des subventions à l’industrie notamment à l’exportation, puis privatisation massive, lucrative pour les intérêts privés, nationaux et étrangers, source d’un essor de la corruption) ; réduction massive des prêts bonifiés au profit d’une hausse des taux d’intérêt censés réduire la répression financière supposée. La libéralisation plus tardive, probablement plus prudente, du marché du travail se caractérise à la fois par une précarisation croissante dans l’utilisation de la force de travail, et des parcours de vie caractérisés essentiellement par un décrochage des sa-laires réels de la productivité du travail.

Cette libéralisation des marchés crédibilise la nouvelle politique économique auprès des mar-chés financiers internationaux et des résidents. L’hyperinflation disparaît avec la stabilisation relative du taux de change nominal. Mieux, ce dernier tend à s’apprécier avec l’afflux de capi-taux spéculatifs attirés par la politique des taux d’intérêt élevés, par l’assurance qu’ils pourront rapatrier leurs capitaux avec des coûts de transaction faibles, accélérant l’appréciation du taux de change réel provoqué par la réduction rapide de leur écart d’inflation avec les pays dévelop-pés. La fin des hyperinflations améliore pour un temps bref le revenu des catégories les plus modestes et les plus pauvres parmi les pauvres connaissent une augmentation sensible de leur pouvoir d’achat. L’ampleur de la pauvreté régresse de plusieurs points. Cette amélioration du pouvoir d’achat, la réduction de l’épargne et l’emprunt d’autres couches de la population plus aisée, gonflent la demande finale, diminuent les capacités de production oisives et la croissance repart - lorsqu’elle était absente - sans effort d’investissement dans un premier temps. Les mécanismes, keynésiens, qui ont permis ce renversement de situation ont été maintes fois dé-crits et nous ne reviendrons pas dessus.

Les effets de cette libéralisation sont loin de correspondre aux attentes. Certes l’hyperinflation a disparu et ces économies se trouvent en harmonie avec la période non inflationniste que connaissent les principales économies développées et les économies semi industrialisées d’Asie depuis le début des années quatre vingt, avec dix ans de retard. Mais, force est de constater cependant plusieurs points négatifs : premièrement le taux de croissance moyen de la décennie les années quatre-vingt-dix est très en deçà des taux de croissance moyens des années 50, 60 et 70 jusqu’à la crise de la dette de 1982. Pour un ensemble de raisons qu’il conviendra d’analyser, ces économies ne parviennent pas à connaître une augmentation sensible et surtout durable du taux de croissance, à l’inverse de ce qu’on observe dans de nombreux pays asiati-ques. Deuxièmement le retour de la croissance lors des années quatre vingt dix n’a pas conduit à une amélioration de la situation des plus pauvres, à l’exception des deux premières années de stabilisation relative des prix. Une fois passée les premiers effets positifs produits par la fin de l’hyperinflation, on observe une difficulté certaine à réduire l’ampleur de la pauvreté.

A l’exception de l’Argentine dans les années 90, on peut toutefois noter que le processus de bipolarisa-tion, s’est atténuée et que les inégalités de revenus, situées à un niveau extrêmement élevé, ne croissent pas de manière significative sauf lors des périodes de crise ouverte et des premiers lendemains de reprise économique. La troisième caractéristique de ce régime de croissance instituée dans les années 90 est une forte volatilité du taux de croissance qui, à la différence de celle observée lors de la décennie perdue des années quatre vingt est moins élevée et se situe sur un trend légèrement croissant sur la période. Cette volatilité ne prend cependant pas les mêmes formes au Brésil et en Argentine ou au Mexique, trois économies dont le poids en Amé-rique latine est déterminant. Cette volatilité a des effets d’hystérisis importants : la hausse de l’ampleur de la pauvreté se poursuit y compris lors des premières années de reprise et il faut attendre quelques années pour que ce processus cesse, voir s’inverse. Quatrièmement ces ré-gimes de croissance se caractérisent par une internationalisation financière très prononcée : l’ouverture soudaine et de grande ampleur du compte capital de la balance des paiements in-sère immédiatement ces économies dans ce qu’il est que convenu d’appeler « l’économie monde » alors que la libéralisation brutale du compte marchandises n’aboutit pas, à l’exception du cas mexicain, à la mise en place d’économies ouvertes, les taux d’ouverture, bien que plus élevés, restant relativement modestes. C’est cette dominante financière de leur régime de crois-sance qui confère à l’évolution du PIB une forte et singulière volatilité dans la mesure où les deux versants de l’économie : le « financier » et le « réel » ont des sensibilités différentes aux chocs externes.

L’obligation d’attirer des capitaux lorsque ceux-ci sont en nombre insuffisant par rapport aux besoins de financement, ou de freiner une fuite de capitaux, incitent en géné-ral les gouvernements à hausser considérablement les taux d’intérêt, variable d’ajustement privilégiée, génératrice de récession ou de son aggravation lorsque celle-ci est déjà présente.
On peut caractériser ces régimes de croissance par trois traits : une dominante financière forte et singulière, une intervention de l’Etat réduite dans l’économique, une reproduction des inégali-tés à un niveau élevé.

L’objet de cet article est de montrer que ces régimes de croissance à dominante financière pro-voquent une tendance à la stagnation qu’on pourrait caractériser d’ondulatoire. On l’observe empiriquement, elle est peu théorisée. En s’inspirant des travaux de la Cepal des années soixante et plus particulièrement de Celso Furtado, nous montrerons que le mode de croissance spécifique que ces économies empruntent, depuis le début des années quatre vingt dix, favorise le côté rentier déjà présent des investisseurs et conduit à une croissance par tête faible. Cette croissance est volatile. La volatilité agit en retour sur la croissance en la minant.

I. La tendance à la stagnation :

La thèse de la tendance à la stagnation a été développée par la Cepal et plus particulièrement par Celso Furtado. Cette thèse explique que la tendance à la stagnation a deux origines : la première vient de l’impossibilité de poursuivre le processus de substitution des importations lourdes en raison de la rigidité croissante de la structure des importations. La contrainte ex-terne, hier source de dynamisme (« la croissance tirée par le marché intérieur ») se transforme peu à peu en son contraire. La poursuite du processus suscite en effet des importations de biens d’équipement et de produits intermédiaires telles qu’à un moment, la valeur des biens importés dépasse celle des biens qu’on cherche à substituer par une production locale. Si le pays ne parvient pas à s’endetter de manière suffisante, le manque relatif de devises rend im-possible l’intégralité de la conversion de l’argent en capital dans le secteur industriel du fait de l’impossibilité d’importer des biens d’équipement en nombre suffisant. L’augmentation des prix relatifs des biens de production qui en résulte, rend également plus coûteux l’investissement dans l’industrie et l’argent s’oriente alors davantage vers d’autres lieux de valorisation, nécessi-tant moins d’importations, comme l’immobilier, et vers la consommation de produits dits de luxe (biens durables, immobilier…) et donc moins vers l’investissement dans le secteur industriel. Le taux de croissance de la formation brute de capital fixe fléchit, la consommation improductive croit, les prix relatifs sont affectés et le comportement rentier des entrepreneurs s’accentue. La déformation des prix relatifs favorise l’essor de la spéculation sur les biens immobiliers. La fragi-lité d’une telle démonstration est qu’elle présuppose qu’il y ait des obstacles dirimants à l’emprunt externe. A l’époque, une telle appréciation était erronée puisque ces pays ont initié dès les années soixante dix un fort processus d’endettement externe à la faveur de la sur-liquidité de l’économie internationale suite à l’élévation du prix du pétrole et l’apparition des pétrodollars.

