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5 janvier 2014

Allemagne d’aujourd’hui, des péchés de l’Eglise... à l’immigration sélective

Payer les péchés

par Osvaldo Bayer*

 

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L’Église Catholique en Allemagne paye ses péchés. Et c’est une bonne nouvelle, puisque jamais cette organisation, ni aucune autre de cette religion, n’avait reconnu ses fautes. Elle a payé six millions d’euros d’indemnisation à ceux qui étant enfants ont subi des abus sexuels de la part de prêtres.

Quelque 1 300 victimes furent concernées. Ceux-ci, devenus mayeurs avaient porté plainte devant le Bureau de coordination de la Conférence des ’Évêques Allemands. En moyenne, cinq mille euros ont été versé aux victimes, somme qui dans certains cas a atteint 18 000 euros. Mais bien sûr, ces aberrations ne se paient pas avec de l’argent. Ce que l’Église doit discuter en son sein c’est le soi-disant « voeu de chasteté », qui dans de nombreux cas finit dans l’aberration de rendre victimes des enfants qui ne peuvent pas se défendre. Un sujet pour le Pape François s’il veut renouveler sur plusieurs aspects son Église. De plus, obliger les églises de tous les pays à suivre l’exemple de l’église allemande et de reconnaître aux victimes l’indemnisation correspondante. Mais le seul fait de payer ne résout pas le problème. Il faut mettre en action la Justice et punir les personnes qui abusent des enfants pour leur forfait lâche et répugnant.

L’humoriste Michael Herl a écrit qu’il a remarqué que les églises catholiques ce Noël étaient vides et qu’en revanche les gens ont rempli les supermarchés pour faire des achats de Noël, aussi les boutiques, les restaurants, et mêmes les hôpitaux. Pour lui cela montre que les gens ont fait trop de place aux plaisirs, et il recommande à l’Église – si elle veut gagner du public – qu’elle installe dans les lieux de culte dans les foires ou qu’elle fasse des messes érotiques pour que les fidèles reviennent. Et qu’au Vatican on fasse une course de Formule Un et qu’on mette Messi pour faire la messe. De plus que chaque paroisse porte le nom d’un sponsor millionnaire comme l’on fait avec les terrains de football. Et voilà qu’il suggère le nom de quelques uns de ces millionnaires. C’est-à-dire se moderniser comme le fait la société dite moderne.

Une cruelle ironie mais, dans le fond, une vérité amère.

Un livre sur Jésus vient de paraître en Europe. L’auteur est Reza Aslan, un homme de science religieux qui a étudié à Santa Clara University, Harvard et à l’Université de Californie. Il a vécu en Palestine, étudiant l’époque du Ier siècle et son histoire, et il est arrivé à la conclusion que Jésus a été un révolutionnaire qui a lutté contre l’occupation romaine et c’est pourquoi il a été crucifié. L’auteur signale :

« Il est important de comprendre que Jésus a été beaucoup plus radical et révolutionnaire que ce qui a été décrit jusqu’à présent. Il est mort sur la croix. Et justement la crucifixion était le châtiment que Rome appliquait à ceux qui employaient la violence contre le pouvoir de l’État. Et justement c’était la peine pour les rebelles et les insurgés. C’est-à-dire qui si Jésus a été crucifié, ce fut parce qu’il se rebellait contre le pouvoir de l’État. Et d’avoir incité contre les Romains. Il le démontre le fait qu’un prisonnier, torturé et était pris, crucifié par le pouvoir romain. C’était un révolutionnaire, il prêchait que les riches doivent être pauvres et que les derniers seront les premiers. Si Jésus vivait maintenant et prêchait ce qu’il soutenait à l’époque cela aurait été très dangereux pour lui. La figure de Jésus est tant attractive qu’aujourd’hui on peut l’admirer sans être chrétien. Jésus n’a pas fondé le christianisme, c’était un Juif. Ceux qui ont créé le christianisme furent été ses disciples. »

En résumé, un livre pour penser et commencer un nouveau débat dans cette discussion infinie. Zealot, de Reza Aslan.

