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10 juillet 2010

Affaire des royalties sur le soja argentin : la Cour de justice de l’Union européenne statue contre Monsanto

par Anne Furet

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Dans un arrêt du 6 juillet 2010, la Cour de justice de l’Union européenne refuse à Monsanto le droit d’étendre la protection d’un de ses brevets aux farines de soja argentin génétiquement modifié importées en Europe. La plus haute Cour de l’ordre juridique communautaire inflige un revers à la multinationale.

Récupérer en Europe les royalties du soja RR non protégé en Argentine
L’affaire remonte à 2005 et 2006, années où les douanes bloquent, dans le port d’Amsterdam, trois cargaisons de farine de soja en provenance d’Argentine, soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle de Monsanto. Les farines, issues d’un soja GM Roundup ready (ou soja RR), contenaient une séquence d’ADN conduisant à la résistance de la plante au glyphosate, séquence d’ADN pour laquelle Monsanto bénéficie d’un brevet européen. Européen, mais non argentin, car pour des raisons de droit interne, Monsanto ne dispose pas du même brevet en Argentine, alors que le soja RR y est cultivé à grande échelle. N’ayant pu toucher de royalties là-bas, la multinationale a souhaité les obtenir en Europe.

Monsanto a donc introduit des demandes d’interdictions de commercialisation et d’interdiction d’atteinte au brevet contre les deux sociétés faisant le commerce des farines, Cefetra Ltd. et Alfred C. Toepfer International. Des plaintes similaires avaient été introduites à l’époque devant deux tribunaux espagnol et britannique. [1] Le tribunal néerlandais saisi de la requête s’est retourné vers la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour interpréter la réglementation communautaire et savoir si les commerçants avaient réellement porté atteinte au brevet européen de Monsanto. Ce sont donc plusieurs questions préjudicielles qui ont été déposées sur le bureau de la CJUE.

Pas de protection absolue du brevet

Première question : la directive sur la protection des inventions biotechnologiques [2] protège-t-elle les situations dans lesquelles l’objet du brevet n’exerce plus sa fonction ? En d’autres termes, les farines de Monsanto, dans lesquelles on retrouve la séquence d’ADN brevetée, donnent-elles droit à rémunération de la firme alors même que la résistance au glyphosate n’est plus une qualité recherchée dans les farines ?

A ce sujet, la Cour relève, ironiquement ou non, que l’application d’un herbicide sur de la farine de soja n’est pas souhaitable... Sur cette première question, la Cour fournit une réponse claire : la directive ne confère pas de protection lorsque le produit n’exerce pas la fonction pour laquelle il a été breveté. [3] En mars 2009, l’avocat général ajoutait dans ses conclusions que « le fait que Monsanto ne puisse obtenir une juste rémunération pour son brevet en Argentine ne saurait être réparé en lui conférant une protection étendue dans l’UE ». [4]

Cette prétention à l’extension du droit d e ses brevets rappelle la récente tentative de Monsanto pour faire valoir ses brevets sur des viandes et du poisson ayant consommé des OGM (1). Si le ridicule ne tue pas, rien à perdre à essayer, doit penser la multinationale. Mais à ce jeu, c’est son image déjà bien écorchée qui a tout à y perdre...

Deuxième question : la directive fait-elle obstacle à ce que la législation nationale en matière de brevet octroie une protection absolue à l’objet breveté, que la fonction soit exprimée ou non dans le produit en question ? Car il ressortait de cette affaire que, selon le droit néerlandais, la séquence d’ADN aurait pu être protégée, même contenue dans des farines de soja où elle n’exerce pas sa fonction. Mais la Cour estime que la directive s’oppose à une telle règle nationale, procédant ainsi à une harmonisation exhaustive sur ce point.

Retrait de la plainte de Monsanto suite à un mystérieux accord avec les importateurs

La décision intervient malgré une annonce de Monsanto fin juin du retrait de sa plainte du tribunal néerlandais. La multinationale aurait conclu un accord avec les deux sociétés importatrices. Aucune des parties n’a dévoilé les termes de l’accord. Et à notre connaissance, aucune des trois sociétés n’a communiqué pour l’instant sur la décision de la CJUE.

InfOGM, 6 juillet 2010.

Notes :

Notes

[2Directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques

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