La seconde raison à la tendance à la stagnation, plus originale, explique la faiblesse des taux de croissance essentiellement par des évolutions divergentes de la demande de biens durables, de leurs inputs et de biens d’équipement et de l’offre de ces biens. Du côté de la demande de ces biens, la responsabilité principale était la très forte inégalité des revenus, entretenue par le mode de croissance de substitution d’importations de biens lourds. Du côté de l’offre, l’influence plus forte que par le passé de la contrainte technologique internationale se traduit par une augmentation de la dimension optimale de production, et ce malgré un niveau de protection-nisme relativement élevé, les économies restant peu ouvertes. Les dimensions de la demande et de l’offre de ces produits spécifiques (biens durables mais aussi biens intermédiaires et biens de production nécessaires à leur production) ne subissent pas les mêmes logiques et tendent à de moins en moins correspondre. Or il s’agit des produits les plus dynamiques, caractérisés par une forte élasticité de la demande par rapport au revenu, susceptibles d’avoir des effets d’entraînement considérables - en amont et en aval - sur le reste de l’économie. Voyons plus précisément cette contradiction.
La courbe de la demande n’est pas linéaire mais brisée.

La demande se caractérise en effet par son coude. Selon l’expression de Sweezy, la demande serait « coudée » : les inégalités de re-venus étant très prononcées, les couches basses de revenus (la majeure partie de la popula-tion) ne peuvent accéder aux biens durables importants, notamment et surtout ceux produits par l’industrie automobile. C’est pourquoi dans la littérature, on a pu nommer ces biens comme étant « des biens de luxe », reprenant ainsi l’expression de Ricardo, afin de les opposer aux biens ouvriers, ou biens de consommation non durables. L’originalité de l’approche de la Cepal est qu’au-delà des raisons historiques qui sont à l’origine de ces inégalités profondes (modes de colonisation de peuplement de ces pays), la poursuite des déformations de la distribution des revenus s’explique pour l’essentiel par le régime de croissance adoptée.

A : un petit retour en arrière :

L’industrialisation accompagne l’économie exportatrice. Elle est plus ou moins importante selon la nature du produit exporté, l’intensité » du commerce avec les économies du Centre. Elle vient de la monétarisation (industrie de biens de consommation), de l’entretien des infrastructures (industries mécaniques), des économies d’agglomération liées aux villes portuaires (industrie du bâtiment). Elle est freinée par les diktats des économies du centre craignant une concurrence sur leurs produits et la consolidation de ces pays de nature à remettre en cause leur domina-tion. Elle utilise une main d’œuvre immigrée d’origine européenne et relativement peu de paysans. Tel est moins le cas lorsque l’industrialisation, suite à la crise grave des années trente que les pays du Centre connaissent, se développe, après une phase de crise également. La main d’œuvre immigrée et celle qui vient des campagnes, peu monétarisées, seront utilisées dans de petites entreprises à faible intensité capitalistique. A la première phase de substitution d’importation légère correspond donc un fort processus de monétarisation : les paysans migrent vers les villes et offrent leur force de travail non qualifiée à une industrie productrice de biens de consommation et de production simple. Le spectre des revenus de ces travailleurs est faible et on a pu caractériser la distribution des revenus (monétarisés) « d’horizontale » pour la dis-tinguer de celle qui va suivre avec la mise en place d’une industrie plus sophistiquée, produisant biens intermédiaires, de production et des biens de consommation durables. Cette nouvelle phase se caractérise par une substitution des importations lourdes. La forte intensité capitalisti-que s’accompagne d’une différenciation profonde de la main d’œuvre absorbée : les spectre des qualifications s’élargit et avec lui celui des revenus salariaux.

Commence à apparaître de manière significative une demande particulière, celle des couches moyennes en expansion (techniciens, ingénieurs) générée par ce type d’industrialisation plus lourd et davantage sophis-tiqué, demande portant de plus en plus sur des biens de consommation durables. La croissance de la main d’œuvre absorbée fléchit et comme le processus de monétarisation se poursuit en raison de l’attrait des villes, de l’expulsion économique des campagnes peu monétarisées, la main d’œuvre en excès occupe des emplois informels, peu rémunérés. Dans cette configuration la distribution des revenus tend à devenir « verticale ». Les inégalités augmentent à partir d’un seuil déjà élevé et les raisons de cette élévation sont endogènes au régime de croissance adop-tée. Tant que la demande des couches moyennes reste en harmonie avec les dimensions de l’offre des biens durables [1], le cercle enclenché par ce type d’industrialisation est vertueux. Il arrive un moment où le revenu des trente - quarante pour cent de la population la plus aisée n’est pas suffisant face à la montée des dimensions optimales de l’offre de biens durables et ses inputs (produits intermédiaires et biens d’équipement) [2].

Cette évolution divergente des structures d’offre et de demande de ces produits est à l’origine de capacités de production oisives importantes. L’alourdissement des coûts unitaires qui en résulte peut alors être partiellement compensée par une hausse de leurs prix (alimentant ainsi l’inflation structurelle) permise par le degré de protection élevé dont ces économies bénéficient. La hausse du prix relatif des biens d’équipement par rapport aux biens de consommation non durable, rend l’investissement plus coûteux. Nous sommes en présence d’un biais « capital using » au sens de Robinson, biais qui affecte négativement la rentabilité du capital et freine les possibilités d’une croissance élevée [3].

Le protectionnisme, même élevé, n’étant cependant pas de l’autarcie, des limites existent à la hausse des prix relatifs et celle-ci peut être insuffisante pour assurer un taux de valorisation suffisant. On se trouve dès lors devant le paradoxe suivant, les entreprises sont contraintes d’investir dans des technologies qui, si elles ne sont pas de pointe, sont néanmoins sophisti-quées tout en étant souvent de seconde main, et dont la mise en oeuvre, toutes choses étant égales par ailleurs, réduit leurs marges, ainsi que nous l’avons indiqué précédemment. Cette réduction est cependant moindre que s’ils ne l’avaient pas fait. Il en résulte qu’elles sont davan-tage fragilisées et constituent des proies plus faciles pour les investisseurs étrangers. Par ail-leurs la hausse du prix relatif des biens d’équipement par rapport aux biens de consommation non durables, introduit un biais « capital using » de nature à affaiblir la rentabilité du capital investi et ce faisant la croissance. Pour ces deux raisons, la tendance à la baisse de la rentabili-té alimente une tendance à la stagnation économique.