Mais sortons de l’église, traversons la place et mélangeons-nous avec les gens. L’Allemagne vient de faire un pas très discutable qui a provoqué une discussion interne profonde : le nouveau gouvernement a ouvert les portes pour qu’entrent en Allemagne environ 180 000 Roumains et Bulgares. Et c’est ici que le débat commence. L’Europe, pour cela ? C’est-à-dire que ces deux pays perdront une grande quantité de leur force de travail. La solution : ne consisterait-elle pas en ce que les pays riches d’Europe sans frontières internes investissent dans les pays pauvres pour éviter d’aussi grandes migrations ? C’est que, bien sur, cela convient à l’Allemagne capitaliste d’avoir de la main-d’œuvre en abondance. Il y a ici déjà plus de deux millions de chômeurs. Plus il y a de chômeurs, moins il y a d’exigences de la part des travailleurs qui, afin d’avoir un travail, renoncent à des améliorations ou à des salaires plus justes. La discussion a commencé. Le parti conservateur de la Bavière, appelé Parti Social Chrétien, s’est opposé à ce que les frontières soient ouvertes pour laisser passer ces 180 000 personnes. Ce parti politique remarque que ceux qui n’obtiennent pas de travail vont exiger l’assurance chômage que touchent les chômeurs allemands, les allocations pour leurs enfants, etc. et cela va paralyser l’économie allemande. Mais la majorité de la coalition du gouvernement Démocrate Chrétien et Social Démocrate (socialistes) a déjà approuvé l’entrée de Bulgares et de Roumains et le fait qu’ils jouissent de tous les droits sociaux donnés aux Allemands.

Sur ce sujet, les britanniques ont poussé des cris d’orfraie. Le Premier ministre David Cameron est monté au front pour exiger un changement dans les traités européens pour limiter l’entrée de citoyens de pays pauvres. Il l’a clairement dit. « Nous devons limiter la liberté. Oui au droit de chercher un travail dans un autre pays européen, mais qu’on n’est pas de droit de choisir où se trouvent les meilleurs services sociaux. » Cameron a initié un mouvement pour rendre plus difficile l’attribution des services sociaux à des travailleurs étrangers de pays pauvres.

Est-ce que cette histoire de travailleurs étrangers, oui ou non, ne devrait pas être le principal problème ? Le sujet fondamental devrait être comment finir avec la pauvreté, qui est en finir avec l’inégalité. Si nous comparons ce qu’un employé dans un commerce gagne, par exemple, avec ce que gagne le dirigeant d’une banque, nous arrivons à la conclusion que ce n’est pas une démocratie, bien que, tous les deux ans, tous puissent voter. Et si nous analysons les listes des donations aux partis politiques, nous voyons que ce sont des millions qui vont des grandes entreprises à ceux de tendance conservatrice, et à peine quelques milliers ou centaines aux partis de gauche.

L’Allemagne, le pays qui possède la meilleure économie de l’Europe : comment peut-il y avoir de la pauvreté ? Le rapport 2013 de Conférence Nationale sur la Pauvreté le dit clairement. La conclusion finale signale que : « L’Allemagne est entre la richesse et la pauvreté, entre pauvres et riches, entre ceux quI ont des possibilités et ceux qui ne les ont pas. Le quota de pauvreté monte continuellement de 14,2 pour cent à 15,2 pour cent. De plus en plus, cela arrive à des familles bien normales ». Pour on a pris en compte le rapport officiel du Département Fédéral du Bureau de Recensements.

Nous voulons clore ce panorama de l’être humain, qui n’a apparemment rien appris malgré les siècles d’ expériences – nous pourrions parler, par exemple, de ce qu’on dépense, mais oui, en armes et dans l’entretien des armées – avec les mots savants prononcés il y a peu de jours par le vice-président de la Bolivie, Alvaro García Linera, lors du Congrès de la Gauche Européenne, à Madrid :

« L’Europe languit, épuisée, abattue, repliée sur soi-même et satisfaite d’elle même, apathique et fatigué. Ainsi nous voyons en Europe, l’ Europe des lumières, celle des révolutions, des grands universalismes qui ont enrichi le monde. Ce n’est pas l’Europe des peuples. Elle est étouffée, asphyxiée. La nouvelle Europe que nous voyons dans le monde est celle des grandes associations, la néolibérale, celle des marchés et pas celle du travail. On entend seulement, en paraphrasant Montesquieu, le bruit lamentable des petites ambitions et des grands appétits ».
- Lire la transcription complète du discours de Alvaro García Linera :
« Aux Gauches d’Europe et du Monde »


Osvaldo Bayer pour Página 12
Página 12. Depuis le Bonn, Allemagne, le 4 janvier 2014.

*Osvaldo Jorge Bayer est un historien, écrivain et journaliste argentin qui se définit comme un « anarchiste et pacifiste à outrance ». Docteur Honoris Causa de plusieurs universités, il possède la double culture allemande et argentine, qu’il met au service de combats sociaux justes que l’Histoire Officielle s’obstine à gommer.


Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 5 janvier 2014.

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