Ces deux résultats sont importants. Il s’agit de la première démonstration dans la littérature du développement à la fois de l’existence de capacités de production oisives élevées, et du main-tien d’une inflation forte, dite structurelle, dans les années soixante et soixante dix. L’inflation relativement élevée, l’existence de fortes capacités de production oisives, ne trouvaient pas en effet d’explications scientifiques satisfaisantes autre que celle des néoclassiques (une demande trop élevée qu’il conviendrait de diminuer et une allocation des ressources non optimale qu’il faudrait corriger par une spécialisation selon les avantages comparatifs). Cette approche de la Cepal permettait de comprendre, à la fois, pourquoi les industries subissaient une contrainte technologique qui les contraignait à choisir des techniques « capital using », sur un spectre de techniques réduit à haute intensité technologique, et pourquoi cependant, ces choix conduisait à un gaspillage de capital et une rentabilité du capital plombée par ces capacités oisives, renta-bilité cependant plus élevée que si ce choix n’avait pas été fait. Enfin, cette interprétation per-mettait de comprendre que l’inflation résultait de rigidités structurelles et non d’un excès de la demande globale.

B. Les limites et les apports :

Il en va de cette « tendance » à la stagnation comme de la tendance à la baisse du taux de profit de Marx. Elle peut être contrecarrée. Mais à la différence de la thèse de Marx, les forces qui pourraient contrecarrer cette tendance ne sont pas produites par les forces à l’origine de ce mouvement. Elles luis sont externes et dépendant chez les structuralistes de décisions publi-ques. Selon la Cepal, cette tendance pouvait être contournée par une redistribution des revenus en faveur des couches modestes, une réforme agraire et une action plus soutenue de l’Etat, grâce à une politique de change adaptée, enfin une planification indicative.
Nous venons de voir combien cette thèse était originale. Paradoxalement, le « miracle écono-mique » brésilien (fin des années soixante aux années soixante dix) ne contredit pas la justesse de cette analyse.

L’avènement de la dictature a permis une redistribution des revenus en faveur dans un premier temps des couches moyennes et de la valorisation du capital dans les secteurs les plus dynamiques de l’industrie. Quelques mots pour décrire ce processus. La forte chute des revenus des ouvriers (de l’ordre de cinquante pour cent au début de la dictature) va réduire fortement les coûts salariaux sans affecter la demande de ces secteurs dynamiques dans la mesure où les ouvriers ne constituent pas une demande de biens durables. Les possibilités re-trouvées de croissance de ce secteur élargissent la dimension de la demande de biens de consommation durables dans la mesure où la structure des emplois favorise l’utilisation d’une main d’œuvre qualifiée à pouvoir d’achat plus élevée. La « verticalisation » de la distribution des revenus analysée auparavant tend à s’accentuer et avec elle augmente le poids des couches moyennes et leur demande pour les biens durables. Cette structuration différente du tissu in-dustriel en faveur de ce secteur plus dynamique que celui des biens de consommation non du-rables suscite et la dynamique retrouvée, suscitent une demande forte de biens d’équipement (et de produits intermédiaires davantage gérés par l’Etat) et freine la hausse de leurs prix rela-tifs, voire l’inverse selon les cas et la durée du processus. Certes la demande de biens non du-rables, moins dynamique, subira le contrecoup de cette baisse de pouvoir d’achat pendant de nombreuses années. La léthargie qui caractérisera les entreprises de ce secteur les affaiblira et nombre d’entre elles deviendront une proie facile pour les investisseurs étrangers. Mais la valo-risation retrouvée, jointe à un développement du secteur des services (marketting, crédit à moyen terme), favorisera l’embauche de cadres dont le niveau de revenu permettra de gonfler la demande pour ces biens. Ainsi tant du côté de la demande que de l’offre, un cercle vertueux se mettra en place. La redistribution des revenus aura ainsi été permise par une hausse du taux d’exploitation des ouvriers, un essor des couches moyennes et la correspondance retrouvée entre dimension de cette offre et dimension de cette demande entretiendra un processus ver-tueux endogène, à la condition toutefois que l’Etat continue à intervenir dans les secteurs les plus lourds (produits intermédiaires et énergétiques). L’approche colbertiste de l’intervention publique de la dictature brésilienne, à l’inverse de celle des dictatures argentine caractérisée par une influence forte du monétarisme, permit cette harmonisation.

La thèse de la tendance à la stagnation permet de comprendre l’essentiel du « miracle » éco-nomique du Brésil et du ralentissement économique de l’Argentine à la même époque. Cepen-dant, la croissance très forte du Brésil met aussi en relief certaines insuffisances de cette thèse. Nous l’avons indiqué en note : la demande de biens durables est endogène, analysée de ma-nière relative, celle de leur offre est exogène (dépendance technologique), et présentée de manière absolue. Il est exact que l’approche en terme relatif de la demande se traduit en terme absolu, mais il en demaure pas moins qu’un glissement dans l’analyse est introduit, glissement qui affaiblit le raisonnement quand bien même ponctuellement on puisse observer une harmo-nie ou une disharmonie entre les évolutions respectives de leur dimension. Il faut aurait fallu analyser d’abord les dimensions absolues et ensuite leurs évolutions potentielles par la distribu-tion des revenus pour l’une et la contrainte externe pour l’autre. Celles-ci diffèrent selon les pays : le Brésil, le Mexique, voire l’Argentine, malgré des inégalités très importantes pour les deux premiers, ont un marché pour de nombreux biens durables comparables a de nombreux pays européens, tel n’est pas le cas du Chili ou de la Colombie par exemple. Celles-ci diffèrent également selon les biens durables : la production de certains biens nécessite une dimension telle qu’elle ne peut être entreprise dans la plupart de ces pays. Nous pouvons dès à présent noter qu’une intervention de l’Etat, directe ou indirecte, peut permettre l’accès à certaines in-dustries à forte dimension, les pertes étant socialisées. C’est d’ailleurs aussi un des facteurs qui explique la forte présence de l’Etat dans le secteur des biens les plus lourds à cette époque, un autre étant l’incapacité des bourses à centraliser suffisamment de capitaux pour mettre en place les industries de ce secteur. Une seconde faiblesse, liée à la précédente, est de ne pas avoir suffisamment considéré les biens de consommation durables selon leur accessibilité à la demande de couches modestes et pauvres. On sait aujourd’hui que toute une série de biens comme les réfrigérateurs par exemple, sont accessibles à une fraction importante de ceux défi-nis comme pauvres. Une troisième faiblesse est de ne pas avoir accordé suffisamment d’importance aux conditions de la production. L’analyse semble rester souvent au niveau de la circulation (l’offre d’une industrie face à la demande d’un segment de la population). Nous l’avons souligné lorsque mettant en avant l’augmentation soudaine et importante du taux d’exploitation des ouvriers, nous avons indiqué que celle-ci permettait une réduction des coûts, et donc une meilleure valorisation dans les branches dynamique de l’industries, mais aussi de manière dérivée, un essor des couches moyennes, portée à la fois par l’essor de ce secteur ( la composition des qualifications étant différente que dans le secteur de biens légers, et la part des travailleurs qualifiée plus importante) et l’apparition d’un secteur de service (marketting, crédit à moyen terme). C’est ce développement conséquent des couches dites moyennes qui nous avait conduit (Salama,1976) à qualifier le régime d’accumulation à la fois par sa capacité à exclure une grande partie de la population des bénéfices de la croissance, ou tout au moins a les en faire bénéficier à la marge, et par cette « troisième demande » dont l’harmonie avec le secteur des biens de consommation durable, entretenait un cercle vertueux de croissance.
Mais avant d’analyser cet aspect essentiel aujourd’hui, il convient de fermer provisoirement cette parenthèse et de rester sur les aspects « réels ».

La thèse de la tendance à la stagnation reste pertinente par de nombreux aspects : les fortes inégalités rendent difficile une augmentation du taux de formation brute du capital, ce dernier « stagnant » à un niveau faible lorsqu’on le compare à celui atteint dans les économies asiati-ques, caractérisées par des inégalités bien plus faibles. Cette inégalité importante permet à 30% approximativement de la population d’avoir un niveau de revenu plus ou moins équivalent à celui correspondant aux mêmes couches des pays dits développés. Elle alimente un compor-tement « rentier » alors même que les taux de valorisation du capital peuvent être satisfaisants. Tant que cette inégalité n’est pas contrebalancée par une intervention conséquente de l’Etat dans la sphère économique (politique industrielle active), on peut considérer que les facteurs favorisant la tendance à la stagnation continuerons à prédominer. En ce sens la thèse de la tendance à la stagnation des années soixante - soixante dix conserve une grande part de perti-nence et peut servir de base à l’élaboration d’une nouvelle théorie de la stagnation.

II. Vers une nouvelle théorie de la tendance à la stagnation :

A : des inégalités qui confortent un comportement rentier :

La position développée dans cette étude est post keynésienne. L’offre et la demande sont sépa-rées et dépendantes. La demande est première, que ce soit celle provenant du marché intérieur ou bien celle issue des marchés extérieurs. Selon cette démarche les entrepreneurs évaluent la demande et, si les conditions de valorisation sont jugées satisfaisantes en terme aussi bien absolus que relatifs, si le financement de l’investissement ne rencontre pas d’obstacle (taux d’intérêt trop élevé, charges de leur dette dépassant un seuil jugé dangereux, etc), ils investis-sent.

L’augmentation de l’investissement produit un accroissement des revenus, générateurs d’une épargne supplémentaire. On reconnaît ici le raisonnement keynésien classique. C’est un raisonnement de ce type qui permet de comprendre en partie la forte conjoncture des Etats-Unis dans les années quatre vingt dix : les ménages ont un comportement dépensier (la de-mande effective est élevée et croissante) alimenté pour une fraction d’entre eux par des antici-pations favorables quant à l’évolution de leur patrimoine virtuel, dues à la hausse des cours à la bourse de valeurs, du prix des biens immobiliers, permettant la réalisation de plus value par la vente d’actions destinée à la consommation, et par des possibilités d’emprunt importantes. La demande impulse l’offre, encore une fois si les conditions de valorisation requises sont satisfai-tes. A l’inverse, on pourrait considérer qu’un comportement favorisant l’épargne aurait freiné la croissance, alors même que le financement de l’investissement aurait été plus aisé. On sait également que la montée en puissance de la croissance en Corée, à Taïwan à la fin des années cinquante n’était pas du à l’ouverture de leurs frontières et à l’essor des exportations (Ro-drik,2001), contrairement à ce que pensent les économistes du « mainstream ».

L’investissement a été premier, il s’est matérialisé par des importations de biens d’équipement importantes et ce n’est qu’ensuite que la part des exportations dans le PIB a cru. La croissance a précédé l’augmentation des exportations. L’investissement massif, source de la croissance, a été possible parce que la balance commerciale a pu être déficitaire et que l’aide de l’Etat a été directement ou indirectement massive. Cette remarque n’a cependant pour objet d’exclure le rôle des débouchés externes dans la croissance. Ceux-ci peuvent alimenter l’investissement dans un second temps et vivifier la croissance.
Nous savons que l’industrialisation en Amérique latine a été possible grâce à la constitution d’un marché intérieur, réponse à une contrainte externe subie. La migration des campagnes vers les villes fournit la main d’œuvre salariée et dynamise la demande de biens de consommation et de production légers dans une première étape. Ce qui importe dans ce processus est surtout que cette migration et cette salarisation se traduisent par une monétarisation de la force de travail. Celle-ci agit comme une demande préalable, un peu comme le déplacement de la frontière de l’ouest au 19° siècle explique l’industrialisation aux Etats-Unis.

L’industrialisation latino américaine ne génère plus un tel processus aujourd’hui : les économies sont monétarisées et la reproduction de la force de travail passe par le marché pour l’essentiel. Il n’y a donc plus de « réserve » de ce type possible, la frontière de la monétarisation ayant été atteinte. Reste à priori deux possibilités : soit le revenus augmentent, impulsant un renouveau à la dynamique du capital, soit les marchés externes deviennent davantage accessibles. Ces deux possibilités ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Mieux, la dynamisation de l’un passe par la dynamisation de l’autre et il serait vain de choisir une option indépendamment de l’autre en raison du contexte de globalisation. En termes plus clairs, cela signifie qu’une redistribution des revenus susceptible d’augmenter le pouvoir d’achat des catégories modestes et pauvres et de dynamiser les industries correspondantes, n’est viable à moyen et long terme que si les contraintes de compétitivité sont prises en considération. L’essor du marché interne passe par celui du marché externe. C’est ce qui rend d’ailleurs difficile le changement de régime de crois-sance. Cette remarque faite, analysons quelques spécificités produites par les fortes inégalités de revenus.
Ainsi que nous l’avons souligné précédemment, ces économies se caractérisent par une très forte inégalité des revenus. L’industrialisation a provoqué une modification de la structure des inégalités.

Bipolarisée avec une distance considérable entre le revenu des 5% les plus riches et le reste de la population monétarisée, lors de la phase exportatrice, la structure des revenus a évolué avec l’industrialisation : dans un premier temps, la concentration des revenus s’est « ho-rizontalisée », dans un second « verticalisée ». On est passé d’une bipolarisation à une struc-ture tripolaire : les 5% les plus aisés, les 30% qui suivent et enfin de manière très hétérogène, le reste de la population. Cette décomposition de la population semblait s’identifier à celle de la formation sociale : notables, grands propriétaires industriels et terriens d’abord, couches moyennes ensuite, ouvriers et paysans enfin, et a conduit parfois à une approche sociologique de la formation sociale pour le moins primaire et superficielle. Quoi qu’il en soit, cette approche tripolaire de la demande semblait également correspondre à une approche tri - sectorielle de l’offre : les biens d’équipement sont demandés par les entreprises, les biens de consommation non durables par 35 à 40% de la population la plus aisée, les biens de consommation non du-rables par les 65% restant, légitimant une approche théorique par grandes sections (biens de capital, « de luxe » et « ouvriers »), à partir de équations de reproduction revisitées par Kalec-ki. Riche, cette approche était cependant quel que peu réductrice : les 5% à 10% de la popula-tion la plus riche sont loin d’avoir un comportement investisseur agressif ; les biens de consommation durables deviennent pour partie des « biens ouvriers » et cessent d’être exclusi-vement des « biens de luxe », notamment pour ceux dont le prix n’est pas très élevé.

En effet, compte tenu du revenu moyen de la population largement inférieur à celui des pays développés d’un côté, et d’un autre côté du niveau de revenu atteint par 30 à 35% de la population compa-rable à celui des pays développés, et bien que leur structure de dépense soit assez différente, la distance de leurs revenus moyens avec celle des 65% de la population restante est mathémati-quement beaucoup plus importante que dans les pays développés. C’est cette distance qui ex-plique la difficulté pour nombre de biens durables, comme les automobiles, à « se prolétari-ser » : leur offre ne rencontrant pas de demande solvable de cette fraction de la population à la différence de ce qu’on a pu observer dans les pays développés. C’est aussi ce qui explique que lorsque le marché est réduit de manière absolue et de manière relative par rapport aux contraintes dimensionnelles de l’offre, les expectatives de croissance pour ce type de biens soient limitées et qu’on puisse assister au paradoxe d’une valorisation du capital satisfaisante et d’un réinvestissement faible, les capitaux préférant sortir du secteur ou du pays car les perspec-tives d’expansion de ce marché restent peu favorables. L’Argentine des années quatre vingt dix illustre ce type de comportement : valorisation du capital élevée dans les grandes entreprises, rapatriement de profits considérables jusqu’à l’abandon du plan de convertibilité.

Nous avons évoqué la structure des dépenses des couches hautes et moyennes. Celle-ci revêt de l’importance sur les modes de consommation et d’épargne de cette couche hétérogène et favorisent un comportement rentier. Le régime de croissance à dominante financière tend à produire une nouvelle modification de la structure des revenus. Plus exactement, le niveau des inégalités reste plus ou moins stable à un niveau élevé, mais une nouvelle tendance à la bipola-risation apparaît. Les 5% à 10% de la population la plus aisée connaissent une augmentation de la part de leurs revenus par rapport au revenu total, les trente pour cent qui suivent se ca-ractérisent par un écartèlement de leurs revenus : ceux dont le revenu est le plus élevé suivent l’évolution des 10% supérieurs, mais à une vitesse moins forte que ces derniers, les autres connaissent un processus d’appauvrissement relatif. Un mécanisme semblable à celui en cours aux Etats-Unis a donc lieu : les couches moyennes perdent de leur importance et la société se rapproche de celle du début du 20° siècle. C’est cette société que fréquentait Gabdy, héros du roman de Fitzgérald, rappelle Krugman, société caractérisée par nombre d’emplois de service auprès des 5 à 10% les plus riches de la population. Ce « come back » manifeste une régres-sion sociale importante. La seule différence toutefois avec les Etats-Unis est que processus opère en Amérique latine à partir d’un niveau d’inégalités largement supérieur à celui des Etats-Unis. Un chiffre permet d’éclairer notre propos : en 1998 selon la BID, le coefficient de Gini des 100% de la population était de 0,38 et celui des 90% de la population moins aisée de 0,35 aux Etats Unis. Le rapport entre les deux Gini n’est donc pas très élevé. Tel n’est pas le cas du Chili, petit pays et exemple extrême en Amérique latine : les chiffres sont respectivement de 0,58 et de 0,27. Pour mémoire, le Gini du Brésil, grand pays, selon le BID, avoisine 0,6 pour la popula-tion totale et pour quatre vingt dix pour cent d’entre elle 0,44. L’écart des rapports 90%/100% est donc considérable avec les Etats-Unis. Il est alors logique que la structure des dépenses soit affectée. Plus précisément, les dépenses ostentatoires des couches hautes et leur « redistribu-tion » des revenus par l’emploi croissant d’employés de maison, ne sont pas de nature à dyna-miser une offre sectorielle et ce faisant une valorisation du capital, hormis dans le secteur du bâtiment. Il est vrai que ces couches hautes ont tendance à épargner davantage que les cou-ches moyennes appauvries, mais une grande partie de leur épargne se réfugie dans des fonds qui n’ alimentent pas l’investissement. En effet, l’épargne sert surtout à acheter des bons du trésor particulièrement lucratifs, émis par l’Etat pour financer le service de sa dette interne, poste devenu principal du budget. Si cette épargne est déposée dans les banques, elle n’alimente pas non plus, ou peu, le financement des investissements : les taux d’intérêt sont trop élevés pour inciter à l’emprunt les entrepreneurs et les ménages et l’épargne déposée ali-mente la demande de liquidités de l’Etat pour financer ses dettes et bien peu pour investir.

Nous venons de souligner le rôle joué par les taux d’intérêt dans ce régime de croissance. Ils sont élevés parce qu’ils constituent la variable principale de bouclage de ce régime de crois-sance. Ils sont élevés afin d’attirer les capitaux en nombre suffisants et faire en sorte que les besoins de financement grandissants soient couverts par des capacités de financement venant de l’extérieur. Ils sont à l’origine d’arbitrage qui défavorisent l’investissement au profit de la spéculation et de comportement dits rentiers, à l’origine d’un ralentissement de la croissance. Ce régime de croissance produisant toujours plus de besoin de financement est à l’origine d’une volatilité importante de l’activité économique. Celle-ci en retour agit négativement sur la crois-sance. Une remarque cependant s’impose. Elle vise à souligner les spécificités des économies latino-américaines caractérisées par un des inégalités très prononcées.

En Asie du sud est, la dominante financière est également présente, mais les régimes de croissance sont différents et les inégalités des revenus sont bien plus faibles qu’en Amérique latine. Cette dominante finan-cière explique pour partie leur vulnérabilité et la forte crise financiaro-productive qu’elles ont connu à la fin des années quatre vingt dix. Cependant ces économies ont connu, connaissent de nouveau une croissance très élevé et des taux de formation brute de leur capital fixe entre 50 et 70% supérieurs à ceux observés dans les économies latino américaines. Ce n’est donc pas la dominante financière qui explique à elle seule le ralentissement économique des économies latino américaines, mais celle-ci jointe aux inégalités importantes et au retrait important de l’Etat de l’économique, retrait que nous ne pouvons analyser dans le cadre de cet article, si ce n’est pour souligner que son rôle aujourd’hui consiste surtout à alimenter la financiarisation des activités, à consolider les comportements rentiers grâce à l’émission massive de bons du Trésor à taux d’intérêt élevés servant à financer le service de leur dette devenu le poste le plus impor-tant de leur budget [4]. Cette remarque importante faite, nous pouvons à présent analyser le cer-cle vicieux de la croissance due à cette dominante financière encastrée dans des inégalités de revenus substantielles et un retrait de l’Etat de l’économique conséquent.

B. La consolidation d’une économie casino génératrice de stagnation.

La croissance dans les principales économies latino-américaines a été faible en moyenne, si ce n’est médiocre, ces dix dernières années. Elle a été aussi particulièrement volatile : crise en 1995, prononcée au Mexique et en Argentine, crise de nouveau en 1998, cette fois surtout au Brésil et en Argentine où elle prend une dimension dramatique en 2002 (-11% du PIB, plus de 50% de la population déclarée comme pauvre), ralentissement sérieux de la croissance au Mexique, au Brésil et dans la plupart des économies latino-américaines en 2002 et en 2003, mais reprise vive en Argentine. La volatilité des années quatre vingt dix est cependant moins forte que celle des années quatre vingt, dite de la « décennie perdue ». Son origine et sa spéci-ficité sont également différentes. Dans un cas elle est liée au service de la dette à partir des propres ressources de ces pays, dans le second cas elle est générée par la dépendance finan-cière élevée propre aux nouveaux modes de croissance mis en place avec la sortie des crises hyper inflationnistes. Le taux d’intérêt joue alors un rôle central : sa manipulation à la hausse est de nature à permettre le bouclage de la balance des paiements et donc à faire correspondre des besoins de financement de plus en plus importants avec des capacités de financement par-fois insuffisantes.

Mais la hausse des taux d’intérêt, ou leur maintien à un niveau élevé, favorise le comportement rentier déjà présent des couches hautes de la population et des institutions financières, tout en rendant plus difficile le financement de l’investissement. Ce régime de crois-sance a son talon d’Achille : le taux d’intérêt dans un contexte de fortes inégalités. Ce régime de croissance génère en moyenne une faible croissance et une croissance volatile qui, en re-tour, tend à freiner également cette croissance. Pour comprendre cette spécificité, nous allons analyser rapidement les composantes du besoin de financement et leur évolutions, positives pour certaines, négatives pour d’autres.

La balance commerciale tend à devenir excédentaire

Au début des années quatre vingt dix, les soldes de la balance commerciale étaient profondé-ment déficitaires, suite à la dégradation de l’appareil industriel dans les années quatre vingt, l’élimination des subventions et la réduction drastique de la protection douanière. Cette situa-tion change dans la plupart des pays avec la modernisation d’un appareil de production remo-delé.

L’ouverture de ces économies a conduit à une restructuration du tissu industriel et à une relativisation de l’industrie par rapport à d’autres sources de richesse comme l’agriculture où les matières premières. Le tissu industriel s’est restructuré grâce à l’importation de biens d’équipe-ment incorporant des technologies nouvelles, rendus moins chers en raison de la libéralisation des échanges extérieurs et l’appréciation de leur monnaie, il est vrai, interrompue par des dé-préciations lors des crises financières. Ces importations, jointes à de nouvelles organisations du travail et à une flexibilité accrue de la main-d’oeuvre, permettent, en dehors des périodes de crise économique, une croissance soutenue de la productivité travail, qui elle-même est à l’ori-gine d’un accroissement des exportations. Dans certains pays ce processus va plus loin : des pans entiers de l’appareil industriel disparaissent et la croissance des exportations sera le fruit d’une spécialisation accrue sur les produits primaires agricoles et miniers. Tel est le cas par exemple de l’Argentine et du Chili.

Dans d’autres enfin, comme le Mexique et de nombreux pays d’Amérique centrale, les investissements étrangers se multiplieront afin de produire pour le marché intérieur (Mexique), ou bien de destiner la production au marché extérieur avec très peu de valeur ajoutée nationale (Mexique, Amérique centrale). Au total, toutes ont connu une ouverture importante : les exportations ont quintuplé au Mexique, triplé en Argentine, doublé au Brésil de 1985 à 2000 [5], pour autant ces économies restent encore relativement fermées, à l’exception toutefois du Mexique.

Une seconde période s’ouvre aux lendemains de la crise mexicaine et argentine, soit vers le milieu des années quatre vingt dix. Elle se caractérise par deux traits essentiels : les soldes des balances commerciales deviennent fortement excédentaires dans certains pays et dans d’autres le déficit baisse ; les investissement étrangers directs connaissent un essor remarquable, au Brésil et au Mexique plus particulièrement et ce jusqu’à la fin des années quatre vingt dix pour ensuite fléchir considérablement. La montée en puissance des investissements étrangers directs relègue les investissements en portefeuille (bons, actions) à un rôle secondaire, mais cependant non négligeable, tout au long de la seconde moitié des années quatre vingt dix.

Les soldes positifs de la balance commerciale dans certains cas, la diminution du déficit com-mercial dans d’autres, ont pour fondement un essor des exportations du partiellement à une modernisation des appareils de production, une hausse du prix de certaines matières premières, une progression plus faible des importations, voire leur chute lorsque la récession économique s’impose, enfin une plus grande possibilité de manipuler le taux de change avec l’instauration des changes flottants, dits sales, à la fin des années quatre vingt dix, suite à des dévaluations massives non maîtrisées. Cependant, bien que la productivité du travail croisse fortement ces dix à quinze dernières années, le niveau moyen de celle-ci reste faible tant le retard était deve-nu important dans les années quatre vingt. La faiblesse du taux de formation brute de capital fixe, le faible effort en matière de « recherche et développement » expliquent le degré de so-phistication encore assez faible des exportations et les limites de leur progression, tout au moins pour les biens industriels.

Reprenons rapidement ces facteurs un à un. Le taux de formation brute de capital fixe, plus élevé de deux à trois points de celui des années quatre vingt, reste modeste et se situe ap-proximativement aux trois cinquième de celui des principaux pays d’Asie du Sud est. L’investissement étranger a connu un essor très important dans les dix dernières années au point que pour un pays comme le Brésil, la part prise par l’internationalisation du capital dans le secteur productif est à peu prés deux fois plus élevée qu’aux Etats-Unis. Les entreprises étran-gères dans le secteur manufacturier sont, à dimensions équivalentes, plus exportatrices que les entreprises nationales. Elles sont également plus importatrices. Mis à part le Mexique où une grande partie des investissements étrangers directs, la moitié approximativement, se dirige vers les industries d’assemblage (« maquiladoras »), les investissements directs s’orientent davan-tage que par le passé vers le secteur des services, secteur qui n’exporte pas mais importe [6].

Le degré de sophistication des biens industriels exportés reste, malgré des progrès certains, assez faible. Si on décompose les biens exporté en quatre catégories selon leur degré de croissance : très dynamiques, dynamiques, peu dynamiques et stationnaires, le commerce mondial a cru, de 1990 à 1998, de 186% pour la première catégorie, où se concentrent les biens à haute techno-logie (ordinateurs, télécommunication, médicaments etc., mais aussi il est vrai d’autres biens moins sophistiqués comme les tissus d’intérieur), 96% pour la seconde, 67 et 49% pour les deux dernières. Lorsqu’on compare les exportations de ces groupes de biens par rapport à leur croissance mondiale, on observe que le bilan pour l’ensemble de l’Amérique latine est inquié-tant : les exportations des latino américains vers l’Amérique latine baissent de 8% par rapport au commerce mondial destiné à la région pour le groupe des biens les plus dynamiques. Les exportations des pays latino-américains à destination des pays industrialisés augmentent de 93% par rapport à la croissance du commerce mondial sur cette catégorie de biens destinée à cette région, c’est-à-dire très en de ça de leur croissance mondiale (186%). Et cette dernière hausse s’explique essentiellement par la part très élevée des industries d’assemblage du Salva-dor, du Honduras, du Guatemala et du Mexique. Au Brésil, où ce genre d’industrie est très peu présent, les chiffres sont éloquents : - 12% et -79% pour les biens du premier groupe, cette perte de « parts de marché » se faisant dans le pays le plus industrialisés d’Amérique latine (Benavente, 2002).

Ces résultats rejoignent ceux obtenus par l’UNCTAD (2002). Lorsqu’on considère les 20 produits exportés les plus dynamiques de 1980 à 1998, on observe que la part des exportations des pays « en voie de développement » dans le commerce mondial passe de 14,1% à 28,7%, ce qui semble donc positif. Cette impression semble confirmée lorsqu’on note que sur les 20 produits les plus exportés par ce group de pays, 8 appartiennent aux vingt pro-duits les plus dynamiques au niveau mondial (le rapport est de 15 sur 20 pour les pays indus-trialisés). Mais lorsqu’on analyse ces chiffres par groupes de pays, les résultats sont différents : les économies d’Amérique du Sud (par définition sans le Mexique et l’Amérique centrale) n’exportent que deux produits sur les 20 : boissons non alcoolisées et garniture, les ordinateurs et équipement électroniques étant plutôt exportées par les économies asiatiques. Le constat est encore plus sévère lorsqu’on analyse de près le cas du Mexique. Les produits sont définis à partir d’une classification à 3 « digits », aussi des biens qui sont classés comme à « haute tech-nologie et à forte qualification de la main d’œuvre », comme les ordinateurs, les télécommuni-cations, les produits pharmaceutiques etc .et qui se caractérisent par un essor important des exportations des pays en développement, sont en fait pour la plupart des biens produits dans des usines d’assemblage. Plus exactement il s’agit de segments à forte utilisation de main d’œuvre de lignes de production de produits de haute technicité qu’une décomposition plus fine aurait permis de montrer plus nettement. De nombreux biens de haute technologie ne le sont pas en réalité, l’aspect parfois trompeur vient de la classification insuffisamment précise. Tel est le cas pour le Mexique (à l’exception de l’industrie automobile) et la plupart des pays de l’ASEAN. A la différence de la Corée du sud, ces pays se sont orientées vers ce type de spéciali-sation sans opter pour une politique industrielle visant à intégrer nationalement les segments délocalisés par les entreprises des pays industrialisés, restent avec une valeur ajoutée locale-ment très faible et ont délaissé l’effort pour la recherche développement en ne créant pas ou peu des zones spéciales à haute technologie.

Au total, la progression des exportations en Amérique latine est parallèle à un mouvement plus général : le commerce mondial croit plus vite que le PIB en moyenne dans le monde. Elle tra-duit une modernisation de la plupart des économies latino-américaines, mais elle est révélatrice à la fois du retard accumulé depuis des décennies et, a contrario de la nécessité d’une politique industrielle sélective, seule capable de donner une impulsion conséquente à ce mouvement, impulsion d’autant plus nécessaire que la dépendance financière s’est accrue dans les années quatre vingt dix. Le dégagement d’un solde positif de la balance commercial durable et plus conséquent -hors phases de récession - pourra alors atténuer la vulnérabilité financière et ce faisant ses effets pernicieux sur les catégories les plus pauvres de la population.

Le couple besoins et capacités de financement de plus en plus problématique

Les besoins de financement ont tendance à augmenter ou tout au moins à rester à un niveau élevé. Nous avons analysé l’évolution du solde la balance commerciale et les limites de cette évolution favorable. Le solde de la balance du tourisme devient fortement négatif dans le cône sud lorsque la monnaie s’apprécie [7], mais surtout les dépenses liées au retour des dividendes (auxquels il conviendrait d’ajouter celui des profits figurant sur une autre ligne de la balance des paiements) des firmes multinationales augmentent considérablement à mesure que l’internationalisation du capital augmente, ainsi que celles liées à l’achat de brevets étrangers. Enfin les dépenses liées au service d’une dette externe en plein essor augmentent : les sorties au titre du paiement des intérêts sont relativement stables en pourcentage des exportations, fortement croissantes, l’amortissement des emprunts contractés, le remboursement des bons (situés sur une autre ligne de la balance) augmentent de telle sorte que le service de la dette pris dans sa totalité croit, en pourcentage des exportations, d’un peu plus de dix points en dix ans de 1990 à 2000.

La variable d’ajustement la plus importante susceptible d’influer sur une partie des mouvements de capitaux et faire correspondre besoins de financement et capacités de financement, est le taux d’intérêt. La hausse des taux d’inté¬rêt, voire son maintien à un niveau relativement élevé, condition nécessaire mais pas suffisante pour attirer les capitaux lorsque ceux-ci font défaut en nombre suffisant, d’un côté rend plus vulnérables les banques en abaissant en partie la valeur de leurs actifs, en les incitant à accorder de mauvais crédits et en augmentant le risque d’im-payé des débiteurs [8] et, d’un autre côté, les enrichit lorsqu’elles affectent une part croissante de leurs dépôts à l’achat de bons du Trésor. Ce faisant, un effet d’éviction apparaît : moins de crédit pour les entreprises et les particuliers, davantage pour l’Etat.

L’investissement devient plus difficile car plus coûteux, la demande de biens durables peut être ralentie pour la même raison, et les fonds recueillis par l’Etat alimentent le financement du service da dette plutôt que des investissements publics ou toute autre dépense. L’effet récessif de la hausse des taux d’intérêt produit un cercle vicieux : toute hausse de ce taux aggrave les difficultés budgétaires, entraîne une récession, conduit à une nouvelle hausse du taux d’intérêt et à dévalua-tion/dépréciation du taux de change. Les comptes assainis, la croissance peut alors reprendre mais à un coût social élevé.

Le fonctionnement de l’économie s’oriente vers ce que Keynes nommait une « économie casi-no » : le besoin de financement appelle des entrées de capitaux. C’est le rapport entre le besoin de financement et les capacités de financement qui est important et non le besoin ou la capaci-té pris isolément. Le besoin de financement peut décroître, notamment si le solde de la balance commerciale devient fortement positif, mais si l’écart avec la capacité de financement s’accroît, les tensions décrites augmentent.

Conclusion :

Les inégalités de revenu considérables, la modification de la répartition des revenus en faveur des couches hautes de la société et à l’encontre d’une fraction des couches moyennes, le dé-crochage de l’évolution des salaires avec la croissance de la productivité, le retrait de l’Etat de l’économique, le poids croissant du service de sa dette, l’institutionnalisation du taux d’intérêt comme principale variable d’ajustement lorsque les besoins de financement ne correspondent pas aux capacité de financement, génèrent une tendance à la stagnation. Ce sont donc ces caractéristiques du régime de croissance qui produisent une faible croissance. Ce régime de croissance est à l’origine d’une forte volatilité. Celle-ci dépend du régime de change adopté (fixe avec currency board, fixe avec peg, flottant), mais aussi de l’ampleur des mesures de libéralisa-tion prises. La volatilité de la croissance tend à avoir un effet négatif à moyen et long terme sur le taux de croissance. C’est donc l’ensemble des caractéristiques de ce régime de croissance qui expliquent son incapacité à impulser une forte croissance, directement et indirectement. La thèse de la tendance à la stagnation développée par Celso Furtado, revisitée par la prise en compte de la dimension financière, permet de comprendre les causes profondes du ralentisse-ment économique et fournit donc les clefs d’un développement alternatif diminuant la vulnérabi-lité sociale et renforçant la cohésion social.

Décembre 2003

Bibliographie

Nous avons volontairement peu cité. L’ouvrage de référence de Celso Furtado (1969) : Déve-loppement et sous développement, publié aux PUF (Paris)

 Benavente J.M. (2002) : « Cuan dinamicas son las exportaciones intraregionales latinoamericanas ? » Cepal, série macro économie du développement n°12 . Santiago du Chili
 CEPAL (2002) : Globalizacion y desarrollo. Santiago du Chili
 Rodrik D. (2001) : « Por que hay tanta insecuridad economica en america Latina » Revista de la Cepal n°73, Santiago du Chili
 Salama P (1976) : Un procés de sous développement, ed Maspéro, seconde édition remaniée, Paris
 Salama P (1999) : Riqueza e pobreza en América latina, la fragilidad de las nuevas políticas económicas. Ed Fondo de cultura económico, Mexico
 SOBEET différents numéros, Sao Paulo
 UNCTAD : Trade and Development, Report 1997 et 2002). Genève

Notes

[1La dépendance technologique est forte quand bien même ces économies restent relativement fermées au commerce international à cette époque (années soixante et soixante dix). Le spectre des techniques éligible est restreint, le pro-tectionnisme l’élargit mais ne donne pas la possibilité de choisir n’importe quelle technique comme la théorie néoclassi-que le laissait penser (allocation optimale selon les raretés relatives et donc utilisation de techniques intensives en main d’œuvre). A l’inverse, l’approche de Kaldor montre que le choix des techniques est restreint car ce qui importe ce sont les coûts unitaires du travail (combinaison du salaire te de la productivité du travail) et que les entrepreneurs choisis-sent des techniques plus ou moins de pointe et subissent donc une dépendance technologique. Le protectionnisme permet d’assouplir cette contrainte. Cet élargissement va cependant produire des effets pervers. Le protectionnisme incite par exemple des entreprises transnationales à pénétrer le marché pour y produire des biens soit obsolètes dans leur pays d’origine, soit/et à partir de lignes de production obsolètes, de seconde main, et à exiger de la part du gou-vernement la poursuite de cette protection, celle-ci étant alors vécue comme une rente (au sens donné par A.Krueger). Tel a été le cas de l’industrie automobile où la caractéristique principale durant de longues années - des années soixante aux années quatre vingt - a été l’exportation de capital productif dévalorisé dans leur pays d’origine,facilité par la protection de l’industrie, mais valorisable en d’autres lieux grâce à ce protectionnisme. Ce dernier, même élevé, n’étant cependant pas de l’autarcie, des limites existent à la hausse des prix relatifs et celle-ci peut être insuffisante pour assurer un taux de valorisation suffisant.

[2On voit aussi immédiatement qu’une telle analyse est pertinente si aux évolutions en terme relatifs de la demande de ces produits (due à l’augmentation des inégalités) correspondent des évolutions en terme absolues de l’offre de ces produits. Dit autrement, le revenu des trente pour cent d’une population très importante n’a pas la même dimension que celui des trente pour cent d’une population moins importante. D’une manière plus générale, cette analyse fait un glissement : elle traite de la demande de ces produits en terme relatif (car dépendant de l’évolution de la distribution des revenus) et de l’offre en terme absolu (car dépendant de la dépendance technologique). Les deux dimensions peuvent certes en harmonie, mais un tel raisonnement ne permet pas à un niveau théorique de déduire qu’elles le resteront ou non en dynamique.

[3A l’inverse, dans les années quatre vingt dix, l’appréciation des monnaies durant de nombreuses années face au dollar, la réduction massive des droits de douane, l’importation de biens d’équipement « up to date », favorisent un processus de type « catching up » des techniques et une modernisation de l’appareil de production, et introduisent également un biais « capital saving » au sens de Robinson favorable à une meilleure valorisation du capital investi.

[4En allant un peu plus loin, les difficultés à financer l’intégralité du service de la dette externe (intérêts et principal) conduisent les gouvernements à accepter les contraintes imposées par le FMI afin d’obtenir des financements des institutions internationales, à plus bas taux d’intérêt que ceux du marché, incluant des primes de risque parfois léoni-nes. Ces conditions consistent en partie à limiter les dépenses publiques afin de dégager un solde primaire positif de leur budget (solde avant paiement des intérêts). Dans des économies relativement fermées, cette limitation, voire cette réduction des dépenses autres que celle au titre du service de leur dette, a des effets récessifs de type keynésien, réduisant l’incitation à investir des entrepreneurs, et augmentant la vulnérabilité des pauvres à la crise au lieu de l’alléger.

[5Pour relativiser, rappelons que les exportations de la Chine de 1980 à 2000 ont été multipliées par 15.

[6Au Brésil par exemple : 64,7% des investissements se dirigeaient vers le secteur industriel en 1995, 22,7% en 1996 et 13,3% en 1997, 11,9% en 1998, 26,6 %en 1999, 17% en 2000, puis une remontée en 2001 avec 32,80% (SOBEET, 2000). Rappelons cependant qu’à partir de 2001, on observe une baisse assez prononcée de l’investissement étranger direct.

[7L’étude de l’évolution du taux de change réel dépasse le cadre de cet article. On peut cependant observer une tendance « structurelle » à l’appréciation du taux de change réel. Elle est le résultat du « succès » de la politique de libéralisation entreprise dans les années quatre vingt dix : l’afflux de capitaux tend à apprécier le taux de change. Cette appréciation est entrecoupée de dépréciations brutales lorsque la crédibilité de la politique gouvernementale est atteinte par l’incapacité de faire correspondre besoins de financement et capacités de financement, et qu’en conséquence lesris-ques de défaut augmentent. Le passage à des taux de change flottants dits « sales » à la fin des années quatre vingt dix tend à atténuer l’ampleur et surtout la soudaineté des crises de change, pour autant la volatilité du taux de change reste importante : appréciations structurelles bénéfiques au rapatriement des capitaux vers les économies du centre, dépréciation soldant cette appréciation.

[8La vulnérabilité des banques augmente lorsque les dépôts ne suivent pas au même rythme la croissance des taux d’intérêt, et leur capitalisation devient plus pressante lorsque la crise apparaît. Le coût pour recapitaliser les banques et socialiser leurs pertes atteint alors des dimensions considérables.

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